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N° 380
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-Luc FUGIT, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Gabriel ATTAL, M. Olivier BECHT, M. Belkhir BELHADDAD, Mme Aurore BERGÉ, M. Hervé BERVILLE, Mme Élisabeth BORNE, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, M. Anthony BROSSE, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, Mme Danièle CARTERON, M. Vincent CAURE, M. Lionel CAUSSE, M. Thomas CAZENAVE, M. Jean-René CAZENEUVE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Yannick CHENEVARD, M. François CORMIER-BOULIGEON, M. Gérald DARMANIN, Mme Sophie DELORME DURET, Mme Julie DELPECH, M. Benjamin DIRX, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Philippe FAIT, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Moerani FRÉBAULT, M. Thomas GASSILLOUD, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Olivia GRÉGOIRE, Mme Emmanuelle HOFFMAN, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, Mme Amélia LAKRAFI, M. Jean LAUSSUCQ, M. Michel LAUZZANA, M. Didier LE GAC, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, Mme Marie LEBEC, M. Mathieu LEFÈVRE, M. Roland LESCURE, Mme Pauline LEVASSEUR, Mme Brigitte LISO, M. Sylvain MAILLARD, M. Bastien MARCHIVE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Ludovic MENDES, M. Nicolas METZDORF, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, Mme Joséphine MISSOFFE, M. Christophe MONGARDIEN, M. Karl OLIVE, Mme Sophie PANONACLE, Mme Natalia POUZYREFF, M. Remi PROVENDIER, M. Franck RIESTER, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Charles RODWELL, Mme Marie-Ange ROUSSELOT, M. Jean-François ROUSSET, M. Mikaele SEO, M. Charles SITZENSTUHL, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Liliana TANGUY, M. Jean TERLIER, Mme Prisca THEVENOT, M. Stéphane TRAVERT, Mme Annie VIDAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VOJETTA, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi dite « Egalim » 1) a introduit, en son article 82, la possibilité de déroger au premier alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin d’expérimenter, pour une durée de trois ans, la pulvérisation aérienne de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale mentionnée à l’article L. 611-6 du même code par le biais d’aéronefs télépilotés (en d’autres termes des drones).
Il était prévu que cette expérimentation puisse se faire uniquement sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, ce qui concerne essentiellement certains vignobles d’Alsace ou de la vallée du Rhône, des bananeraies et certains vergers (accueillant principalement des pommiers), cette expérimentation ayant vocation à faire l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Mise en œuvre par un arrêté du 26 août 2019 ([1]), cette expérimentation a fait l’objet d’un rapport favorable de la part de l’ANSES du 1er juillet 2022 ([2]), l’agence ayant conclu au fait que le recours à des drones de pulvérisation s’avérait être une alternative susceptible de présenter de multiples avantages par rapport à la pulvérisation terrestre sur des parcelles à forte déclivité (lesquelles présentent de multiples risques tenant aux contraintes techniques, au tassement du sol, à l’exposition des opérateurs…). Un autre rapport portant sur le traitement par drones de bananeraies en Martinique, rendu à la même époque cette fois-ci par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), a également conclu au fait que la pulvérisation par drone était plus efficace pour atteindre les feuilles des bananiers les plus proches du sol et que l’efficacité du traitement ainsi dispensé était meilleure que celle par atomiseur à dos d’homme ([3]).
Dans ces différents rapports, il est prouvé que, autant sur culture de vignes que sur celles des bananeraies, la pulvérisation par drone apportait une performance non négligeable quant à la diminution et la maîtrise des quantités utilisées de produits. Ces études prouvent aussi que la précision de pulvérisation par drone permet de diminuer significativement la quantité de produits rejetés dans l’environnement, ce qui démontre que la pulvérisation par drone est un outil en mesure de participer à la préservation du climat car elle est plus respectueuse de l’environnement.
Outre la préservation de l’environnement, la pulvérisation par drone a l’avantage de soulager de manière importante le travail des employés agricoles, lesquels devant travailler sur des pentes parfois dangereuses lorsque l’épandage s’effectue manuellement. Au-delà des questions de praticité liées au travail agricole, cette technique permet de limiter grandement les risques d’exposition des employés au produit. Ainsi, selon le rapport de l’Anses ([4]) les résultats montrent que l’exposition des employés utilisant un drone est environ 200 fois plus faible qu’un opérateur avec un matériel manuel.
Ainsi, puisque les multiples avantages de la pulvérisation par drone sont aujourd’hui avérés, une extension de ce procédé semble faire désormais l’objet d’un accueil des plus favorables.
Dans sa communication sur sa « Stratégie Drone 2.0 » ([5]) du 29 novembre 2022, la Commission européenne a elle-même souligné que l’utilisation de drones en agriculture était de plus en plus fréquente et source d’opportunités. Par ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ont d’ores et déjà recours à des drones pour l’épandage de produits phytosanitaires. Ainsi, l’Office fédéral allemand de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire (BVL) a autorisé, au mois de juillet 2021, l’utilisation de drones pour l’épandage effectué sur les vignes cultivées sur des terrains en forte pente ([6]). La Suisse, par la voie de son Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), a elle aussi récemment mis en exergue tous les avantages, y compris environnementaux, de cet « épandage aérien intelligent » ([7]). De leur côté, et pour ne prendre qu’un dernier exemple, la Belgique et le Luxembourg ont également adopté des réglementations spécifiques relatives à l’épandage de produits phytopharmaceutiques par drone, l’usage de drones permettant par ailleurs de mieux surveiller les cultures, de mesurer plus précisément le degré d’hygrométrie des terres…
À l’heure où son potentiel agricole ne cesse de décliner (bien que toujours première puissance agricole européenne, la France est passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux en vingt ans) ([8]), notre pays ne peut ignorer plus longtemps cette technologie et doit donc s’engager résolument dans cette voie dont les aspects positifs sont aujourd’hui reconnus par tous les acteurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
Ainsi, l’article 1er adapte le régime applicable à la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques par aéronefs sans pilotes à bord (drones). A cet effet, il permet, dans le cadre déterminé par la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, d’autoriser le recours à des drones en vue du traitement des vignes en pente, des bananeraies et des vignes-mères de porte-greffes conduites au sol, pour certains produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique, lorsque celui-ci présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.
Cet article permet également la mise en œuvre de programmes de pulvérisation par drones des mêmes produits sur d’autres types de parcelles et de cultures, dans le cadre d’essais dont les conditions de réalisation garantissent l’absence de risque inacceptable pour la santé et l’environnement, et les conditions dans lesquelles de tels programmes, après évaluation des résultats de ces essais par l’ANSES, seront susceptibles d’être autorisés en dehors de ce cadre pour certains types de parcelles ou de cultures lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.
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proposition de loi
Article 1er
Le I de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« I. – Sous réserve du I bis, la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite.
« I bis. – 1° En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour lutter contre ce danger peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.
« 2° Les programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253‑6 et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253‑7, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil peuvent être autorisés, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, sur les parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 20 %, les bananeraies et les vignes mères de porte‑greffes conduites au sol.
« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, pris après consultation des organisations professionnelles et syndicales concernées, définit les conditions d’autorisation de ces programmes dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
« I ter. – 1° Par dérogation au I, sans préjudice du I bis, des programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits mentionnés au 2° du I bis peuvent être autorisés, dans les conditions fixées aux 2° et 3° du présent I ter, sur des types de parcelles et de cultures autres que ceux mentionnés au 2° du I bis, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.
« 2° Les programmes mentionnés au 1° peuvent être autorisés à titre d’essai.
« Les essais visent à déterminer, pour un type de parcelles ou de cultures, les avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.
« Leurs résultats sont évalués par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« Chaque année pendant trois ans, un bilan de ces évaluations est présenté devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« Un décret définit les conditions d’autorisation et modalités de réalisation de ces essais qui garantissent la démonstration des avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord et la prévention des risques pour la santé et l’environnement.
« 3° Lorsque les résultats des essais mentionnés au 2° montrent, selon des critères définis par décret, que, pour le type de parcelles ou de cultures concerné par ces essais, la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l’environnement, ce type de parcelles ou de cultures est inscrit, par arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, sur la liste des cas pouvant autoriser les programmes d’application mentionnés au 1°.
« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, pris après consultation des organisations professionnelles et syndicales concernées, définit les conditions d’autorisation des programmes concernant ces parcelles ou cultures dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »
Article 2
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Arrêté du 26 août 2019 relatif à la mise en œuvre d'une expérimentation de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques
([2]) Note d’appui scientifique et technique du 1er juillet 2022 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à « l'expérimentation de l'utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques» (publiée le 14 octobre 2022)
([3]) INRAE : « Rapport sur les performances du traitement en bananeraie de forte pente – Octobre 2020, Martinique », not. Pp. 26 s.
([5]) Communication from the Commission to the european Parliament, the Council, the european economic and social Committe and the Committe of the regions : ‘A Drone Strategy 2.0 for a Smart and Sustainable Unmanned Aircraft Eco-System in Europe’ (not. Points 12 s.)
([6]) https://magazine-fr.wein.plus/news/la-protection-des-plantes-par-drone-autorisee-pour-la-premiere-fois-en-allemagne-les-vehicules-aeriens-sans-pilote-peuvent-pulveriser-des-produits-sur-les-terrains-en-forte-pente
([7]) « Épandage aérien intelligent », note du 24 mars 2022
([8]) Laurent DUPLOMB, Pierre LOUAULT, Serge MÉRILLOU : Rapport d’information n° 905 du 28 septembre 2022 fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur la compétitivité de la Ferme France, p. 15