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N° 749

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à assouplir les dispositions de la loi Évin sur la publicité du vin,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christophe BARTHÈS, M. Pascal JENFT, M. Joseph RIVIÈRE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Béatrice ROULLAUD, M. David MAGNIER, M. Stéphane RAMBAUD, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Yaël MÉNACHÉ, Mme Anaïs SABATINI, M. René LIORET, M. Michel GUINIOT, M. Marc DE FLEURIAN, Mme Alexandra MASSON, M. Romain TONUSSI, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Caroline COLOMBIER, M. Julien LIMONGI, M. Alexandre DUFOSSET, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, Mme Monique GRISETI, M. Jordan GUITTON, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Sébastien HUMBERT, M. Julien RANCOULE, M. Alexis JOLLY, Mme Lisette POLLET, M. José BEAURAIN, Mme Sophie-Laurence ROY, M. Christophe BENTZ, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Julien GABARRON, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Angélique RANC, Mme Gisèle LELOUIS, M. Julien ODOUL, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Marine HAMELET, M. Timothée HOUSSIN, Mme Laure LAVALETTE, M. Nicolas MEIZONNET, M. Frank GILETTI, M. Emeric SALMON, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Stéphanie GALZY, M. Frédéric FALCON, M. Julien GUIBERT, M. Matthieu MARCHIO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Bryan MASSON, Mme Catherine RIMBERT, M. Robert LE BOURGEOIS, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Yoann GILLET, M. Eddy CASTERMAN, M. Thierry TESSON, M. Thibaut MONNIER, Mme Sophie BLANC, M. Anthony BOULOGNE, M. Michaël TAVERNE, M. Frédéric-Pierre VOS, Mme Marie-France LORHO, M. Alexandre LOUBET, M. Nicolas DRAGON, Mme Manon BOUQUIN, Mme Florence JOUBERT, M. Kévin MAUVIEUX, M. Romain BAUBRY, M. Sébastien CHENU, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, Mme Hélène LAPORTE, M. Roger CHUDEAU, M. Pascal MARKOWSKY, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Thierry PEREZ, M. Alexandre SABATOU, M. Jonathan GERY, M. Antoine VILLEDIEU, M. Marc CHAVENT, M. Charles ALLONCLE,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La viticulture française est plus que jamais un sujet préoccupant pour les professionnels du secteur, et l’ensemble de nos concitoyens attachés à notre art de vivre.

En effet, les difficultés s’accumulent pour la viticulture française : baisse de la consommation de vin de 70 % en 60 ans ([1]), aléas climatiques (sécheresse, gel, grêle,…), maladies (mildiou, etc.), hausse des prix de l’énergie et des carburants, concurrence des vins étrangers, interdiction des produits phytosanitaires, ou encore un dénigrement de ce secteur par une écologie radicale.

La viticulture incarne l’art de vivre à la française et représente un pan entier de l’économie de notre pays. Elle représente plus de 500 000 emplois directs et indirects ([2]), et génère un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards d’euros par an. Elle est également un acteur majeur de l’attractivité touristique de la France avec plus de 10 millions de visiteurs par an au travers de l’œnotourisme.

Rien que dans le département de l’Aude, la viticulture est, avec le tourisme, le principal secteur économique. Si elle venait à disparaître, les conséquences seraient sociales, économiques, environnementales, et surtout humaines.

Comme le confirme le président de la chambre d’agriculture de l’Aude, la vigne est le « meilleur des canadairs ». La culture de la vigne constitue un excellent pare‑feu naturel ; sans elle, les régions viticoles seraient davantage vulnérables face aux incendies. La viticulture représente un ralentisseur déterminant dans la propagation du feu et la lutte contre les incendies. Elle est donc un avantage non négligeable à la préservation de la biodiversité, d’autant plus durant ces épisodes de sécheresse.

Le vin est défini comme un produit culturel, ainsi que l’énonce l’article L. 665‑6 du code rural et de la pêche maritime : « Le vin produit de la vigne, les terroirs viticoles, ainsi que les cidres et poirés, les boissons spiritueuses et les bières issus des traditions locales font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager, protégé de la France. ».

Le vin se distingue donc des autres alcools. Il est également erroné de mettre en avant une nocivité structurelle du vin. Certes, l’abus est nocif comme tout abus, mais aujourd’hui cette consommation demeure raisonnable, comme le démontre les différentes études à ce sujet. La consommation de vin est passée de plus de 20 litres par an et par habitant de 15 ans et plus, à 7 litres en 2011, tandis que la consommation de spiritueux ou de bières est restée identique sur cette période ([3]).

La loi n° 91‑32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin » a grandement pénalisé le secteur de la viticulture. Elle limite le droit de faire de la publicité pour des boissons alcoolisées, dont le vin. Cette loi est un frein à la vente de vin, et entretient un agri‑bashing qui s’ajoute aux difficultés existantes des viticulteurs. Le manque à gagner causé par les campagnes publicitaires contre le vin, devrait pouvoir être évalué pour être en totale transparence envers les viticulteurs, et pour appréhender les répercussions néfastes d’une mauvaise image sur une économie qui contribue au rayonnement de la France.

Certes, la loi Évin a déjà été assouplie en 2015 après l’adoption d’un amendement visant à autoriser la promotion de l’œnotourisme, et gastronomique des régions viticoles ([4]) mais cette modification est insuffisante, et les campagnes publicitaires contre le vin se multiplient.

 Pour exemple, le Dry January ([5]) a exclusivement illustré sa campagne de sensibilisation par de la consommation de vin, alors que celle‑ci est en grande baisse. Ces campagnes de sensibilisation ne sont donc pas représentatives des véritables dangers de l’alcool et participe à la stigmatisation de la consommation de vin, seule représentée dans les publicités. Or la campagne du Dry January n’est pas isolée, nous pouvons constater que de nombreuses campagnes de sensibilisation présentent toujours la seule consommation de vin comme présentant un risque.

Cette démarche favorise un amalgame vin‑alcoolisme, et passe sous silence toutes les autres consommations d’alcool, en particulier les alcools forts et aromatisés, peu qualitatifs, destinés à un public plus jeune, ayant plus de mal à maîtriser leur alcoolémie.

La protection des mineurs est souvent opposée à la publicité du vin, or celle‑ci se justifie moins qu’auparavant. La consommation modérée et occasionnelle de vin est aujourd’hui la norme dans la population française, mais les épisodes d’ivresse augmentent chez les jeunes ([6]).

Dans Points de Vue ([7]), l’essayiste M. Jérôme Fourquet observe gravement, que « la consommation récréative a en partie glissé du vin au cannabis ». Il ajoute encore que « la consommation de stupéfiants n’a jamais été aussi forte », pour cause, celle‑ci est très peu stigmatisée en comparaison de celle du vin, alors que les dommages de la drogue sont autant, voire beaucoup plus destructeurs que ceux de l’alcool occasionnel. Dans un contexte où les plans d’arrachage des vignes se multiplient, il est temps d’alerter les pouvoirs publics sur les conséquences de ce phénomène : la disparition de la consommation du vin aura pour conséquence la disparition de pans économiques indispensables à la survie de territoires, contrairement à la drogue qui ne tient à flot que les réseaux de délinquance, la misère sanitaire des consommateurs, et l’insécurité des territoires.

On constate une dépréciation des jeunes pour le vin, et une recrudescence des alcools forts dans les cas d’API ([8]) chez les jeunes, voire chez les mineurs. La loi Évin n’a pas eu les résultats bénéfiques sur les consommations à risque qu’elle souhaitait combattre, et au contraire, en réduisant la visibilité du vin plutôt que de promouvoir une consommation raisonnée et responsable, elle a favorisé par sa censure le choix des jeunes de se tourner vers des alcools plus forts.

De plus, la protection des mineurs avancée par la loi Évin de 1991 est incohérente avec d’autres mesures. Il existe des publicités télévisuelles pour des jeux d’argent, ou des sites de rencontres, pourtant interdits aux moins de 18 ans, comme le vin. Pourquoi ces publicités ne seraient‑elles pas soumises à l’obligation d’un bandeau informatif pour la protection des mineurs ?

Assouplir ces dispositions, ne serait pas seulement bénéfique au monde viticole, mais aussi au sport français. La loi Évin de 1991 interdit aussi la publicité des boissons alcoolisées et des cigarettes dans les infrastructures sportives, ce qui est reconnu aujourd’hui comme un frein au développement économique des clubs :

En 2020, un rapport du Sénat ([9]) a mis en avant l’assouplissement de la loi Évin pour aider le secteur sportif. Selon un autre rapport du Sénat de 2017, l’assouplissement de cette loi, ferait gagner aux clubs professionnels entre 30 et 50 millions d’euros par an ([10]).

L’assouplissement de la loi Évin avant les jeux Olympiques de 2024, aurait déjà pu profiter aux viticulteurs. Ce constat était d’ailleurs partagé par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Marc Fesneau lors de sa visite dans le département de l’Aude le 6 mai 2023, où il échangeait avec les viticulteurs : « Près de deux milliards de gens vont avoir les yeux sur la France. Il ne faut pas se gêner et faire de l’évènement une occasion de regagner des marchés » ([11]). Les Jeux Olympiques d’hiver pourraient enfin être la prochaine opportunité pour notre pays de faire rayonner son savoir‑faire viticole.

Il est primordial d’être fier des vins français, et d’en faire une grande cause nationale comme l’a fait l’Argentine, pour préserver notre viticulture qui fait partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager, protégé de la France([12])

Les dispositions de la loi Évin de 1991 ne sont plus adaptées à la conjoncture actuelle, et c’est en ce sens, que la présente proposition de loi tend à les modifier.

Retirer le vin de l’empire de cette loi est partagé par des élus ou anciens élus de tous bords politiques. Le sénateur de l’Aude, du groupe socialiste et républicain entre 1980 et 2020, Roland Courteau déclarait que « La loi Évin a encadré la publicité sur les boissons alcooliques sans en donner une définition claire. Face à ce vide, les juges se sont substitués au législateur pour la définir. ». Le Président de la République Emmanuel Macron a affirmé, lorsqu’il était ministre de l’économie, qu’il fallait « permettre à certaines régions, et aux emplois qui vont avec en France, de défendre leurs intérêts, de faire la promotion de ce qu’on appelle l’œnotourisme. » ([13])

C’est pourquoi mesdames, messieurs, dans son premier article, la présente proposition de loi tend à améliorer la publicité du vin.

Dans un premier temps, l’article 1er supprime l’exhaustivité des modes de publicité, dont les conditions sont définies en Conseil d’État. Cette mesure rendra une plus grande liberté de publicité au vin, déjà très encadrée.

En second temps, cet article permet la publicité du vin au sein des stades ou lors de manifestations sportives, comme ceci a déjà été le cas dans le passé.

Enfin, la présente proposition de loi, dans l’article 2, donne l’opportunité au Parlement de distinguer les cas de mortalité entre les la consommation d’alcools forts et de vin, et les évaluer.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 3323‑2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin du 3°, les mots : « ; sous formes d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;

2° Après le 6°, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis Sur les stades, terrains de sport ou privés, dans les lieux où sont installées des piscines et dans les salles où se déroulent habituellement des manifestations sportives ; ».

Article 2

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport estimant et mettant en relation la mortalité liée à la consommation de vin et la mortalité liée à la consommation d’alcools forts.

 

 


([1])  France Agrimer : Etude sur la consommation de vin en France, 2022.

([2])  Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d’origine et à indication géographique.

([3])  Observatoire français des drogues, d’après des données de l’OMS, de l’INSEE et du groupe IDA.

([4])  Amendement présenté par le sénateur Roland Courteau le 14 septembre 2015 https://www.senat.fr/amendements/2014-2015/654/Amdt_31.html

([5])  Campagne de santé publique visant à l’abstinence de consommation d’alcool durant tout le mois de janvier.

([6])  Rapport Vin et Société : « Loi Evin : Enjeux et Perspectives pour la filière viti-vinicole ».

([7])  Interview télévisée, Points de Vue, du 8 novembre 2024 sur le narcotrafic.

([8])  « alcoolisation ponctuelle importante », correspondant à un état d’ivresse avancé.

([9])  Rapport d’information n°667 (2019-2020) déposé le 22 juillet 2020.

([10])  https://www.publicsenat.fr/actualites/non-classe/un-rapport-du-senat-propose-l-assouplissement-de-la-loi-evin-pour-aider-le#:~:text=En%202017%2C%20un%20premier%20rapport,assouplissement%20de%20la%20loi%20Evin

([11])  Propos du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Marc Fesneau, retranscrit par le magazine Vitisphère.

([12])  Art L665-6 du code rural et de la pêche maritime, cité ci-dessus.

([13])  Propos d’Emmanuel Macron, ancien ministre de l’économie, en novembre 2015