N° 339

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter efficacement contre la délinquance des mineurs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Alexandra MARTIN, M. Nicolas RAY, Mme Josiane CORNELOUP, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Justine GRUET, M. Éric PAUGET, M. Michel HERBILLON, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Yannick NEUDER, M. Jean-Pierre VIGIER, Mme Émilie BONNIVARD,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La recrudescence des faits de délinquance des mineurs constitue un enjeu majeur pour notre société, menaçant non seulement la sécurité publique, mais aussi l’avenir des jeunes eux‑mêmes.

Elle n’est pas seulement un défi judiciaire. C’est un cri d’alarme sur l’effondrement de l’autorité et des repères dans notre société, exacerbé par l’influence des réseaux sociaux et de l’effet de clan. C’est pourquoi, il est indispensable de juguler cette violence pour protéger nos concitoyens et pour réhabiliter un maximum de ces jeunes afin de retrouver une cohérence sociale.

Alors que le Sénat avait rendu, le 21 septembre 2022, un rapport d’information précisant l’absence de « photographie complète et actuelle de ce phénomène », il a cependant permis de le mettre en lumière.

En 2023, près de 20 571 mineurs ont été mis en cause par les services de police et gendarmerie pour coups et blessures, en France (chiffres du ministère de l’intérieur).

De plus, lors des questions au gouvernement du 9 avril 2024, le ministre de la justice a fait part d’une augmentation de 40 % des faits de violences commis par des mineurs, depuis le premier trimestre 2023.

Les derniers évènements dramatiques que constituent le décès d’un adolescent de 15 ans, après avoir été roué de coups aux abords de son collège à Viry‑Châtillon dans l’Essonne ou encore la violente agression de Samara à sa sortie de collège à Montpellier ne doivent plus se reproduire.

Ces faits d’une violence extrême se multiplient dans notre société prouvant l’incapacité des pouvoirs publics à les endiguer.

Nous sommes aujourd’hui bien au‑delà de ce qui relève de l’émotion suscitée par de tels comportements, mais bien face à un véritable défi sociétal et civilisationnel : celui de l’autorité pour que chacun puisse vivre librement dans une société plus sûre et celui de la responsabilité pour que la culture de l’excuse ne soit plus la règle.

Si la prévention est nécessaire, la répression est essentielle et source d’éducation. Le cadre juridique actuel souffre d’une inadéquation face à la gravité des actes commis par certains adolescents. Il est indispensable de sanctionner les mineurs commettant des actes répréhensibles, de responsabiliser les parents de mineurs délinquants mais également de condamner les majeurs les utilisant pour réaliser des actes délictueux.

Cette proposition de loi vise donc à lutter efficacement contre la délinquance des mineurs, en prévoyant dans son article 1er d’inverser le principe de l’excuse de minorité. L’objectif serait de supprimer pour les plus de 13 ans le bénéfice de la réduction de la peine encourue et ainsi de faire de l’exception (leur retirer le bénéfice préexistant) une règle générale (pas de bénéfice de réduction de peine). Il appartiendra donc désormais au magistrat de motiver sa décision de faire bénéficier le mineur de l’excuse de minorité.

L’article 2 ramène l’excuse de minorité à 20 % de la peine encourue et non 50 % comme actuellement.

L’article 3 intègre une amende allant jusqu’à 12 000 euros qui pourra être prononcée à l’encontre du mineur de plus de treize ans.

L’article 4 renforce la responsabilité pénale des parents dans le cas où le défaut d’obligation légale de surveillance aurait entrainé la commission d’une infraction par le mineur et sa condamnation.

L’article 5 crée un nouvel établissement accueillant des mineurs délinquants appelé « Internat disciplinaire fermé » proposant un suivi judiciaire et éducatif, pouvant accueillir des petites et courtes peines. Cette nouvelle structure se situerait entre le centre éducatif fermé et l’établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. Au sein de ces internats, les mineurs feraient l’objet des mesures de surveillance et de contrôle renforcés permettant d’assurer un suivi judiciaire, éducatif et disciplinaire.

L’article 6 donne la possibilité au juge des enfants de condamner à une peine de travail d’intérêt général un mineur âgé d’au moins treize ans au moment du prononcé de la peine. Aujourd’hui, seul un mineur de plus de 16 ans au moment du prononcé de la peine peut se voir imposer une peine de travail d’intérêt général.

L’article 7 interdit la prise en charge par une assurance responsabilité civile des dommages résultant de la commission d’une infraction par un mineur ayant donné lieu à une condamnation définitive.

L’article 8 augmente les sanctions encourues lorsqu’il y a eu provocation directe d’un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants pour atteindre dix ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende.

De plus, est créé un nouveau délit visant à l’exploitation d’un mineur de moins de treize ans pour transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants qui serait puni de quinze ans de réclusion et 350 000 euros d’amende.

L’article 9 augmente les sanctions encourues lorsqu’il y a eu provocation directe d’un mineur à commettre un crime ou un délit se chiffrant désormais à dix ans d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende.

Est également créé un nouveau délit visant à l’exploitation d’un mineur de moins de treize ans pour commettre un crime ou un délit sanctionné désormais de vingt ans de réclusion et de 500 000 euros d’amende.

L’article 10 facilite le recours à l’audience unique pour les mineurs déjà connus de la justice. Le juge pour enfants pourra ainsi statuer dans une même audience sur la culpabilité du mineur et sur la sanction afférente à ses actions.

L’article 11 augmente de 30 % la durée de détention provisoire d’un mineur âgé d’au moins seize ans.

L’article 12 rétablit les peines planchers et les applique aux mineurs de plus de seize ans.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 121‑7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

a) Le mot : « seize » est remplacé par le mot : « treize » ;

b) Les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;

c) Les mots : « n’y a pas » sont remplacés par les mots : « y a » ;

2° Le second alinéa est supprimé.

Article 2

L’article L. 121‑5 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux quatre cinquièmes » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « moitié » est remplacé par les mots : « quatre cinquièmes ».

Article 3

L’article L. 121‑6 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux quatre cinquièmes » ;

2° À la fin, le montant : « 7 500 euros » est remplacé par le montant : « 12 000 euros ».

Article 4

Après le premier alinéa de l’article L. 227‑17 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à son obligation légale de surveillance de son enfant mineur, ayant conduit à la commission, par ce mineur, de plusieurs délits ou crimes ayant donné lieu à une condamnation définitive est puni de trois ans d’emprisonnement et de 35 000 euros d’amende. En cas de crime, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende ».

Article 5

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de la justice pénale des mineurs est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Des internats disciplinaires fermés

« Art. L. 1139.  Les internats disciplinaires fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d’une sanction pénale.

« Au sein de ces internats, les mineurs font l’objet des mesures de surveillance et de contrôle renforcés permettant d’assurer un suivi judiciaire, éducatif et disciplinaire.

« L’habilitation ne peut être délivrée qu’aux établissements offrant une sécurité renforcée et adaptée à la mission des centres ainsi que la continuité du service. »

Article 6

À la fin du 3° de l’article L. 121‑4 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « , si le mineur est âgé d’au moins seize ans au moment du prononcé de la peine » sont supprimés.

Article 7

L’article L. 121‑2 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, en cas de dommages résultant de la commission d’une infraction pénale par un mineur, ayant donné lieu à une condamnation définitive, aucune prise en charge ne sera garantie par une assurance responsabilité civile ».

Article 8

L’article 227‑18‑1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 200 000 euros » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’exploiter un mineur de moins de treize ans en vue de transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants est puni de quinze ans de réclusion et 350 000 euros d’amende. »

Article 9

L’article 227‑21 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 250 000 euros » ;

2° Il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’exploiter un mineur de moins de treize ans dans la commission d’un crime ou un délit est puni de vingt ans de réclusion et de 500 000 euros d’amende. »

Article 10

Le 2° de l’article L. 423‑4 du code de la justice pénale des mineurs est complété par un c ainsi rédigé :

« c) A déjà été condamné précédemment par le tribunal pour enfants. »

Article 11

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Le chapitre III du titre III du livre IV est ainsi modifié :

a) L’article L. 433‑2 est ainsi modifié :

– au 1°, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « vingt » ;

– au 2°, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de quarante jours » ;

b) L’article L. 433‑3 est ainsi modifié :

– au début de la première phrase du 1°, les mots : « Un mois » sont remplacés par les mots : « Quarante jours » ;

– au début de la première phrase du 2°, le mot : « Quatre » est remplacé par le mot : « Cinq » ;

c) À la première et à la seconde phrases de l’article L. 433‑4, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » ;

d) L’article L. 433‑5 est ainsi modifié :

– à la première phrase, après le mot : « an », sont insérés les mots : « et trois mois » ;

– à la deuxième phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » ;

– la dernière phrase est complétée par les mots : « et six mois » ;

e) L’article L. 433‑8 est ainsi modifié :

– les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de quarante jours » ;

– le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Le chapitre Ier du titre II du livre V est ainsi modifié :

a) À la fin de l’article L. 521‑10, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots : « quarante jours » ;

b) L’article L. 521‑22 est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots : « quarante jours » ;

2° À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de quarante jours ».

Article 12

La sous‑section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° L’article 132‑18‑1 est ainsi rétabli :

« Art. 132181. – Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« Lorsqu’un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux mineurs âgés d’au moins seize ans » ;

2° L’article 132‑19‑1 ainsi rétabli :

« Art. 132191. – Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

« La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement lorsqu’est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants :

« 1° Violences volontaires ;

« 2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ;

« 3° Agression ou atteinte sexuelle ;

« 4° Délit puni de dix ans d’emprisonnement.

« Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux mineurs âgés d’au moins seize ans. »