N° 399

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

pour lutter contre les déserts médicaux et garantir l’accès aux soins partout sur le territoire,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Corentin LE FUR, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Jean-Yves BONY, M. Julien DIVE, Mme Alexandra MARTIN, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Hubert BRIGAND, M. Guillaume LEPERS, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, Mme Christelle PETEX,

députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’heure où 87 % de la population vit dans un désert médical, où 6,7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et où le nombre de praticiens en exercice ne cesse de diminuer, des mesures fortes et courageuses s’imposent afin que l’accès aux soins les plus élémentaires soit garanti sur la totalité du territoire national.

Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), 99 457 patriciens étaient en exercice au 1er janvier 2023 soit un recul de 2 % par rapport à 2012. Cette baisse démographique s’accompagne de façon regrettable mais logique d’un accroissement de l’écart entre l’offre et la demande de soins. Surtout, ce recul du nombre de praticiens aggrave les fractures géographiques départementales et plus encore infra‑départementales singulièrement entre d’une part les villes et le littoral correctement dotés en médecins et d’autre part les zones rurales, les zones péri‑urbaines et les quartiers populaires souvent privés de médecins.

Les conséquences de cette tension entre l’offre et la demande de soins sont très mal vécues par nos compatriotes dépourvus de médecins généralistes et plus encore de spécialistes, ou ceux qui rencontrent de grandes difficultés pour en trouver et donc pour accéder aux soins les plus basiques. Désormais pour une grande partie de nos compatriotes en zones rurales, il faut 5 jours pour obtenir un rendez‑vous chez le généraliste à 20 kilomètres de chez soi, et il faut 5 mois pour obtenir un rendez‑vous avec un spécialiste à 80 kilomètres de chez soi. Cet état de fait ne peut durer davantage. Partout, la santé devient une préoccupation fondamentale et l’accès aux soins les plus élémentaires ne cesse de reculer. Des lits d’hôpitaux sont supprimés, l’accès à des services d’urgences est régulé, des maternités sont fermées, des français sont privés de médecins généralistes et spécialistes…

À l’heure actuelle, beaucoup trop de nos compatriotes ne sont pas soignés ou sont soignés trop tardivement. Il s’agit parfois de personnes fragiles et/ou à risque, parfois même d’enfants. Or, une pathologie qui n’est pas traitée à temps est une pathologie qui peut s’aggraver et qui peut générer des pathologies connexes souvent plus graves.

En matière de santé et de prise en charge des malades, il n’y a pas de temps à perdre. Tous les professionnels se l’accordent, une maladie bien soignée est une maladie décelée vite et traitée rapidement. Plus un diagnostic est dressé tôt, plus les chances de guérison sont fortes. Cette évidence oblige à agir. Elle oblige même à agir avec force.

Ce diagnostic nous oblige à changer d’échelle. Nous devons agir avec vigueur, sans quoi les fractures se creuseront et nous n’aurons plus de médecins pour soigner nos compatriotes dans la majeure partie du territoire national. Parce que l’incitation ne suffit plus, la liberté d’installation ne doit plus être un totem.

Aucune amélioration tangible et rapide ne pourra être obtenue sans toucher au à ce totem. L’objet de la présente proposition de loi est donc de mettre en place une régulation d’ordre géographique dans l’installation des médecins généralistes, spécialistes et des chirurgiensdentistes.

Il s’agit là d’un aménagement nécessaire au principe de liberté d’installation qui s’applique déjà aux officines. Cette régulation a fait ses preuves et n’est aucunement contestée par les professionnels concernés. Les pharmaciens défendent même ce principe qui profite à tous, patients comme professionnels. Dans ces conditions, il serait logique que la même réglementation trouve à s’appliquer pour les médecins. Soyons cohérents : là où sont implantées des officines, nos compatriotes doivent pouvoir compter sur des médecins. À quoi bon avoir une pharmacie à quelques kilomètres de chez soi si dans un rayon de 20 kilomètres il n’y a pas un seul médecin pour dresser un diagnostic et prescrire un traitement ?

Afin de mettre fin à cette absurdité, l’article 1er de ce texte propose donc de transposer aux médecins généralistes, spécialistes et chirurgiens‑dentistes la législation qui régente l’installation des pharmacies. Concrètement, pour s’installer, les médecins devront à l’avenir obtenir une autorisation. Cette autorisation sera attribuée de droit pour toute nouvelle installation en zone sous‑dotée. Au contraire, dans les zones suffisamment dotées, l’autorisation ne pourra être accordée que si elle fait suite à la cessation d’activité d’un praticien pratiquant la même spécialité sur le territoire en question.

En parallèle, la seconde mesure de la présente proposition de loi est de supprimer purement et simplement le numerus clausus.

Contrairement à ce qui est couramment affirmé, le numérus clausus n’a pas été totalement supprimé par la loi du 24 juillet 2019 mais simplement remplacé par un numerus apartus lequel est basé sur les capacité d’accueils des universités et empêche de nombreux jeunes gens passionnés d’étudier la médecine. Or, un principe de réalité s’impose, notre pays manque cruellement de médecins. Dans un tel contexte, il est indispensable de former davantage de médecins, et surtout de donner à l’ensemble des jeunes, qui ont la vocation, la chance d’effectuer leurs études chez nous. Il est insupportable que des jeunes femmes et des jeunes hommes soient obligés de renoncer à leurs études ou soient contraints d’aller se former à l’étranger, loin de leurs familles. L’article 2 de la présente proposition de loi vise donc à modifier l’article  L. 631‑1 du code de l’éducation afin de donner les moyens aux universités d’accueillir chaque année un nombre d’étudiants sur la base des besoins des territoires. La définition de ces besoins se fera aussi en concertation avec une commission composée d’élus du territoire et pas seulement avec les seules agences régionales de santé et universités.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l’article L. 4111‑1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Autorisé à exercer l’activité de médecin ou de chirurgien‑dentiste dans les conditions prévues à l’article L. 4111‑1‑3. » ;

2° Après l’article L. 4111‑1‑2, il est inséré un article L. 4111‑1‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 4111‑1‑3. – Toute nouvelle installation d’un médecin ou d’un chirurgien‑dentiste en ville au sens de l’article L. 4111‑1 est subordonnée à l’autorisation de l’agence régionale de santé du territoire où se situe la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien‑dentiste, après avis simple, rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l’ordre dont il relève. 

« Si la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien‑dentiste est située dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434‑4 du présent code, l’autorisation est délivrée de droit.

« Dans le cas contraire, l’autorisation d’installation ne peut être délivrée qu’à la condition qu’un médecin ou un chirurgien‑dentiste de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité. Cette autorisation est de droit.

« Les conditions d’application de ces dispositions sont définies selon les modalités définies de la convention mentionnée à l’article L. 162‑14‑1 du code de la sécurité sociale. »

Article 2

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 631‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « et par une commission comprenant des représentants élus des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale du territoire et des parlementaires, dont la composition est fixée par décret » ;

2° La troisième phrase est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « compte », sont insérés les mots : « en premier lieu » ;

b) Les mots : « en priorité, » sont supprimés ;

c) Le mot : « puis » est remplacés par les mots : « et en second lieu » ;

d) Après le mot : « conforme », sont insérés les mots : « de la commission mentionnée à la première phrase du présent alinéa et » ;

3° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Si les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle d’une université sont jugées insuffisantes par l’agence régionale de santé ou les agences régionales de santé concernées au regard des objectifs pluriannuels arrêtés par l’université, alors cette dernière met en œuvre des mesures visant à accroître ses capacités d’accueil. L’ensemble des mesures prises ou envisagées sont transmises chaque année à l’agence régionale de santé ou aux agences régionales de santé concernées, et ce jusqu’à ce que les capacités d’accueil soient jugées suffisantes. »