N° 657

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir le régime de déclaration de l’instruction en famille,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Xavier BRETON, M. Thibault BAZIN, M. Jean-Didier BERGER, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Sylvie BONNET, M. Jean-Yves BONY, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Hubert BRIGAND, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Marie-Christine DALLOZ, M. Vincent DESCOEUR, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, Mme Eliane KREMER, M. Corentin LE FUR, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Olivier MARLEIX, Mme Frédérique MEUNIER, M. Yannick NEUDER, M. Jérôme NURY, M. Nicolas RAY, M. Antoine VERMOREL-MARQUES,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si la loi du 28 mars 1882, dite Loi Ferry, a rendu l’instruction obligatoire, elle laissait toutefois une liberté de choix aux parents quant à la méthode d’instruction. Ainsi, il leur était possible d’inscrire leurs enfants au sein d’un établissement d’enseignement public ou privé ou de choisir de les instruire eux‑mêmes par l’instruction en famille (IEF).

C’est un principe fondamental de notre démocratie et de notre Constitution. Dans sa décision n° 77‑87 DC du 23 novembre 1977, le Conseil constitutionnel a consacré la liberté de l’enseignement comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cette liberté est également européenne puisque inscrite à l’article 2 du Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prévoit que « l’État, […] respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

Lors d’une audition au Sénat en juin 2020, le ministre de l’Éducation nationale d’alors, Jean‑Michel Blanquer rappelait que : « la liberté d’instruction à domicile a un fondement constitutionnel puissant ».

Or la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a mis à mal ce fondement. En effet, l’article 49 fait passer l’IEF d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation préalable avec des critères très restrictifs.

Les motifs allégués pour cette modification ont été un risque de communautarisme ou de séparatisme. Il y a environ 62 000 enfants instruits en famille, ce qui représente 0,4 % des effectifs en âge d’instruction obligatoire. Cela constitue clairement une mesure dérisoire face à la finalité recherchée, à savoir la lutte contre l’endoctrinement et le séparatisme. Par ailleurs, à ce jour, aucun élément fiable et documenté ne permet d’identifier de risques de dérives de communautarisme ou séparatisme pour l’immense majorité des enfants IEF.

Selon des chiffres issus d’un rapport du Sénat du 7 juillet 2020, 92,8 % des contrôles IEF ont été jugés satisfaisants. C’est un résultat supérieur aux taux obtenus par les élèves scolarisés dans un établissement scolaire. Les parents, très majoritairement, s’appliquent à instruire leurs enfants en famille en construisant pour cela un projet éducatif, pédagogique et familial adapté à chacun d’eux, dans le respect des exigences de la loi, dans leur intérêt supérieur et pour leur bien‑être.

Plutôt que d’appliquer cette mesure radicale, il aurait été préférable d’augmenter les moyens et ressources affectés au contrôle des enfants IEF en formant et dédiant un plus grand nombre d’inspecteurs à ce contrôle, ou encore en développant un outil normé de contrôle. De plus, les dispositifs de contrôle existants permettaient déjà d’alerter sur d’éventuelles dérives sectaires.

Dans un État de droit, la liberté doit rester la règle et non l’exception. La substitution du régime de déclaration par le régime d’autorisation prévu par la loi constitue un recul grave pour une liberté fondamentale. Cela ne peut qu’accentuer la défiance des familles et cela porte atteinte à la liberté de conscience et ouvre la porte à la rupture d’égalité et à l’insécurité juridique.

Qu’en est‑il de la mise en œuvre de ce régime deux ans après la promulgation de la loi ?

De nombreux parents d’élèves se sont vu refuser cette autorisation alors que la situation de leurs enfants répond aux critères prévus par la loi. Au moins la moitié des nouvelles demandes sont refusées à des familles qui pratiquaient déjà l’instruction dans la famille et qui devraient donc pouvoir continuer à le faire. Les conséquences de ce refus sont désastreuses : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire…

Les parents d’élèves témoignent de difficultés à obtenir les motifs explicites du refus d’autorisation. Ils s’inquiètent du manque de transparence des décisions de l’éducation nationale sur :

- le nombre d’autorisations enregistrées ;

- le nombre de refus, avant et après recours, en précisant les motifs ;

- la répartition de ces chiffres par académie ;

- le nombre de contrôles effectués par les autorités académiques ;

- le nombre de cas répondant explicitement aux critères inscrits dans la loi dite de lutte contre le séparatisme, qui vise à lutter contre l’islamisme radical.

Le 5 avril 2023 dans l’hémicycle, avait lieu un débat sur le bilan de la loi confortant le respect des principes de la République. Mme Sonia Backès. Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre‑mer, chargée de la Citoyenneté, répondant aux questions des parlementaires affirmait : « Les refus motivés par le séparatisme occupent effectivement une place marginale, mais encore une fois, le principe d’autorisation préalable n’empêche pas ceux qui ont besoin de l’instruction en famille d’y recourir. Ceux qui peuvent y avoir droit y ont droit. Ce principe ne leur crée aucune difficulté et je ne vois pas pourquoi il est contesté ».

Les nombreuses remontées du terrain montrent hélas que la réalité est toute autre. Les parents sont confrontés à des lourdeurs administratives, à l’inquiétude d’une réponse de l’éducation nationale, à des refus après avoir obtenu des autorisations les années précédentes.

La liberté de choix des parents pour l’instruction dans la famille, si elle doit être encadrée, ne doit pas pour autant être remise en cause. La lutte contre les séparatismes et le radicalisme religieux ne doit pas être un prétexte pour enlever aux parents leur rôle de premiers éducateurs de leurs enfants. Or, par cet article de loi, il y a manifestement une atteinte à la liberté d’enseignement.

C’est pourquoi la présente proposition de loi a pour objet de rétablir le régime de déclaration de l’instruction en famille

 


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proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 131‑2 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi modifiée :

a) Les mots : « est donnée » sont remplacés par les mots : « peut être donnée soit » ;

b) À la fin, sont ajoutés les mots : « , soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

Article 2

L’article L. 131‑5 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « , à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en » sont remplacés par les mots : « déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la » ;

b) À la fin, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou de choix d’instruction » ;

3° Au troisième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six » ;

4° Les quatrième à seizième alinéas sont supprimés ;

5° Au dix‑huitième alinéa, les mots : « du présent code » sont supprimés ;

6° La dernière phrase du dix‑neuvième alinéa est supprimée.

Article 3

Les articles L. 131‑5‑1 et L. 131‑5‑2 du code de l’éducation sont abrogés.

Article 4

L’article L. 131‑10 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– les mots : « de vérifier la réalité des motifs avancés » sont remplacés par les mots : « d’établir quelles sont les raisons alléguées » ;

– les mots : « de l’enfant pour obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 131‑5 » sont supprimés ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

c) À la fin de la dernière phrase, les mots : « et aux personnes responsables de l’enfant » sont supprimés ;

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– les mots : « délivrance de l’autorisation prévue au premier alinéa de l’article L. 131‑5 » sont remplacés par les mots : « déclaration d’instruction par la famille » ;

– les mots : « , d’une part, que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et, d’autre part, » sont supprimés ;

b) La deuxième et la dernière phrases sont supprimées ;

4° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Ce contrôle prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a lieu notamment au domicile des parents de l’enfant. Il vérifie notamment que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille. » ;

5° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d’instruction par la famille, sans préjudice de l’application des sanctions pénales.

« Le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret. » ;

6° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– le mot : « du » est remplacé par les mots : « de ce » ;

– à la fin, les mots : « de l’enfant » sont remplacés par les mots : « avec l’indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l’objet dans le cas contraire » ;

b) La deuxième et la dernière phrases sont supprimés ;

7° Le sixième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– après le mot « Si », sont insérés les mots : « , au terme d’un nouveau délai fixé par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, » ;

– les mots : « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met » sont remplacés par les mots : « les parents sont mis » ;

– les mots : « les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire » sont supprimés ;

– les mots : « de cette mise en demeure, » sont remplacés par les mots : « , d’inscrire leur enfant » ;

– le mot : « scolaire » est supprimé ;

– le mot : « aussitôt » est supprimé ;

– les mots : « qu’elles » sont remplacés par les mots : « qu’ils » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

8° L’avant‑dernier et le dernier alinéas sont supprimés.

Article 5

L’article L. 131‑10‑1 du code de l’éducation est abrogé.

Article 6

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 131‑11, la référence : « L. 131‑5‑1, » est supprimée ;

2° À la première phrase de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 311‑1, les mots : « l’autorisation » sont remplacés par les mots : « la déclaration annuelle ».

Article 7

L’article L. 552‑4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 131‑5 du code de l’éducation » sont remplacés par les mots : « d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » ;

2° La deuxième phrase du deuxième alinéa est supprimée.

Article 8

La présente loi entre en vigueur lors de la rentrée scolaire suivant son adoption.

Article 9

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.