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N° 819

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre à l’enfant de maintenir des liens équilibrés avec ses deux parents en cas de séparation s’il y a désaccord sur le mode de résidence,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christine LE NABOUR, Mme Perrine GOULET, Mme Véronique RIOTTON, Mme Laure MILLER, M. Didier LE GAC, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Annie VIDAL, M. Jean-Michel JACQUES, M. Hervé BERVILLE, Mme Brigitte LISO, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Julie DELPECH, Mme Céline CALVEZ, M. Lionel CAUSSE, M. Freddy SERTIN, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane VOJETTA, Mme Nicole LE PEIH, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Jean-Luc FUGIT, M. Bertrand SORRE, M. Vincent LEDOUX, M. Stéphane BUCHOU, Mme Pauline LEVASSEUR, M. Philippe FAIT, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-François ROUSSET, M. Thierry BENOIT, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Bertrand BOUYX, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. François GERNIGON, Mme Delphine LINGEMANN, M. Laurent CROIZIER, M. Philippe LATOMBE, M. Olivier FALORNI, M. Laurent MAZAURY, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Sylvie DEZARNAUD, M. Nicolas RAY, M. Philippe JUVIN, Mme Claudia ROUAUX, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Jean-Pierre TAITE,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année en France, près de 350 000 couples se séparent, affectant directement 200 000 enfants. Face à ces ruptures familiales, la question du mode de résidence des enfants devient cruciale. La résidence alternée, bien qu’en progression ces dernières années, reste encore marginale. En 2016, seulement 12 % des enfants de parents séparés vivaient en résidence alternée, contre une majorité de 76 % résidant exclusivement chez leur mère. Ce déséquilibre persiste malgré les nombreuses études mettant en évidence les bienfaits d’une implication équivalente des deux parents.

Les conséquences négatives de l’absence d’un parent dans la vie quotidienne d’un enfant sont nombreuses et bien documentées. Les chiffres sont édifiants : 85 % des détenus et 63 % des mineurs suicidaires ont été privés d’un parent dans leur enfance ; 90 % des sansabri ont grandi sans père ; les enfants de familles monoparentales présentent un taux de redoublement de 24 %, contre 9 % pour ceux en résidence alternée. Les enfants privés d’un parent sont exposés à 11 fois plus d’actes de violence scolaire. Ces données démontrent que le maintien d’un contact régulier, équilibré et significatif avec les deux parents est fondamental pour l’épanouissement des enfants. De plus, le risque de rupture de lien avec un parent reste élevé dans les configurations de résidence exclusive : à la majorité, 40 % des enfants de parents séparés ne voient plus leur père.

En France, l’approche juridique reste encore ancrée dans un modèle dit « classique », où la résidence principale est fixée chez un parent  souvent la mère  avec un droit de visite et d’hébergement réduit pour l’autre parent. Pourtant, au niveau international, de nombreux textes appuient la nécessité d’une égalité parentale. La Convention internationale des droits de l’enfant, dans son article 9, stipule que tout enfant a le droit d’entretenir des contacts réguliers avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur. De même, la résolution 2079 du Conseil de l’Europe invite les États membres à promouvoir la résidence alternée comme solution par défaut en cas de séparation parentale.

Les bénéfices d’une présomption légale de résidence alternée sont multiples. Tout d’abord, elle permet une inversion de la charge de la preuve : le parent contestant ce mode de garde devra démontrer en quoi celuici serait contraire à l’intérêt de l’enfant. Cette approche incite à privilégier les solutions équilibrées et limite les conflits parentaux. Ensuite, la présomption légale réduit les contentieux en offrant un cadre clair et prédéfini, qui encourage les parents à s’accorder spontanément sur une résidence alternée. Enfin, elle favorise une stabilité émotionnelle pour l’enfant, en réduisant les conflits de loyauté et en assurant la continuité des liens affectifs et éducatifs avec ses deux parents.

Les expériences menées dans d’autres pays européens montrent des résultats probants. En Suède, en Belgique ou encore en Italie, où la résidence alternée est considérée comme la solution prioritaire, les conflits parentaux et les déséquilibres éducatifs ont été significativement réduits. En France, seulement 12 % des enfants de parents séparés bénéficient de la résidence alternée, bien en deçà des moyennes européennes. Une telle réforme législative permettrait de rattraper ce retard et d’aligner le cadre juridique français sur les standards internationaux.

Il est important de noter que cette présomption légale n’ignore pas les spécificités de chaque situation. Les cas de violences domestiques, d’éloignement géographique ou de circonstances particulières continueront d’être examinés avec soin par le juge. Cette disposition ne vise pas à imposer un modèle unique, mais à offrir un cadre clair, équitable et centré sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Enfin, cette proposition répond à une demande sociétale forte. Selon les sondages, 76 % des Français sont favorables à la résidence alternée comme solution par défaut. Il s’agit non seulement d’une avancée législative, mais également d’un progrès social majeur. Elle permettra de réduire les inégalités parentales, de mieux protéger les enfants, et de favoriser un modèle de coparentalité équilibré et harmonieux. Cette réforme contribuera à une pacification des conflits familiaux, à une réduction des contentieux judiciaires, et à une meilleure cohésion sociale, centrée sur l’enfant et son épanouissement.

En intégrant ces éléments dans le cadre légal, cette proposition de loi affirme une ambition claire : garantir à chaque enfant le droit de maintenir des liens forts et équilibrés avec ses deux parents, tout en promouvant une parentalité responsable et égalitaire.

Ainsi, la proposition de loi présentée vise à établir une présomption légale de résidence alternée, articulée autour d’un article unique. Celuici permet au juge, lors d’un litige concernant le mode de résidence de l’enfant, de considérer en priorité la possibilité de prononcer une résidence alternée, à la demande de l’un des parents. 

 


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proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa de l’article 373‑2‑9 du code civil est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« À défaut d’accord entre les parents sur le mode de résidence de l’enfant, le juge fixe en principe la résidence alternée de l’enfant, sauf si l’un des parents démontre que cette modalité est contraire à l’intérêt supérieur de celui‑ci, conformément à l’article 371‑1.

« Lorsque le juge estime que l’alternance doit être adaptée, notamment en raison de l’âge de l’enfant ou d’autres circonstances particulières, il peut décider d’une période d’adaptation provisoire ou prévoir une autre modalité à une échéance définie.

« Lorsque l’enfant ne peut bénéficier de ces dispositions, le juge motive spécialement sa décision et privilégie la solution qui préserve, dans la mesure du possible, la continuité de son environnement familial, social et scolaire. »