N° 354
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la répression des refus d’obtempérer,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric CIOTTI, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, Mme Brigitte BARÈGES, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, M. Vincent TRÉBUCHET, Mme Sophie VAGINAY, M. Gérault VERNY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis une vingtaine d’années, nos compatriotes sont les victimes d’un véritable ensauvagement de notre société, avec une accélération ces dix dernières années.
Le nombre d’homicides et de tentatives d’homicide réunis a atteint en 2022 son plus haut niveau depuis 1972. En seulement six ans, les homicides et les tentatives ont augmenté de 50 % passant de 3 080 à 4 543 faits entre 2016 et 2022. En dix ans, les coups et blessures volontaires, violences gratuites par excellence, ont augmenté de 77 %, passant de 214 900 faits en 2012 à 380 400 en 2023. La France est ainsi le 1er pays européen sur 27 pour le taux d’agressions graves (3,5 fois plus qu’en Allemagne).
Nos forces de l’ordre, premier rempart de la République, se trouvent être bien souvent les premières cibles de cette spirale de violences. Les violences contre les dépositaires de l’autorité publique ont plus que doublé en 20 ans, passant de 17 477 faits en 2001 à 37 618 en 2021, soit plus de 100 chaque jour. Ainsi, les policiers et gendarmes représentent chaque année environ 25 % des victimes de violences physiques et verbales. Les agressions contre la police nationale ont plus que doublé en 20 ans, plus de 85 faits de violences environ par jour étant recensés à leur encontre. Ces violences vont hélas parfois jusqu’à leur coûter la vie.
Le dernier exemple en date est le drame survenu à Mougins où un gendarme du peloton motorisé de Mandelieu‑la‑Napoule a été mortellement percuté par un véhicule en fuite. Âgé de 54 ans et père de deux enfants, engagé depuis plus de trente ans au sein de la gendarmerie, celui‑ci a été victime d’un délinquant de la route multirécidiviste.
Cette proposition de loi entend répondre à cette montée de la violence, singulièrement des refus d’obtempérer en renforçant l’arsenal répressif. Il s’agit d’une part de sanctionner plus durement les refus d’obtempérer et de mettre hors d’état de nuire les chauffards, et, d’autre part, pour répondre de manière plus générale à la montée des violences contre les forces de l’ordre et les pompiers, de rétablir les « peines planchers » pour les crimes et délits commis contre les agents de la force publique et les pompiers.
L’article 1er prévoit de porter les peines encourues pour refus d’obtempérer simple à trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en lieu et place des deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende dans le droit actuel. Par ailleurs il prévoit une peine complémentaire de suspension pour cinq ans au plus, contre trois ans au plus aujourd’hui, du permis de conduire, ainsi que le prononcé obligatoire de l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, contre une peine facultative aujourd’hui et dont la durée est limitée à trois ans. Enfin, il prévoit la confiscation obligatoire du véhicule utilisé par le malfaiteur.
Dans le même esprit, l’article 2 propose de renforcer les peines pour refus d’obtempérer aggravé en passant la peine complémentaire de suspension du permis de conduire à sept ans au plus, contre cinq ans au plus aujourd’hui, et l’annulation obligatoire du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pour une durée ne pouvant excéder sept ans, au lieu de cinq ans aujourd’hui.
Par ailleurs, l’article 3 dispose que la récidive de refus d’obtempérer simple entraîne de plein droit la peine d’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, contre trois ans aujourd’hui.
L’article 4 prévoit diminuer les réductions de peine maximales auxquelles peuvent prétendre les personnes condamnées à une peine privative de liberté après avoir commis un refus d’obtempérer, en prévoyant qu’elles ne puissent bénéficier que d’une fraction de quatre mois par année d’incarcération et neuf jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an.
Enfin, dans le but de répondre de manière plus générale à l’augmentation des violences à l’égard des forces de l’ordre et des pompiers, l’article 5 prévoit le rétablissement d’un dispositif complet de peines minimales de privation de liberté, dites « peines planchers » pour les crimes et délits commis contre les agents de la force publique et les pompiers. Il s’agit d’être intraitables vis‑à‑vis de ceux qui s’en prennent aux agents sous uniforme, rempart de la République.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
L’article L. 233‑1 du code de la route est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Le 4° est abrogé ;
b) Le 5° est ainsi modifié :
– après le mot : « confiscation », il est inséré le mot : « obligatoire » ;
– les mots : « sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement » sont supprimés ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée. » ;
3° Est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Toute condamnation pour le délit prévu au I du présent article donne lieu, de plein droit, à l’annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder cinq ans. » ;
Article 2
L’article L. 233‑1‑1 du code de la route est ainsi modifié :
1° Au 1° du II, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° Au III, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept ».
Article 3
Au II de l’article L. 233‑1‑2 du code de la route, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
Article 4
À l’article 721‑1‑2 du code de procédure pénale, après le mot : « publique » sont insérés les mots : « , ainsi que les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles L. 233‑1 et L. 233‑1‑1 du code de la route ».
Article 5
La sous‑section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 132‑18‑1 est ainsi rétabli :
« Art. 132‑18‑1. – Pour les crimes commis à l’encontre :
« 1° D’un militaire de la gendarmerie nationale ;
« 2° D’un fonctionnaire de la police nationale ;
« 3° D’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321‑1 du code de la défense ;
« 4° D’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ;
« 5° D’un agent des douanes ;
« 6°D’un agent de l’administration pénitentiaire ;
« 7° D’un agent de police municipale ;
« 8° D’un garde champêtre ;
« dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci ;
« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 132‑19 est ainsi modifié :
a) Les mots : « un délit » sont remplacés par les mots : « une infraction » ;
b )Le mot : « puni » est remplacé par le mot : « punie » ;
c) La seconde phrase est supprimée ;
3° L’article 132‑19‑1 est ainsi rétabli :
« Art. 132‑19‑1. – Pour les délits commis à l’encontre :
« 1° D’un militaire de la gendarmerie nationale ;
« 2° D’un fonctionnaire de la police nationale ;
« 3° D’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321‑1 du code de la défense ;
« 4° D’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ;
« 5° D’un agent des douanes ;
« 6° D’un agent de l’administration pénitentiaire ;
« 7° D’un agent de police municipale ;
« 8° D’un garde champêtre ;
« dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.
« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou autre que l’emprisonnement que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »