N° 509
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer le principe de laïcité dans les compétitions sportives en interdisant le port de tenues ou de signes ostensiblement religieux,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Constance LE GRIP, Mme Aurore BERGÉ, Mme Emmanuelle HOFFMAN, Mme Delphine LINGEMANN, M. Nicolas METZDORF, Mme Annie VIDAL, Mme Caroline YADAN,
députées et député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le principe de laïcité est au cœur de notre pacte républicain.
La laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse de chacun, mais elle pose un cadre à l’exercice de ces libertés, celui du respect de l’ordre public, et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou de conviction. Impliquant la séparation de l’État et des organisations religieuses, elle en induit la neutralité de l’État, des collectivités territoriales, des services publics, et des organisations qui poursuivent une mission de service public.
Le sport, en ce qu’il est porteur de messages qui s’adressent à tous, égalité, et particulièrement égalité entre les femmes et les hommes, dépassement de soi, excellence, performance, respect des règles, respect des autres, intégration, cohésion sociale, entraide, non‑discrimination, doit être un espace au sein duquel ce principe de laïcité soit appliqué et respecté.
Cependant, la radicalisation et des dérives contre les principes de la République, constatées ces dernières années, mises en lumière par divers rapports, dont celui des anciens députés, Éric Diard et Éric Poulliat en juin 2019 ou encore celui du Sénateur Stéphane Piednoir en juin 2024, montrent que le milieu sportif est parfois détourné de son objectif initial d’intégration et de cohésion sociale pour devenir un terrain propice au prosélytisme religieux et à la radicalisation. Les atteintes à la laïcité dans le sport sont une réalité qui avait trop longtemps été minorée. Ces phénomènes, loin d’être marginaux, menacent directement l’ordre républicain et appellent des réponses fermes.
En particulier, ces rapports, tout comme une note du Service central de renseignement territorial de 2015, pointent la question du séparatisme islamiste. Le Président de la République lui‑même, dans son discours aux Mureaux le 2 octobre 2020, constatait : « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. ». Il ajoutait que les manifestations « des écarts répétés avec les valeurs de la République » peuvent se traduire par « le développement de pratiques sportives, culturelles, communautarisées, qui sont le prétexte pour l’enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République ». Parmi ces écarts, il y a le non‑respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.
La loi confortant le respect des principes de la République, adoptée en 2021, a déjà apporté plusieurs réponses sur cette problématique. Cependant, il convient de renforcer le respect du principe de laïcité dans le cadre sportif, en interdisant le port de tenues ou de signes ostensiblement religieux lors des compétitions sportives officielles organisées en France.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
Cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre juridique cohérent et légitime. En effet, la décision du Conseil d’État du 29 juin 2023, qui a rejeté la requête de deux associations, dont le collectif « Les Hijabeuses », demandant que la Fédération française de football (FFF) autorise le port du voile islamique (hijab), ainsi que la requête de la Ligue des droits de l’homme contestant l’interdiction de « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » lors des matchs, a confirmé que les fédérations sportives peuvent tout à fait exiger la neutralité vestimentaire des joueurs et des joueuses. L’objectif est ainsi de garantir le bon déroulement des compétitions et de prévenir tout risque de tensions ou de confrontations. Le Conseil d’État a jugé que l’interdiction du voile islamique imposée par la FFF était à la fois « adaptée et proportionnée », rappelant que le principe de neutralité du service public s’étend aux fédérations sportives, en ce qu’elles poursuivent une mission de service public, c’est‑à‑dire une finalité d’intérêt général orientée vers la cohésion sociale.
La présente proposition de loi s’inscrit également dans la continuité de travaux parlementaires menés dès 2021, d’abord à l’Assemblée nationale avec la discussion de plusieurs amendements à la loi relative à la démocratisation du sport, puis au Sénat, où, le 5 juin 2024, une proposition de loi avec le même objet du Sénateur Michel Savin a été adoptée en commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
Le respect de la laïcité dans le sport est une exigence partagée par le Comité national Olympique et sportif français (CNOSF). L’article 2 de la Charte d’éthique et de déontologie du sport français, adoptée lors de l’Assemblée générale du 23 mai 2022, réaffirme cet engagement en faveur d’une pratique sportive respectueuse des valeurs de la République dans un cadre strict de neutralité. Les fédérations délégataires doivent former leurs encadrants et sensibiliser les sportifs pour garantir l’application cohérente de cette loi, tout en privilégiant le dialogue et la pédagogie avant toute sanction.
Cette proposition de loi, par son article unique, entend renforcer notre cadre juridique en introduisant un nouvel article au sein du code du sport. L’alinéa 1er vise à interdire explicitement le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse par les licenciés des fédérations sportives françaises lors des compétitions sportives menant à l’attribution de titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. Ce texte répond de manière concrète aux menaces posées par les tentatives de radicalisation dans le sport et aux atteintes à l’égalité entre les hommes et les femmes, en réaffirmant fermement notre engagement en faveur du principe de laïcité, socle de notre République.
De manière similaire aux dispositions prévues par l’article L. 141‑5‑1 du Code de l’éducation, l’alinéa 2 prévoit que le comité d’éthique créé par chaque fédération délégataire sera chargé de faire appliquer cette interdiction, en favorisant d’abord le dialogue. En cas d’échec, il pourra saisir les organes disciplinaires compétents pour prendre les mesures nécessaires.
Cette interdiction, toutefois, ne concerne pas les sportifs membres de fédérations sportives étrangères, afin de ne pas se voir opposer les règlements du Comité international Olympique (CIO) ou des autres fédérations internationales.
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proposition de loi
Article unique
La section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 131‑23 ainsi rédigé :
« Art. L. 131‑23. – Le port de signes ou tenues par lesquels les personnes détentrices d’une licence mentionnée à l’article L. 131‑6 manifestent ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions sportives mentionnées à l’article L. 131‑15 est interdit.
« Le comité d’éthique prévu à l’article L. 131‑15‑1 est chargé de veiller à l’application du premier alinéa et habilité, à l’issue d’un dialogue avec les intéressés, à saisir les organes disciplinaires compétents. »