N° 192

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe BONNECARRÈRE,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 385 du code de procédure pénale prévoit que le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités qui lui sont soumises, sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction.

Dans sa décision n° 2023‑1062 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré les mots « sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction », au motif que cette exception méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense dans la mesure où la purge des nullités n’était pas écartée lorsque la partie n’avait pu avoir connaissance de l’irrégularité éventuelle d’un acte ou d’un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l’instruction.

Les effets de l’abrogation de ladite disposition sont reportés au 1er octobre 2024.

À compter de cette date, sans intervention du législateur, l’article 385 du code de procédure pénale sera ainsi rédigé : « Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises ». Il en résulte que si aucun texte n’est définitivement adopté avant cette échéance, le mécanisme de purge des nullités (rendant irrecevable, une fois l’ordonnance de règlement rendue par le juge d’instruction devenue définitive, toute exception de nullité visant les actes de la procédure antérieure à cette ordonnance) sera purement et simplement supprimé, ce qui permettra aux prévenus d’exciper des moyens de nullité sur l’ensemble des actes de l’information judiciaire, alors même qu’ils en auraient eu connaissance au cours de l’information.

Cela conduira inévitablement à une hausse extrêmement importante des requêtes en nullité présentées devant les tribunaux correctionnels à l’issue de l’information judiciaire et, de ce fait, à une augmentation inévitable de la charge des juridictions, se traduisant in fine par un allongement conséquent des délais d’audiencement.

Une modification de l’article 385 du code de procédure pénale (et par coordination de l’article 175 du code de procédure pénale) s’impose donc pour tirer les conséquences de cette décision, en ménageant expressément la possibilité d’invoquer un moyen de nullité qui n’avait pu être connu auparavant. Une évolution analogue du système de purge des nullités en matière criminelle et devant le tribunal de police est également nécessaire pour tirer toutes les conséquences de la décision constitutionnelle précitée afin de sécuriser, sans attendre une nouvelle QPC éventuelle, la rédaction du code de procédure pénale.

L’article 1er de la présente proposition de loi tend à reprendre exactement la solution retenue par le Conseil constitutionnel et qui est applicable depuis sa décision : le Conseil indique en effet dans son paragraphe n° 16 que, pour faire cesser immédiatement l’inconstitutionnalité constatée, « la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n’a pu être connu avant la clôture de l’instruction » en précisant qu’il » reviendra alors à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité ».

L’article premier modifie ainsi les articles 175 et 385 du code de procédure pénale afin de donner la possibilité aux parties de soulever, en matière correctionnelle, une nullité dont elles n’auraient pu avoir connaissance préalablement :

– d’une part, dès l’avis de fin d’information et ce jusqu’à l’ordonnance de règlement du juge d’instruction, qui clôt la procédure ;

– d’autre part, devant le tribunal correctionnel, lorsque la partie n’a pu avoir connaissance de la nullité qu’après la clôture de l’information.

Cette solution est transposée, s’agissant de la procédure applicable devant le tribunal de police, aux articles 178 et 179 ainsi que, en matière criminelle, aux articles 181, 269‑1 et 305‑1, valables tant pour les cours d’assises que pour les cours criminelles départementales.

L’article 2 prévoit l’application du présent projet de loi en outre‑mer.

 

 


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proposition de loi

Article 1er

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 175, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023‑1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, est complétée par les mots : « , sauf en cas de requête en annulation portant sur un moyen de nullité que la partie n’aurait pu connaître, qui reste recevable jusqu’à la clôture de l’information » ;

2° Le second alinéa de l’article 178 est complété par les mots : « , hors le cas où les parties n’auraient pu les connaître » ;

3° Le dernier alinéa de l’article 179 est complété par les mots : « , hors le cas où les parties n’auraient pu les connaître » ;

4° Le quatrième alinéa de l’article 181 est complété par les mots : « et hors le cas où les parties n’auraient pu les connaître » ;

5° L’article 269‑1 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’accusé peut également saisir le président de la chambre de l’instruction dans le cas où le moyen de nullité n’aurait pu être connu antérieurement à la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive. » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « ce » est remplacé par le mot : « ces » ;

6° La première phrase de l’article 305‑1 est ainsi rédigée : « L’exception entachant la procédure qui précède l’ouverture des débats et tirée d’une nullité autre que celles purgées par la décision de renvoi devenue définitive ou en application de l’article 269‑1 ou d’une nullité qui n’aurait pu être connue antérieurement à la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive doit, à peine de forclusion, être soulevée dès que le jury de jugement est définitivement constitué. » ;

7° Le premier alinéa de l’article 385 est ainsi modifié :

a) Les mots : « sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phase ainsi rédigée : « Lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction, il ne peut connaître que de moyens de nullité qui n’ont pu être connus par la partie qui les soulève avant la clôture de l’instruction. »

Article 2

Au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, les mots : « loi n° 2024‑420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires » sont remplacés par les mots : « loi n°     du      visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités ».