N° 825
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à garantir l’accès aux origines pour les enfants nés de procréation médicalement assistée,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Géraldine BANNIER,
députée.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a opéré un changement majeur très attendu en revenant sur le caractère absolu de l’anonymat du don.
En effet, l’article 16‑8‑1 du code civil consacre un nouveau droit, celui de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’avoir accès, à sa demande, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du donneur :
« Dans le cas d’un don de gamètes ou d’un accueil d’embryon, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
En application des dispositions de l’article L. 2143‑5 du code de la santé publique, la personne souhaitant accéder à ces données s’adresse à la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) placée auprès du ministre chargé de la santé et dont les missions sont énumérées à l’article L. 2143‑6 du code de la santé publique.
Le consentement du donneur à la levée de son anonymat est donc désormais une condition de la possibilité du don en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 2143‑2 du code de la santé publique.
Le législateur a toutefois entendu éviter que ce nouveau droit ne concerne que les enfants nés de dons postérieurs à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions et qu’il ne soit ainsi effectif qu’à la majorité de ces enfants.
C’est pourquoi le législateur a décidé, concernant les enfants nés d’un don réalisé sous l’empire de législations antérieures, que la CAPADD pouvait être saisie de demandes au titre de l’article L. 2143‑5 du code de la santé publique.
La commission est alors chargée de contacter les tiers donneurs qui sont alors libres de donner leur consentement ou de s’opposer à la communication de ces informations. Or certaines demandes ne peuvent aboutir du fait du décès du donneur intervenu entre le don et la demande de l’enfant né par don.
La réponse de la CAPADD mentionne seulement dans sa réponse le décès du donneur, laissant ainsi les demandeurs insatisfaits et sans possibilité d’avoir accès à leurs origines biologiques sinon de façon illégale et très incertaine quant au résultat via un recours aux tests génétiques de type MyHeritage ou 23andMe.
Au 16 février 2024, selon le premier rapport annuel d’activité de la CAPADD, 869 courriers ont été reçus entre le 1er septembre 2022 et le 31 août 2023 dont 435 consentements spontanés (74 % d’hommes, 26 % de femmes) et 434 demandes de communication. S’agissant de ces dernières, 110 donneurs ont pu être identifiés (25,4 %) dont 87 encore vivants (20 %). Au total, seul 19 donneurs ont répondu favorablement (21,8 %), les autres ayant soit omis de répondre dans le délai de trois mois prévu par la réglementation soit expressément refusé.
Le droit d’accès aux origines est pourtant consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme par extension du « droit au respect de la vie privée et familiale » (CEDH, 13 février 2003, n° 42326/98, Odièvre c./ France). Le guide relatif à cet article en date du 31 août 2019 précise qu’à ce titre « l’établissement des détails de son identité d’être humain et l’intérêt vital protégé par la Convention, à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de ses géniteurs, ses origines, ou des éléments de son enfance et de ses années de formation contribuent à l’épanouissement personnel ».
On constate de fait que ce droit n’est en l’état actuel ni absolu, ni applicable du fait de la diversité des situations rencontrées.
Cette situation mériterait des évolutions lors de la future révision des lois de bioéthique notamment en ce qui concerne la communication de l’identité du donneur lorsqu’un décès est survenu, la recherche du consentement d’un proche survivant mais aussi la dépénalisation pour les personnes qui, faute de mieux, recourent aux tests génétiques pour avoir simplement connaissance de leurs origines biologiques.
En effet, il est des cas où le dossier du donneur et de la personne connue par son don sont perdus ; seul le test génétique, encore illégal, leur permet d’entrer en contact pour parfois, il faut le dire, de belles histoires.
Il conviendrait même de légaliser en les encadrant les tests génétiques, en réalité déjà très pratiqués par ceux qui recherchent leurs origines.
En effet, des tests génétiques récréatifs – interdits en France - sont proposés depuis une dizaine d’années par des acteurs étasuniens ; des services proposés à coût relativement bas qui sous‑tendent des marchés à plusieurs faces parfois sans visibilité pour les utilisateurs.
En France, ils seraient 100 000 alors que cette pratique est interdite. En effet, malgré un encadrement juridique strict, les français sont toujours capables d’avoir accès à un test ADN sur Internet, tout en s’exposant à une amende de 3 750 euros, selon l’article 226‑28‑1 du code pénal.
Or cette pratique autorisée dans certains pays étrangers est parfois peu encadrée, avec le risque pour les français ayant recours à ces tests de voir leurs données personnelles violées ou appropriées par des entreprises privées étrangères à des fins commerciales.
Aussi, plus opportun serait de légaliser ses pratiques et de les encadrer, afin d’éviter ces contournements de la loi particulièrement faciles, et préjudiciables à des milliers de citoyens.
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proposition de loi
Article 1er
Le 6° de l’article L. 2143‑6 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la commission constate le décès des tiers donneurs, elle peut, dans les mêmes conditions, transmettre les données non identifiantes et l’identité des tiers donneurs décédés à l’Agence de la biomédecine. »
Article 2
Le I de l’article 16‑10 du code civil est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa du présent I et à des fins d’accès aux origines, peut être entrepris l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur avant la promulgation de la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, qui, à sa majorité, souhaite accéder à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article L. 2143‑3 du code de la santé publique dans le cas où la demande qu’il aurait formulée auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143‑6 du même code ne lui aurait pas permis d’avoir accès à ces données.
« L’examen prévu au deuxième alinéa du présent I peut être entrepris au moyen de tests génétiques généalogiques directement accessibles au consommateur dont l’achat et l’utilisation sont autorisés à cette fin dans les conditions prévues au même I afin de préserver le droit au respect de la vie privée et de protéger les données personnelles de la personne qui en fait la démarche.
« Le fournisseur d’un test génétique généalogique directement accessible au consommateur a obligation de fournir au consommateur une information sur les caractéristiques essentielles du test généalogique, sa validité scientifique, ses limites et ses risques potentiels.
« Le consentement de la personne à l’administration du test est révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment. »