N° 434

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide sociale à l’enfance pour les enfants placés par décision du juge,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Fabien DI FILIPPO, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Sylvie BONNET, M. Jean-Yves BONY, M. Hubert BRIGAND, M. Fabrice BRUN, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Justine GRUET, Mme Alexandra MARTIN, M. Jérôme NURY, M. Éric PAUGET, M. Jean-Pierre TAITE, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Émilie BONNIVARD, Mme Véronique LOUWAGIE, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Jean-Didier BERGER, M. Michel HERBILLON, M. Jean-Pierre VIGIER, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Philippe JUVIN, M. Yannick NEUDER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La protection de l’enfance constitue l’une des principales compétences des Conseils généraux dans le champ des solidarités.

L’Observatoire national de l’action sociale (ODAS) a présenté le 19 juin 2024 son enquête annuelle sur les dépenses sociales et médicosociales des départements. En 2023, la dépense nette d’action sociale départementale s’est élevée à 43,6 milliards d’euros, soit une dépense supplémentaire par rapport à l’année précédente de 2,15 milliards d’euros. La hausse (5,2 %) est la plus forte de celles observées depuis dix ans.

Trois domaines concentrent les augmentations de dépenses les plus importantes : la protection de l’enfance, le handicap et les dépenses de personnel.

Les dépenses de la protection de l’enfance ou aide sociale à l’enfance (ASE) ont bondi de 900 millions pour atteindre 9,8 milliards en 2023. Cette hausse de 10,2 % explique 42 % de la hausse globale des dépenses sociales. En moyenne, les budgets des départements consacrés à la protection de l’enfance progressent de façon constante d’environ 10 % par an, entre 2021 et 2023, avec des augmentations pouvant aller jusqu’à 30 % selon les départements. L’augmentation du coût du placement et la hausse du nombre d’enfants pris en charge (10 700 enfants de plus, dont 6 800 mineurs non accompagnés) constituent les principales raisons de la hausse entre 2022 et 2023. La partie accueil/hébergement représente 87 % de ces dépenses, avec un tarif annuel moyen de l’accueil de 36 500 euros.

Au total, entre 2021 et 2023, on constate une hausse de 6 % du nombre d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE). La part des mineurs dans les dispositifs est stable d’une année sur l’autre (84 % de mineurs, 16 % de majeurs). 21 % des enfants confiés à l’ASE sont des mineurs non accompagnés (MNA).

Au 31 décembre 2021, 204 000 mesures d’accueil à l’aide sociale à l’enfance (ASE) étaient en cours. Cela représente une hausse de près de 45 % depuis 2002. Huit mesures sur dix font suite à une décision d’ordre judiciaire.

Les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont chargés de pourvoir aux besoins matériels, éducatifs et psychologiques de ces mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. Ils assurent donc en lieu et place de leurs parents l’ensemble des responsabilités et des frais liés à l’exercice de la parentalité.

Le code de la sécurité sociale prévoit par conséquent en son article L. 521.2, le versement des allocations familiales aux services d’aide sociale à l’enfance, lorsqu’un enfant a été confié à ce service par décision du juge.

Cet article laisse néanmoins la possibilité au juge de maintenir le versement des allocations familiales à la famille, lorsque celle‑ci continue à participer de façon effective à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou pour faciliter le retour de celui‑ci dans son foyer.

Dans la pratique, alors même que la grande majorité de ces enfants est retirée à leurs parents pour des raisons de maltraitance et de négligence grave, et que ceux‑ci ne participent aucunement à leur prise en charge, les allocations familiales continuent d’être versées aux familles dans plus de 80 % des cas,

Cette situation est totalement injuste et absurde, et va à l’encontre de l’intérêt des enfants. En effet, les contraintes budgétaires croissantes des départements et l’augmentation continue du nombre d’enfants placés engendrent d’importants manques de moyens et font obstacle à la possibilité d’offrir aux enfants un suivi personnalisé, adapté à leur situation, ou un accès à des activités favorables à leur épanouissement. Pendant ce temps, des parents démissionnaires, qui ne participent absolument pas aux frais afférents aux soins ou à l’éducation de leurs enfants, continuent de toucher les allocations familiales, parfois pour des sommes conséquentes.

Il serait juste les allocations bénéficient aux enfants placés, donc que les allocations soient reversées directement aux services de l’ASE plutôt qu’à des parents défaillants, et qu’aucun parent ne puisse bénéficier des allocations familiales pour des enfants dont ils ne s’occupent pas et dont ils ne s’occuperont sans doute jamais. Dans ce type de situation, le principe « absence de charges, absence de ressources » doit être appliqué.

Concernant le versement de l’allocation de rentrée scolaire aux familles des enfants placés, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance a confié à la Caisse des Dépôts et Consignations la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant de l’allocation de rentrée scolaire. Les sommes sont versées sur un compte de dépôt spécialisé et sont conservées jusqu’à leur majorité ou leur émancipation. Aussi, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) n’est plus versée à la famille de l’enfant placé qui n’en assume plus la charge. Cette proposition de loi demande que les allocations de rentrée scolaire, destinées à permettre d’assumer les frais liés à la scolarisation des enfants, soient désormais versées aux services de l’ASE lorsqu’un enfant est placé sur décision judiciaire, les départements supportant l’intégralité de ces frais.

Ces mesures permettront de soutenir financièrement les services d’accueil qui font face à l’accroissement continu des mesures de placement, et d’assurer un meilleur accueil et un suivi plus efficace des enfants, qui deviendront les véritables bénéficiaires des prestations qui leur sont dédiées.

L’article 1er demande donc que les allocations familiales bénéficient à ceux qui assurent l’entretien effectif des enfants, et introduit dans la loi le versement systématique des allocations familiales afférentes à un enfant placé au service de l’Aide sociale à l’enfance. 

L’article 2 étend cette disposition à l’allocation de rentrée scolaire des enfants placés, qui doit elle aussi être versée au service de l’aide sociale à l’enfance qui supporte leurs frais de scolarisation.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 521‑2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les allocations familiales, versées en vertu de l’article L. 521‑1 au titre d’un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance en application des 3° ou 5° de l’article 375‑3 du code civil, de l’article 375‑5 du même code ou de l’article L. 323‑1 du code de la justice pénale des mineurs, sont versées à l’aide sociale à l’enfance tant que celui‑ci lui est confié. Le mois durant lequel le placement est levé est dû à la famille afin de préparer le retour de l’enfant au foyer. » ;

2° Le quatrième alinéa est supprimé.

Article 2

Après le deuxième alinéa de l'article L. 543-1 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'un enfant est confié au service d'aide sociale à l'enfance, l'allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant est versée à ce service.

« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Article 3

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.