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N° 885
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à étendre le statut et les conditions d’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation »,
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Thibaut MONNIER, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Christophe BARTHÈS, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Théo BERNHARDT, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Jérôme BUISSON, M. Eddy CASTERMAN, M. Sébastien CHENU, M. Bruno CLAVET, Mme Caroline COLOMBIER, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, M. Alexandre DUFOSSET, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Frédéric FALCON, M. Emmanuel FOUQUART, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Monique GRISETI, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, Mme Florence JOUBERT, M. Robert LE BOURGEOIS, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Nadine LECHON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Bartolomé LENOIR, M. Hervé DE LÉPINAU, M. Julien LIMONGI, M. René LIORET, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Claire MARAIS-BEUIL, Mme Alexandra MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, M. Pierre MEURIN, M. Maxime MICHELET, M. Christophe NAEGELEN, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, M. Kévin PFEFFER, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, Mme Catherine RIMBERT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Sophie-Laurence ROY, M. Emeric SALMON, Mme Anne SICARD, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Thierry TESSON, M. Romain TONUSSI, M. Frédéric WEBER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Lorsqu’un militaire perd la vie en opération, en service, ou en dehors, la Nation doit soutien et assistance à ses proches en reconnaissance de son engagement. »
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants, le 13 juillet 2024.
La condition militaire est au fondement même de la résilience nationale et du lien Armée‑Nation. Elle exige de la part de celui qui s’engage dans les armées, discipline, disponibilité, loyalisme, esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême. Cet état, qui implique un grand nombre de devoirs, n’est pas sans conséquence pour les familles et leurs proches qui doivent faire preuve d’une grande abnégation. En retour, l’engagement du militaire mérite la reconnaissance de toute la Nation sans laquelle, notre capacité de défense serait ébranlée.
Dans ce contexte, il n’est pas acceptable que des soldats de France, décédés accidentellement durant des exercices opérationnels ou des entraînements militaires, n’aient toujours pas droit à la mention : « Mort pour le service de la Nation », instituée par l’article 12 de la loi n° 2012‑1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme et permettant de rendre hommage à tout « militaire tué en service ou en raison de sa qualité. »
Au‑delà de l’importance du symbole, l’attribution de cette mention ouvre l’accès à des compensations financières et matérielles, comme le versement d’une pension de réversion à taux plein, ou l’octroi du statut de « pupille de la Nation » aux enfants du militaire décédé.
Pendant la période 2012‑2015, des militaires décédés en service sur le territoire national ont été reconnus « Morts pour le service de la Nation » et leurs familles ont pu compter sur une protection à la hauteur du sacrifice consenti. Cette parenthèse a été refermée par le décret n° 2016‑331 du 18 mars 2016 qui a considérablement restreint l’octroi du statut en le réservant aux militaires décédés du fait « de l’acte volontaire d’un tiers ».
Depuis, les militaires décédés accidentellement lors d’un entraînement, d’un exercice de préparation opérationnelle ou en mission intérieure (OPINT) ne se voient plus attribuer cette mention mais celle, laconique, de « Mort en service ».
À titre d’exemple, un officier du 4e régiment d’hélicoptère des forces spéciales (4e RHFS), présentant des états de service exemplaires, a trouvé la mort le 2 février 2018, avec quatre de ses frères d’armes, dans un accident d’hélicoptères à l’occasion d’un vol de formation. Il totalisait plus de 900 heures de vol dont 200 de nuit ([1]). Est‑il juste qu’il ne soit pas reconnu « Mort pour le service de la Nation » alors que cette mention a été attribuée par le ministre de l’Intérieur à un officier CRS, membre d’une unité de secours de montagne, décédé dans un accident d’hélicoptère le 8 décembre 2020 ([2]) ?
Est‑il juste qu’un adjudant‑chef du 3e RPIMA, décédé en 2017 dans un accident de blindé, alors qu’il préparait sa quatorzième opération extérieure, ne soit pas, lui non plus, reconnu « Mort pour le service de la nation » ?
Est‑il juste que, suite à un accident de montagne en janvier 2016, d’où cinq légionnaires trouvèrent la mort, seul celui de nationalité française ait été reconnu?
Ces militaires évoluaient dans des conditions très proches de la guerre réelle et exerçaient des missions de préparation qui les exposaient à la mort ou à la blessure. Dès lors, la mort de ces serviteurs de la France méritait la reconnaissance de la Nation et le soutien indéfectible de l’État à leurs familles.
Pourtant, leurs enfants ne sont pas reconnus comme « Pupilles de la nation » et leurs conjoints ne bénéficient que d’une pension de réversion à taux réduit. Aussi, cette mention ne faisant aucune distinction entre les militaires qui décèdent accidentellement dans le cadre de conditions d’exercices proches d’un engagement réel et ceux qui trouvent la mort dans des accidents de la vie courante, elle suscite la colère légitime des familles tant elle est source d’injustice.
Contrairement à ce qui est souvent avancé par les précédents Gouvernements, cette injustice n’a jamais été corrigée par la création, en 2021, de la mention « Mort pour le service de la République » qui s’adresse à l’ensemble des personnels de sécurité mais aussi aux bénévoles qui ont trouvé la mort dans des circonstances exceptionnelles, en ayant accompli un acte de bravoure ou au cours d’un exercice présentant un risque particulier. Plus récemment, le décret n° 2022‑425 du 25 mars 2022 a reconnu comme éligible à ce statut, le personnel sanitaire dont le décès est imputable au covid‑19.
Outre sa valeur honorifique, la mention « Mort pour le service de la République » assimile le statut particulier des militaires à celui des civils et n’accorde aucun droit supplémentaire à ceux prévus par le statut « Mort en service ».
Le métier des armes n’étant pas un métier comme les autres, l’engagement militaire participe d’un rang qui le distingue de tout autre engagement civil.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses familles réclament que leur soit étendue l’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation », ainsi que l’attribution des droits qui y sont attachés : ils étaient des soldats de France. Ils sont morts au service de la France. Ils ne doivent plus être les oubliés de la Nation.
Tel est le sens de la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Après le 1° de l’article L. 513‑1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis D’un militaire décédé accidentellement sur le territoire national, lors d’un entraînement, d’un exercice en vue de l’obtention d’une qualification, d’un exercice de préparation d’opération extérieure ou en mission intérieure, exécutés sur ordre et présentant une dangerosité ou un risque particulier ; »
Article 2
La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Biographie du commandant Sébastien Grève ,|ministère des armées et des anciens combattants.
([2]) Morts pour le service de la Nation - Amaury Lagroy de Croutte de Saint-Martin - Mémoire des hommes.