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N° 506
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à garantir un accès respectueux à la nature,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Emmanuel FERNANDES, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Hugo PREVOST, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’accès à la nature relève de l’intérêt général, en ce qu’il contribue à la poursuite du droit au bonheur et à l’épanouissement tant personnel que collectif. Cet accès à la nature est une fenêtre ouverte de liberté permise quotidiennement ou régulièrement à nombre d’entre nous. L’accès à la nature est un enjeu de santé publique : d’après de nombreuses études scientifiques, l’exposition à la nature est un facteur positif en matière de santé mentale, cardiovasculaire ou encore de régulation des fonctions immunitaires. De nombreuses activités culturelles ou touristiques dépendent du franchissement respectueux des forêts. Or, la majorité des espaces naturels sont privés : les forêts privées représentent 90 % des surfaces forestières en Bretagne, en Nouvelle‑Aquitaine et dans les Pays‑de‑la‑Loire, et globalement, elles représentent 75 % du couvert forestier français. Cependant, les forêts privées sont inégalement réparties sur l’ensemble du territoire : ainsi, dans les régions de l’ouest de l’hexagone, il est quasiment impossible d’accéder à la forêt sans pénétrer dans la propriété privée d’autrui. Le respect de la propriété privée et celui du libre accès à la nature étaient toutefois amplement conciliables grâce à une forme d’entente tacite, mais depuis la loi (portée par le MODEM) du 2 février 2023 qui introduit l’article L. 226‑4‑3 dans le code pénal, le fragile équilibre normatif entre propriétaire et promeneur a volé en éclats.
À présent, le seul fait de franchir une propriété privée à partir du moment où un propriétaire aurait placé un marquage est pénalement répréhensible. Du jour au lendemain, un sentier pratiqué depuis des générations dans le parc régional des Vosges a été saccagé par son propriétaire pour en interdire l’accès. À Villeneuve‑Loubet près de 80 % des espaces naturels de la commune ont été interdits d’accès par le marquis de Panisse‑Passis. Le marquis de Quinsonas‑Oudinot, lui, interdit des centaines d’hectares au cœur de la Réserve des Hauts de Chartreuse. Pourtant, aucun de ces terrains n’étaient engrillagés avant la loi du 2 février 2023, alors que c’était en contrepartie du désengrillagement des propriétés qu’a été introduite dans la loi l’infraction pénale de franchissement de la propriété d’autrui.
Interdire l’accès à l’environnement à tous ceux qui, bénévolement, s’emploient à le protéger comme les naturalistes ou les baliseurs de sentiers, est contre‑productif : un dispositif légal existe déjà pour lutter contre les excès, mais les maires ou les agents de police de l’environnement se retrouvent sans moyens pour appliquer leurs prérogatives. Aussi, la quasi intégralité des sentiers de randonnée de France sont menacés, à terme, de fermeture. En outre, l’article L. 226‑4‑3 du code pénal méconnaît le principe, constitutionnellement dégagé, d’égalité devant la loi entre les non‑chasseurs et les chasseurs. Ces derniers peuvent sous certaines conditions, selon les termes de l’article R. 428‑1 du code de l’environnement, pénétrer dans la propriété d’autrui sans son accord et sans que cela puisse caractériser une infraction contrairement à un randonneur ou même un naturaliste qui ne dispose pas d’une telle dérogation. Pour rétablir l’équilibre nécessaire entre les principes à valeur constitutionnelle de liberté d’aller et venir et celui de propriété, il convient donc d’abroger cette disposition liberticide.
L’accès à la nature est une nécessité, en tant qu’êtres humains dépendant de notre environnement pour notre survie, notre bonheur et notre épanouissement. Nos espaces naturels doivent être considérés comme un bien commun pour qu’ils demeurent un espace ouvert à vocation éducative, récréative, sportive et sanitaire. Parce que cet intérêt est fondamental, il doit en découler un droit collectif, celui de pouvoir accéder à la nature.
Ce droit doit être garanti dans la loi, comme dans les pays scandinaves - il l’est même dans la constitution suédoise depuis 1994. En France, ce droit doit être nécessairement concilié avec l’exigence de protection des cycles de reproduction des écosystèmes. C’est ce à quoi s’emploient la Fédération Française de Randonnée et en Alsace, le Club Vosgien, par leur travail méticuleux de balisage. Ces milliers de bénévoles remplissent une mission essentielle de protection des espaces naturels en gérant les flux de promeneurs tout en protégeant les espaces naturels sensibles de nature écologique ou paysagère d’une traversée intempestive. Les organismes compétents qui balisent ces sentiers le font avec le souci de préserver la biodiversité en sanctuarisant certains espaces refuges auxquels une trop importante fréquentation humaine pourrait être nuisible. La qualité du balisage permet un respect des itinéraires et limite les intrusions anthropiques dans un écosystème fragile, dans le respect strict de l’écosystème et sans perturbation des cycles de l’eau ou de reproduction de la faune et de la flore.
Nous proposons donc de nous reposer sur la cartographie fine des balisages pour y créer des servitudes de passage comme il en existe pour les sentiers du littoral ou pour les propriétés enclavées afin de protéger la continuité des sentiers de randonnée pour un accès respectueux de la nature pour toutes et tous. C’est cette maîtrise de la relation entre les cycles de l’activité humaine et ceux de la nature qui conduit à une harmonie entre les êtres humains et avec la nature.
L’article 1er abroge l’article 226‑4‑3 du code pénal.
L’article 2 garantit un droit de passage aux usagers non motorisés des sentiers, à partir du moment où ces sentiers sont balisés, au moment où beaucoup de sentiers sont menacés par l’accaparement de la nature par certains propriétaires.
L’article 3 précise quel régime de la responsabilité civile ne s’applique pas aux propriétaires à qui l’État aurait grevé une servitude sur leurs terrains pour y créer un droit de passage sur les sentiers balisés.
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proposition de loi
Article 1er
L’article 226‑4‑3 du code pénal est abrogé.
Article 2
Le chapitre Ier du titre VI du livre III du code de l’environnement est complété par un article L. 361‑4 ainsi rédigé :
« Art. L. 361‑4. – Les voies et chemins balisés par un établissement public, une collectivité territoriale ou une fédération de randonneurs agréée préexistant à la date de promulgation de la présente loi et traversant une propriété privée sont grevés sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des véhicules non motorisés, des piétons accompagnés, le cas échéant, de leurs animaux domestiques et des cavaliers. »
Article 3
Le chapitre Ier du titre VI du livre III du code de l’environnement est complété par un article L. 361‑5 ainsi rédigé :
« Art. L. 361‑5. – La responsabilité civile des propriétaires des terrains, voies et chemins grevés par les servitudes définies à l’article L. 361‑4 du présent code ne saurait être engagée au titre de dommages causés ou subis par les bénéficiaires de ces servitudes. »