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N° 880

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2025.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant l’instauration d’une règle d’or budgétaire pour un retour à l’équilibre des finances publiques,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Henri ALFANDARI, M. François JOLIVET, M. Xavier ALBERTINI, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, M. Sylvain BERRIOS, M. Bertrand BOUYX, M. Jean-Michel BRARD, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Félicie GÉRARD, M. François GERNIGON, M. Pierre HENRIET, M. Xavier LACOMBE, M. Thomas LAM, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Didier LEMAIRE, Mme Lise MAGNIER, M. Jean MOULLIERE, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Christophe PLASSARD, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Xavier ROSEREN, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Vincent THIÉBAUT, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Anne-Cécile VIOLLAND,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France n’a pas voté de budget à l’équilibre depuis 1974.

Tous les ans, la situation s’aggrave. La trajectoire de nos finances publiques est inquiétante pour l’avenir de la Nation et alourdit la défiance des citoyens français envers leurs dirigeants et leurs représentants, incapables à leurs yeux de prendre les décisions nécessaires pour assurer une gestion saine de nos comptes publics.

Les Français partagent tous ce même sentiment de frustration quant à l’effort qui leur est demandé par rapport à la faible efficacité de la dépense publique. Plus encore, nous n’avons de cesse que d’imposer et taxer toujours plus leurs revenus. Hélas cela ne suffit jamais à couvrir les dépenses et engendre un déficit structurel qui, peu à peu, aggrave la situation.

Nous devons inverser la tendance. Nous ne pouvons pas avoir une relation de confiance entre un citoyen à qui l’on demande toujours plus d’efforts et une classe politique qui ne s’impose aucune rigueur budgétaire.

Cet immobilisme est une facilité où l’on ne règle pas le problème mais où l’on s’en débarrasse. Le compte à rebours vers le point de non‑retour s’accélère. La responsabilité collective nous commande de nous doter de nouveaux moyens juridiques et d’instaurer une règle qui nous impose les efforts que nous demandons aux Français et qui nous permettra de redresser la barre, collectivement.

L’objectif de cette proposition de loi constitutionnelle est donc d’inscrire une règle d’or budgétaire visant le retour à l’équilibre des lois de finances dans la Constitution.

Ce débat n’est pas nouveau. Dès le début de la Ve République, le principe d’équilibre budgétaire a été inscrit dans une loi organique à travers l’ordonnance du 2 janvier 1959.

Les années soixante-dix ont marqué le début d’un cercle vicieux de déficit budgétaire. Le dernier budget voté à l’équilibre en France est celui du projet de loi de finances de 1975, voté en 1974. Par la suite, voter un budget déficitaire est devenu une pratique systématique. Dans un souci de rigueur budgétaire, le Conseil Constitutionnel avait ainsi érigé le principe d’équilibre budgétaire en principe fondamental dans sa décision du 24 décembre 1979.

Toutefois, il aura fallu attendre la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et la réforme constitutionnelle de 2008 pour étayer ce principe et inscrire une vague mention d’un équilibre budgétaire dans la Constitution.

En dépit d’imposer l’élaboration d’un budget équilibré, la rédaction actuelle de l’article 1er de la LOLF vient simplement mentionner la nécessité de « tenir compte d’un équilibre économique défini », expression sujette à des interprétations diverses. L’article 34 de la Constitution, lui, mentionne un « objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » que doivent suivre les lois de programmations, et ne concerne ainsi pas les lois de finances.

Depuis, quelques initiatives législatives ont émergé afin d’instaurer cette règle dans le texte constitutionnel. En 2008, MM. François Sauvadet et Charles de Courson ont porté la proposition d’une interdiction stricte de déficit budgétaire dans l’élaboration et le vote des lois de finances. En 2011, M. François Fillon a proposé la création d’un nouveau type de lois : les « lois‑cadres d’équilibre des finances publiques », portant l’objectif qu’elles s’imposent aux textes financiers.

Certains vont arguer que l’équilibre budgétaire n’est pas un principe juridique et ne devrait pas se retrouver dans la Constitution. D’autres diront que le véhicule de la loi organique suffit amplement. D’autres encore affirmeront que cela est contraire à la démocratie, car ils considèrent qu’il n’y a pas de limite ni à la hausse des dépenses ni à celle des recettes.

Pourtant, avec l’augmentation constante de la dette, qui dépasse aujourd’hui les 3 000 milliards d’euros, le plus fort taux de prélèvements obligatoires des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la plus forte dépense publique de ces mêmes pays, force est de constater que ni leurs précautions juridiques, ni leurs arguments moraux, ne trouvent dans la réalité des faits la moindre confirmation.

Au‑delà de ces considérations nationales, de nombreux pays européens ont d’ores et déjà fait le choix de constitutionnaliser le principe d’une règle d’or :

– l’Allemagne, où le « Frein à l’endettement » limite le déficit structurel à 0,35 % du PIB pour le gouvernement fédéral ;

– l’Espagne, qui impose un déficit structurel nul sauf en cas de circonstances exceptionnelles ;

– le Portugal et l’Autriche, qui ont prévu des mécanismes d’ajustement en cas de crises majeures ou de conjonctures défavorables ;

– la Suisse, où le frein à l’endettement lie les dépenses publiques à la croissance économique potentielle, garantissant ainsi une dette maîtrisée sur le long terme.

L’article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle prend acte de l’inscription de ce principe budgétaire dans les constitutions de plusieurs pays européens et de l’effet positif qu’elle a eu sur leurs finances publiques. Ainsi il propose d’inscrire dans notre constitution la « règle d’or » budgétaire.

L’alinéa premier instaure la » règle d’or » d’équilibre budgétaire : « Les lois de finances équilibrent à terme les dépenses et les recettes », en précisant que cet équilibre doit s’appliquer en dehors de toute compensation des éventuels déficits par l’emprunt.

L’alinéa 2 prévoit que le plafond des dépenses totales est fixé en fonction des recettes estimées.

L’alinéa 3 renvoie à une loi organique pour préciser les modalités de mise en application.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après l’article 47‑2 de la Constitution, il est inséré un article 47‑3 ainsi rédigé :

« Art. 473. – Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale équilibrent les dépenses et les recettes, sans compensation des éventuels déficits par l’emprunt.

« Le plafond total des dépenses doit être fixé en fonction des recettes estimées.

« Une loi organique vient préciser les modalités de mise en application du présent article. »