N° 508
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître le statut des assistants familiaux, renforcer leurs droits et consolider la protection de l’enfance,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Christelle PETEX, Mme Josiane CORNELOUP, M. Jean-Yves BONY, Mme Frédérique MEUNIER, M. Nicolas RAY, Mme Pascale BAY, M. Jean-Didier BERGER, M. Fabrice BRUN, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Vincent JEANBRUN, M. Philippe JUVIN, Mme Eliane KREMER, M. Yannick NEUDER, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Nicolas FORISSIER,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les assistants familiaux jouent un rôle crucial dans la prise en charge, le bien‑être et le développement personnel des enfants en situation de vulnérabilité en France. Leur travail ne se limite pas à fournir un toit et des repas, mais implique également un engagement profond dans le bien‑être global des enfants qui leurs sont confiés. Ils agissent en tant que figures parentales alternatives, offrant un soutien affectif et éducatif essentiel.
Ces professionnels remplissent un rôle essentiel en fournissant un environnement familial stable et sécurisant aux enfants placés sous leur responsabilité. Leur travail nécessite des compétences spécifiques en matière d’éducation, de soutien émotionnel et de gestion de crises. Reconnaître leur métier comme travailleur social serait une étape importante pour leur accorder la reconnaissance et les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et permettrait de valoriser leur contribution à la société et de leur accorder le respect et la considération qu’ils méritent. En intégrant les assistants familiaux dans la catégorie des travailleurs sociaux, ils pourraient bénéficier des mêmes avantages que d’autres professionnels du secteur, tels que des formations spécialisées, la prime Ségur par exemple, un soutien institutionnel accru et une valorisation de leur expertise. Cette considération contribuerait à légitimer leur rôle et à renforcer leur position au sein du système de protection de l’enfance.
En France, le diplôme d’État des assistants familiaux (DEAF) mentionné à l’article D. 451‑100 du code de l’action sociale et des familles souligne l’importance de leur formation et de leur professionnalisation. Or, lors de son obtention, l’assistant familial n’est pas reconnu comme travailleur social. Pour pallier cette faille juridique, une reconnaissance officielle permettrait de leur offrir un statut professionnel méritant et aligné sur les autres métiers du secteur social, leur donnant accès à des droits et à des ressources supplémentaires pour accomplir leur mission.
Par cette mesure, les assistants familiaux seraient mieux intégrés dans les équipes pluridisciplinaires qui interviennent dans le domaine de la protection de l’enfance. Cette intégration faciliterait la coordination et la coopération avec d’autres professionnels, tels que les éducateurs spécialisés, les psychologues et les travailleurs sociaux.
En parallèle, pour garantir la sécurité des personnes accueillies, la réglementation doit imposer des exigences strictes en matière de dispositions relatives à l’obtention de l’agrément d’assistant familial, notamment quant au casier judiciaire du professionnel et des personnes résidant avec lui.
En tant que professionnel travaillant avec des enfants et des adolescents, l’assistant familial doit être digne de confiance et exempt de tout passé criminel ou délictuel. La présence d’un casier judiciaire compromettant pourrait remettre en question la fiabilité de l’assistant familial et la sécurité de la personne accueillie.
À ce jour, la loi a pour objet d’assurer d’une meilleure manière le contrôle des antécédents judiciaires, notamment de nature sexuelle, dont ces derniers peuvent être victimes, des personnes exerçant des activités ou des professions impliquant un contact habituel avec des mineurs. Un extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du demandeur est requis par la protection maternelle et infantile (PMI).
Ainsi, les enfants placés seraient moins susceptibles d’être confrontés à des comportements violents ou agressifs qui pourraient mettre leur sécurité physique et mentale en danger. Un environnement familial sûr et stable est essentiel au bien‑être émotionnel des personnes accueillies. En effet, les enfants sont également influencés par leur entourage.
Si l’ensemble des majeurs du ménage détient un casier judiciaire vierge, cela servirait de modèle de comportement positif, aidant les enfants à développer des valeurs telles que le respect, l’intégrité et la responsabilité. Il est donc impératif que l’assistant familial et les résidents majeurs à son domicile veillent à maintenir un casier judiciaire vierge afin de garantir la sécurité des personnes accueillies et de renforcer la confiance des autorités et des familles.
Dans ce cadre, il est important de rappeler que l’assistant familial ainsi que les majeurs vivant à son domicile sont tenus de fournir à la PMI le bulletin n° 2 de leur casier judiciaire, afin de s’assurer qu’ils ne présentent aucun antécédent judiciaire incompatible avec la sécurité et le bien‑être des enfants accueillis. Il est donc tout à fait cohérent que, dès lors que la personne accueillie atteint l’âge de dix‑huit ans, elle soit également soumise à cette obligation. Cette procédure vise à garantir que chaque individu, qu’il soit accueillant ou accueilli, réponde aux mêmes critères de fiabilité et de sécurité pour le bien‑être de tous.
Par ailleurs, une autre faille juridique a été observée, lorsqu’un assistant familial obtient le DEAF, il se voit délivrer un agrément d’une durée de validité de 5 ans. Le premier renouvellement est obligatoire à l’échéance des cinq années et ensuite, le bénéfice de l’agrément est acquis à vie. Cela signifie qu’aucun contrôle périodique des antécédents judiciaires de l’assistant familial ou des majeurs résidant à son domicile n’est effectué. En ce sens, il serait judicieux d’envisager la mise en place d’un contrôle régulier tous les cinq ans par la PMI. Un tel suivi permettrait de garantir une surveillance continue des risques potentiels et de maintenir un cadre de protection adapté à la vulnérabilité des enfants.
Nous en faisons le constat, le travail des assistants familiaux est extrêmement exigeant, tant sur le plan physique que sur les plans mental et émotionnel. Ils sont souvent confrontés à des situations complexes et stressantes, nécessitant une disponibilité constante et un investissement personnel important. Pour prévenir l’épuisement professionnel et garantir leur bien‑être, il est essentiel de rendre obligatoire un week‑end de répit par mois pour les assistants familiaux.
Ces périodes de repos sont essentielles pour leur permettre de se ressourcer et de consacrer du temps à leurs propres besoins ainsi qu’à leur famille respective. En garantissant des moments de repos réguliers, cette mesure contribue à maintenir leur motivation, leur santé mentale et leur qualité de vie, ce qui bénéficie à la fois aux assistants familiaux et aux enfants sous leur responsabilité.
En effet, le week‑end de répit est prévu à l’article L. 423‑33‑1 du code de l’action sociale et des familles et fait bénéficier d’au moins un samedi et un dimanche de repos consécutifs par mois à l’assistant familial. Cependant, il arrive bien souvent que les assistants familiaux rencontrent des difficultés pour jouir de ces repos, notamment en raison du manque d’options de relève, autrement dit de famille relais, pour accueillir les enfants pendant leur absence. C’est pourquoi, garantir quarante‑huit heures de repos consécutives, sans nécessairement les fixer sur le samedi et le dimanche, permettrait aux assistants familiaux d’avoir plus de flexibilité dans la gestion de leur emploi du temps et de mieux adapter leurs périodes de répit. Une telle mesure faciliterait l’organisation du quotidien et répondrait à la réalité des contraintes auxquelles ils font face, sans compromettre leur besoin de repos.
De plus, lorsque les assistants familiaux ne peuvent bénéficier de leurs jours complets de répit, ils pourraient, s’ils le souhaitent, opter pour une compensation financière. Cette compensation prendrait la forme de deux jours de repos supplémentaires rémunérés, à déposer sur un compte épargne‑temps. Cette mesure aurait plusieurs avantages. Tout d’abord, elle reconnaîtrait la valeur du repos pour les assistants familiaux et encouragerait ainsi de meilleures conditions de travail. Ensuite, elle garantirait une continuité d’un environnement stable pour les enfants même lorsque leur assistant familial est en repos mérité. De plus, elle offrirait une solution flexible aux accueillants qui pourraient choisir de prendre ces jours de repos supplémentaires à un moment opportun.
Les assistants familiaux rencontrent d’autres obstacles, notamment d’ordre administratif. Lorsqu’ils doivent effectuer des démarches pour les enfants accueillis, les assistants familiaux peuvent être confrontés à plusieurs difficultés en raison de l’autorité parentale laissée aux parents du dit enfant.
À titre d’exemple, lorsqu’un parent détient toujours l’autorité parentale, de nombreux risques peuvent survenir tels que les refus récurrents vis‑à‑vis des démarches engagées par les services départementaux ou par les assistants familiaux. Dans ce cas de figure, lorsque les refus s’avèrent trop fréquents, le juge des enfants peut être saisi afin de résoudre le différend entre les détenteurs de l’autorité parentale et le service responsable de l’enfant.
De plus, lorsque ce même parent exerce l’autorité parentale, il est administrateur légal de son enfant mineur et a accès à ses comptes en banque. Ainsi, le risque d’abus ou de mauvaises attentions peut devenir important. Ainsi, interdire à tout parent exerçant encore l’autorité parentale d’effectuer des opérations financières, telles que des retraits, débits ou virements, sur les comptes de l’enfant placé sous la protection de l’ASE, permettrait de renforcer la sécurité des enfants et de prévenir tout abus financier. Cette mesure garantirait une meilleure gestion des ressources de l’enfant, tout en assurant que seuls les responsables compétents puissent intervenir dans ces décisions.
L’article 1er vise à reconnaître l’assistant familial comme un travailleur social tel que défini à l’article D. 142‑1 du code de l’action sociale et des familles dès lors qu’il obtient son DEAF.
L’article 2 vise à supprimer l’exception qui exclut les majeurs accueillis dans le cadre d’une mesure d’aide sociale à l’enfance de l’obligation de respecter les normes professionnelles applicables aux assistants familiaux, afin de garantir que ces majeurs soient soumis aux mêmes règles.
L’article 3 vise à instaurer un contrôle périodique tous les cinq ans par la Protection Maternelle et Infantile sur les assistants familiaux titulaires du DEAF et les majeurs vivant avec eux, afin d’assurer la sécurité des enfants et de permettre la suspension ou le retrait de l’agrément en cas de manquement.
L’article 4 prévoit que lorsque la personne accueillie atteint l’âge de dix‑huit ans, elle est tenue de fournir à la PMI le bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
L’article 5 prévoit de rendre obligatoire le droit de week‑end de répit en améliorant les conditions de travail des assistants familiaux. Cette clarification vise à garantir que tous les assistants familiaux bénéficient d’un repos régulier et nécessaire pour assurer la qualité de l’accueil des enfants qui leur sont confiés.
L’article 6 prévoit une compensation de deux jours de repos rémunérés à déposer sur un compte épargne‑temps lorsque l’assistant familial le souhaite et se trouve dans l’impossibilité de bénéficier d’un repos complet de quarante-huit heures consécutives en raison de contraintes liées à la relève des enfants sous sa responsabilité. Cette disposition vise à garantir une juste reconnaissance du travail des assistants familiaux tout en assurant la continuité de l’accueil des enfants dans un cadre stable et sécurisé.
Les articles 7 et 8 visent à interdire à tout parent exerçant encore l’autorité parentale d’effectuer des opérations financières, telles que des retraits, débits ou virements, sur les comptes de l’enfant placé sous la protection de l’ASE.
L’article 9 vise à définir les actes usuels et non usuels en se référant à l’ouvrage de 2018 sur l’autorité parentale, servant de base pour l’application des dispositions légales dans l’aide sociale à l’enfance.
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proposition de loi
Article 1er
L’article L. 421‑2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assistant familial est reconnu comme un travailleur social tel qu’il est défini à l’article D. 142‑1, dès lors qu’il obtient son diplôme d’État d’assistant familial prévu à l’article D. 451‑100 du même code. »
Article 2
À la fin de la deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 421‑3 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « à l’exception des majeurs accueillis en application d’une mesure d’aide sociale à l’enfance » sont supprimés.
Article 3
Après le sixième alinéa de l’article L. 421‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un contrôle périodique est effectué par la protection maternelle et infantile, tous les cinq ans à compter de la date de délivrance de l’agrément initial. Ce contrôle périodique comprend une vérification des antécédents judiciaires de l’assistant familial titulaire du diplôme d’État d’assistant familial et des majeurs vivant sous son toit. En cas de manquement ou de situation jugée incompatible avec la continuité de l’agrément, la protection maternelle et infantile peut recommander la suspension ou le retrait de l’agrément, conformément aux procédures en vigueur. »
Article 4
Après le deuxième alinéa de l’article L. 421‑16 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent contrat précise que lorsque l’enfant accueilli atteint l’âge de dix‑huit ans, il est requis de transmettre un extrait du bulletin n° 2 de son casier judiciaire à la protection maternelle et infantile. »
Article 5
Au premier alinéa de l’article L. 423‑33‑1 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « peut prévoir que l’assistant familial bénéficie d’au moins un samedi et un dimanche de repos consécutifs » sont remplacés par les mots : « a l’obligation de prévoir que l’assistant familial bénéficie d’au moins quarante‑huit heures de repos consécutives ».
Article 6
L’article L. 423‑33‑1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’impossibilité pour l’assistant familial de bénéficier de ce repos complet en raison de contraintes liées à la relève des enfants sous sa responsabilité, il est prévu une compensation financière équivalente à deux jours de repos supplémentaires. Cette compensation prend la forme de deux jours de repos supplémentaires, que l’assistant familial peut déposer sur un compte épargne‑temps. »
Article 7
Après l’article L. 223‑1‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 223‑1‑4 ainsi rédigé :
« Art. L. 223‑1‑4. – Dès lors que l’enfant est pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance ou par une personne physique ou morale, son compte en banque est protégé et ses parents ne sont plus administrateurs légaux. »
Article 8
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 382 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dès lors que l’enfant est pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance ou par une personne physique ou morale, son compte en banque est protégé et ses parents ne sont plus administrateurs légaux, qu’ils exercent l’autorité parentale ou non. Dans ce cas, l’administration légale est effectuée par un administrateur tiers.
« Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. »
2° À l’article 385, les mots : « est tenu » sont remplacés par les mots : « ou le tiers administrateur sont tenus » ;
3° Au premier alinéa de l’article 386, après le mot : « légal », sont insérés les mots : « ou le tiers administrateur ».
Article 9
Après le premier alinéa de l’article 373‑4 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Afin d’établir une définition claire et une liste commune valable sur l’ensemble du territoire national des actes usuels et non usuels, il est nécessaire de se référer à l’ouvrage intitulé : « L’exercice des actes relevant de l’autorité parentale pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance », édition 2018, publié par le Ministère des solidarités et de la santé. Cette référence sert de base pour l’interprétation et l’application des dispositions légales relatives à l’autorité parentale dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. »
Article 10
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.