N° 836

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la sensibilisation et la prévention de la ménopause et à accompagner les femmes durant cette période de leur vie,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Delphine LINGEMANN,

députée.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La ménopause est une étape inévitable dans la vie de toutes les femmes. Si la ménopause n’est pas une maladie, elle a néanmoins des conséquences significatives sur la santé de la plupart des femmes en raison des changements hormonaux associés à cette phase. Conséquence de la fin de la production de progestérone puis d’œstrogènes et l’arrêt du cycle ovarien, cette situation de carence hormonale est souvent précédée d’une période transitoire ‑ la périménopause ‑ lors de laquelle les règles peuvent devenir irrégulières et divers troubles peuvent apparaître. La postménopause est, quant à elle, la phase qui suit la ménopause, caractérisée par l’absence totale de menstruations et la cessation de la production d’œstrogènes par les ovaires, se poursuivant jusqu’à la fin de la vie.

Selon l’Inserm, 87 % des femmes de 50 à 65 ans sont affectées par au moins un symptôme de la ménopause, en plus de l’arrêt des règles, même si ce constat est variable dans la durée et selon chaque femme.

Parmi ces symptômes figurent les bouffées vaso‑motrices ou bouffées de chaleur (70 % des femmes concernées), les sueurs nocturnes, les pertes de sommeil (83 % des femmes concernées, perte moyenne de 2,5 heures de sommeil par nuit pour de plus de 2 femmes sur 3) et la fatigue liée, une irritabilité, des troubles génito‑urinaires, notamment une sécheresse vulvo‑vaginale et un syndrome génito‑urinaire de la ménopause (25 à 70 % des femmes concernées), des douleurs articulaires, une prise de poids, une baisse de libido, des pertes de mémoire…

Ces symptômes entraînent souvent des effets négatifs sur le bien‑être physique, émotionnel, mental et social des femmes durant cette période, affectant leur vie personnelle et professionnelle.

La ménopause a également d’autres conséquences sur la santé des femmes, plus silencieuses et plus dangereuses à long terme en favorisant, notamment les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité chez les femmes, et le développement de l’ostéoporose, 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme, en raison de la ménopause.

Or, aujourd’hui, si la ménopause est un sujet de santé publique qui concerne directement 14 millions de femmes, elle demeure encore trop peu abordée et prise en compte dans le parcours de santé des femmes.

Sa couverture médiatique se traduit essentiellement par quelques articles dans les journaux féminins. En ce qui concerne la prévention, le Gouvernement a bien pris en compte le sujet de la ménopause à travers son plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023‑2027 qui permet, entre autres, l’inclusion de la ménopause dans le « semaine santé des femmes » et dans la consultation de prévention à partir de 45 ans. Ces dispositions sont cependant encore parcellaires.

Différentes enquêtes mettent en évidence les lacunes dans la prise en charge des symptômes de la ménopause. Ainsi, selon une étude de l’INSERM publiée en septembre 2023, la moitié des femmes interrogées considère ainsi qu’elles sont mal informées. Pourtant, 87 % d’entre‑elles présentent au moins un symptôme et 20 % présentent des troubles sévères.

La présente proposition de loi a donc pour objet de combler ces lacunes.

Elle vise, d’une part, à améliorer la sensibilisation sur la ménopause à l’école, mais aussi dans le milieu professionnel.

Elle entend, d’autre part, renforcer la prévention en créant un examen de santé spécifique dédié à la ménopause entre 40 et 45 ans tout en incluant la ménopause dans les rendez‑vous de bilan prévention aux âges clés. Enfin, elle crée un arrêt de travail gynécologique à titre expérimental.

Ainsi, l’article 1er permet d’intégrer aux séances d’éducation à la sexualité dans les collèges et lycées comprennent des informations sur la santé sexuelle et reproductive tout au long de la vie de la personne, afin que la question de la ménopause puisse y être abordée.

L’article 2 inclut la ménopause dans les critères d’évaluation des risques de désinsertion professionnelle au cours de la visite professionnelle de santé de mi‑carrière des travailleurs de sexe féminin. En outre, la possibilité de bénéficier de l’examen de santé mentionnée à l’article 3 de la présente proposition de loi est évoquée durant cette visite.

L’article 3 permet aux femmes de bénéficier d’un examen de santé relatif à la ménopause auprès d’un gynécologue ou d’un médecin généraliste ayant suivi une formation en gynécologie. Cet examen d’information et de prévention aura lieu entre leur 40 et 45 ans afin que les difficultés liées à la péri‑ménopause, période de transition précédant la ménopause, soit appréhendées au mieux. Il est pris en charge par la sécurité sociale. Si des facteurs de risques de l’ostéoporose sont identifiés lors de ce premier rendez‑vous, un examen d’ostéodensitométrie peut être prescrit.

L’article 4 précise que les rendez‑vous de prévention gratuits aux âges clés de la vie (18‑25 ans, 45‑50 ans, 60‑65 ans, et 70‑75 ans), créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, incluent la prévention de la ménopause. Ces rendez‑vous « Mon bilan prévention », pouvant être passés auprès du médecin de famille, sont complémentaires du rendez‑vous créé à l’article 3 de la présente proposition de loi. Lorsque la patiente a entre 18 et 25 ans, il permettra ainsi d’assurer la prévention des cas de ménopause précoce. Lorsque la patiente se situe dans les autres tranches d’âge, il permettra de renforcer la prévention de la ménopause et de la postménopause.

L’article 5 met en place une expérimentation d’un congé lié aux symptômes de la ménopause, s’ils sont incapacitants. Le Gouvernement remet au Parlement, au terme de l’expérimentation, une évaluation sur ses résultats.

L’article 6 créé un comité national permettant une meilleure coordination des acteurs institutionnels et privés concernés. Il doit travailler à renforcer la sensibilisation aux risques liés à la ménopause et à améliorer la qualité de vie des femmes en situation de carence hormonale.

L’article 7 demande un rapport au Gouvernement, un an après la promulgation de la présente loi, ayant pour objet d’améliorer l’information du Parlement et partant de la société sur le sujet de la ménopause.

L’article 8 assure la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 


– 1 –

proposition de loi

TITRE Ier

Renforcer la sensibilisation sur la mÉnopause

Article 1er

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles comprennent des informations sur la santé sexuelle et reproductive tout au long de la vie de la personne, incluant les stades de puberté, d’activité génitale et, pour la femme, de ménopause. »

Article 2

Le 2° du I de l’article L. 4624‑2‑2 du code du travail est complété par les mots : « ainsi que, pour le travailleur féminin, l’apparition de la ménopause en l’informant de l’examen de santé prévu à l’article L. 2121‑1 du code de la santé publique nouvellement créé ».

TITRE II

DÉvelopper la prÉvention de la mÉnopause dans les examens de santÉ

Article 3

Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rétabli :

« Chapitre Ier

« Examen de santé des femmes en situation de carence hormonale

« Art. L. 21211. – Entre leur quarante et leur quarante‑cinquième anniversaire, les assurées bénéficient d’une consultation médicale d’information, de sensibilisation et de prévention des risques liés à la ménopause. Cette consultation est réalisée par un gynécologue‑obstétricien, ou un médecin généraliste titulaire d’un diplôme mentionné à l’article L. 613‑2 du code de l’éducation en gynécologie‑obstétrique. Elle permet d’établir un diagnostic individuel de prévention des risques liés à la ménopause et de proposer des traitements adaptés.

« Si des facteurs de risques de l’ostéoporose sont identifiés lors de la consultation médicale prévue au premier alinéa, le médecin peut prescrire la réalisation d’un examen d’ostéodensitométrie.

« Les examens prévus aux alinéas précédents sont pris en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie et les bénéficiaires de ces actes sont dispensées de l’avance des frais.

« La nature et les modalités de réalisation des examens de prévention et des soins gynécologiques consécutifs sont prévues par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Cet arrêté précise notamment les modalités d’information et de suivi des bénéficiaires de ces actes ainsi que les conditions de transmission des informations nécessaires à l’évaluation du programme de prévention dans le respect de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »

Article 4

À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1411‑6‑2 du code de la santé publique, après le mot : « femmes », sont insérés les mots : « tout au long de leur vie, incluant les stades de puberté, d’activité génitale et de ménopause, ».

TITRE III

ExpÉrimentation d’un arrÊt de travail gynÉcologique

Article 5

La section 1 du chapitre VI du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1226‑1‑5 ainsi rédigé :

« Art. L. 122615.  L’État peut instaurer, pour une durée maximale de trois ans et dans trois régions, un arrêt de travail pour les symptômes liés à la ménopause, s’ils sont incapacitants, dans les conditions définies aux articles L. 321‑1 et suivants du code de la sécurité sociale.

« Les conditions et les modalités de mise en œuvre du présent article sont définies par décret.

« Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation des résultats de l’application de ces dispositions et sur l’opportunité de les pérenniser. »

TITRE IV

Coordination institutionnelle et dispositions diverses

Article 6

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1413‑17 ainsi rédigé :

« Art. L. 141317. – Il est créé un comité national chargé d’encourager les partenariats et collaborations entre l’État et les établissements et organismes mentionnés aux articles L. 1413‑1, L. 4121‑1, L. 4231‑1 et L. 5311‑1 du présent code, à l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale et à l’article R. 324‑1 du code de la recherche en vue d’améliorer la qualité de vie des femmes durant la période de la ménopause.

« Le comité établit un rapport annuel à l’aide des données transmises par ses membres.

« Son secrétariat général est assuré par l’agence mentionnée à l’article L. 1413‑1 du présent code.

« Les conditions et les modalités de mise en œuvre du présent article sont définies par décret. »

Article 7

Un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la politique publique de sensibilisation, de formation et de prévention de la ménopause par l’État. Il fait également état de l’opportunité d’organiser une campagne de communication, à l’échelle nationale, sur la ménopause. Il en précise les contours et évalue ses effets potentiels dans l’objectif d’améliorer la lutte contre les discriminations liées à cet état de santé dans la société française et sur le lieu de travail en particulier.

Ce rapport propose des recommandations pour améliorer et adapter les mesures en faveur des assurées affectées par la ménopause. Il prend en compte les incitations fiscales nécessaires pour développer des politiques inclusives sur le lieu de travail, ainsi que les remboursements de médicaments ou de traitements alternatifs et complémentaires, tels que les activités physiques.

Le rapport évalue la qualité des services de soutien psychologique qui peuvent être proposés, ainsi que le financement de la recherche qui est dédiée à ce sujet et aux nouveaux traitements pour améliorer la qualité de vie des femmes.

Article 8

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.