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N° 356

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter efficacement contre les rodéos motorisés sauvages,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Julien ODOUL, Mme Sophie BLANC, M. Laurent JACOBELLI, Mme Tiffany JONCOUR, M. Julien GABARRON, M. Michaël TAVERNE, Mme Catherine RIMBERT, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Laure LAVALETTE, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Florence GOULET, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Nicolas MEIZONNET, M. Pascal JENFT, M. José BEAURAIN, M. Sébastien CHENU, M. Nicolas DRAGON, Mme Nadine LECHON, Mme Marie-France LORHO, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Philippe BALLARD, Mme Christine ENGRAND, M. Sébastien HUMBERT, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Frédéric FALCON, M. Frank GILETTI, M. Emeric SALMON, Mme Stéphanie GALZY, M. Romain TONUSSI, M. Julien LIMONGI, M. Antoine VILLEDIEU, Mme Marine HAMELET, Mme Sophie-Laurence ROY, M. Julien GUIBERT, M. Franck ALLISIO, Mme Florence JOUBERT, M. Michel GUINIOT, Mme Claire MARAIS-BEUIL, Mme Michèle MARTINEZ, M. Marc CHAVENT, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Lisette POLLET, Mme Hélène LAPORTE, M. Guillaume BIGOT, Mme Julie LECHANTEUX, M. Robert LE BOURGEOIS, M. Kévin PFEFFER, M. David MAGNIER, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. René LIORET, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Anchya BAMANA, M. Aurélien DUTREMBLE, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Maxime AMBLARD, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Théo BERNHARDT, Mme Manon BOUQUIN, M. Olivier FAYSSAT, M. Antoine GOLLIOT, M. José GONZALEZ, Mme Sylvie JOSSERAND, M. Matthieu MARCHIO, M. Pascal MARKOWSKY, M. Patrice MARTIN, M. Kévin MAUVIEUX, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Frédéric WEBER, Mme Angélique RANC, M. Alexandre DUFOSSET, Mme Caroline COLOMBIER, M. Anthony BOULOGNE, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Gisèle LELOUIS, M. Thierry PEREZ, M. Joseph RIVIÈRE, M. Thierry TESSON, M. Emmanuel BLAIRY, M. Eddy CASTERMAN, Mme Hanane MANSOURI, M. Thibaut MONNIER, Mme Anne SICARD, M. Bruno BILDE, Mme Christelle D’INTORNI, Mme Sandra DELANNOY, M. Auguste EVRARD, M. Flavien TERMET, M. Marc DE FLEURIAN, M. Jordan GUITTON, M. Alexandre SABATOU, Mme Christine LOIR, M. Jonathan GERY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2021, près de 26 900 interventions liées à des rodéos urbains ont été opérées sur notre territoire. Le nombre d’auteurs condamnés a bondi de 1 400 % en trois ans, passant de 92 en 2018, à 1 383 en 2021. Ce phénomène est non seulement un fléau pour les forces de l’ordre ‑ près de 240 000 policiers ont été mobilisés sur les rodéos en 2022 - mais également pour les riverains qui subissent des nuisances insupportables et craignent pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Le 6 juin 2022, un jeune homme de 19 ans est mort percuté par un motard lors d’un rodéo urbain à Rennes (Ille‑et‑Vilaine). Le 5 août 2022, deux enfants âgés de 7 et 11 ans ont été grièvement blessés à Pontoise, fauchés par un motard. Un homme de 27 ans est tué par balle par un conducteur de scooter, mécontent d’être dérangé pendant un rodéo urbain à Colmar (Haut‑Rhin) le 13 août 2022, tandis qu’une femme âgée de 84 ans perd la vie après avoir été percutée à la suite de cette pratique illégale le 22 mars 2023 à Brest (Finistère). Dernier exemple dramatique et insupportable : le 29 août 2024, la petite Kamilya, âgée de seulement sept ans, a été heurtée mortellement par un motard qui faisait une roue arrière, alors qu’elle traversait sur un passage piéton, à Vallauris (Alpes‑Maritimes).

Les rodéos sauvages sont symptomatiques d’une société en plein déclin, où l’État peine à trouver des solutions concrètes pour faire face une délinquance toujours plus défiante de l’autorité et insoucieuse de la sécurité publique. Ce phénomène est en forte hausse sur l’ensemble du territoire, entraînant des drames à répétition et une exaspération des forces de l’ordre qui sont désemparés par l’inaction du gouvernement. Le commissaire Patrick Longuet en poste à Marseille expliquait en 2020 que la plupart des engins utilisés pour la pratique du rodéo étaient des instruments de collecte de stupéfiants servant à ravitailler les points de vente. Ce sont donc les mêmes jeunes déjà connus pour des faits de délinquance grave qui s’exercent à la pratique de rodéos sans permis, parfois avec un scooter volé. Si la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a permis d’inscrire un nouveau cadre légal en faisant de cette pratique un délit passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende, force est de constater que le bilan n’est pas celui escompté. L’augmentation exponentielle du nombre de rodéos sauvages ces quatre dernières années démontre bien que malgré un dispositif juridique ambitieux, il ne dissuade aucunement les auteurs.

Devant l’inefficacité de la politique actuelle, d’autres moyens d’action doivent être envisagés afin de lutter contre les rodéos urbains.

À la suite de la mission d’évaluation sur l’impact de la loi du 3 août 2018 qui a été menée à l’Assemblée nationale en septembre 2021, dix‑huit recommandations ont été formulées. Parmi elles, on peut notamment lire l’engagement d’une réflexion sur « la pertinence et l’intérêt de la méthode du « contact tactique » britannique pour les forces de l’ordre françaises ». La méthode du « contact tactique » ou appelée « tampon » est autorisée au Royaume‑Uni depuis 2018 dans le cadre de la lutte contre les vols à l’arrachée et les rodéos motorisés. La direction centrale de la sécurité publique a assuré lors de son audition devant les membres de la mission d’évaluation que le nombre de rodéos motorisés a « drastiquement baissé » depuis l’entrée en vigueur de cette méthode. À titre d’exemple, à Londres, le nombre de délits commis sur un engin à deux roues est passé de 19 455 en 2017 à 12 419 en 2018, soit une baisse de 36 %. Selon un rapport de l’Institut pour la Justice en date de 2023, « En Angleterre et pays de Galles, sur la période avril 2022 à mars 2023, 11 102 véhicules, dont 1 758 deuxroues, ont été poursuivis par un véhicule de police du fait d’un refus d’obtempérer après le constat d’une situation de délit flagrant. Le contact tactique a dû être utilisé dans 6 % du total des poursuites, c’estàdire 666 fois en un an. Sur la totalité des poursuites de 11 102 véhicules, aucun mort n’est à déplorer, ni parmi les forces de l’ordre, ni parmi les délinquants ou autres personnes présentes sur les lieux ».

En clair, la technique du contact tactique a pu permettre à la police britannique de s’emparer du problème à bras‑le‑corps et agir concrètement pour protéger les piétons des dangers du rodéo urbain. Il est évident que la pédagogie envers les amateurs de rodéo ne porte plus ses fruits, et que ce phénomène dépasse largement le champ de compétences limité de l’autorité publique. Ce changement de doctrine est désiré par un grand nombre de policiers de terrain, mais aussi et surtout par les Français qui ne peuvent parfois plus se déplacer sans risquer d’être percuté. D’après un sondage en ligne réalisé par l’institut de sondage CSA pour la chaîne de télévision CNews en avril 2023, 76 % de nos concitoyens seraient favorables à ce que les forces de l’ordre effectuent « des courses poursuites contre les auteurs de rodéos sauvages même si c’est dangereux ». Dans un autre sondage l’année d’après, 93 % des Français estiment que les sanctions pénales à l’encontre des auteurs de rodéos sauvages devraient être plus fortes.

Dans les faits, cette méthode pourrait être mise en place à la condition qu’elle soit accompagnée d’une formation préalable obligatoire pour les forces de l’ordre.

Le premier article vient donc inscrire un nouveau cadre légal pour introduire le contact tactique dans le code de la sécurité intérieure.

Le deuxième article vise à augmenter le quantum des peines pour les auteurs de rodéo urbain. Bien souvent, cet acte est délibérément effectué dans le but de nuire à la tranquillité et la sécurité publiques, les peines doivent donc être alourdies en conséquence.

Le troisième article précise que l’auteur du rodéo urbain qui s’est vu saisir son véhicule devra lui‑même prendre en charge les frais qui s’appliquent a posteriori sur la garde et la destruction du matériel. Depuis le mois de janvier, près de 1 900 engins motorisés ont été saisis par la justice. Il n’y a aucune raison valable qui puisse justifier que la destruction du matériel soit à la charge de l’État.

Le quatrième article vise à mettre en place l’expulsion systématique de l’auteur d’un rodéo motorisé de son logement social, à l’instar de l’individu de Pontoise qui avait grièvement blessé une fillette en août dernier.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Contact tactique en cas de comportements portant atteinte à la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route

« Art. L. 4361. – Dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale, des polices municipales, de la direction générale des douanes et droits indirects et les militaires de la gendarmerie nationale constatant la commission du délit mentionné à l’article L. 236‑1 du code de la route peuvent mettre en œuvre tous moyens proportionnés et nécessaires, notamment par dispositif mécanique d’interception de véhicule, par véhicule à moteur ou par contact matériel, permettant l’interpellation de l’auteur de l’infraction :

« 1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes motorisées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;

« 2° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter le conducteur du véhicule qui cherche à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui est susceptible de perpétrer, dans sa fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

« 3° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser par un autre moyen le véhicule, dont le conducteur n’obtempère pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. »

Article 2

Au premier alinéa de l’article L. 236‑1 du code de la route, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 »

Article 3

L’avant‑dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 325‑1‑1 du code de la route est ainsi rédigée : « Les frais d’enlèvement, de garde en fourrière et de destruction sont à la charge de l’auteur de l’infraction. »

Article 4

Le chapitre VI du titre III du livre II du code de la route est complété par un article L. 236‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2364. – En cas de commission du délit mentionné à l’article L. 236‑1, l’auteur des faits habitant un logement social peut faire l’objet d’une procédure d’expulsion de son logement au sens de l’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution. »

Article 5

Dans un délai d’un mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’évolution de la formation des policiers et des gendarmes pour mettre en application les modifications apportées par la présente loi.