N° 960
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Léa BALAGE EL MARIKY, M. Stéphane MAZARS, M. Florent BOUDIÉ,
députée et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
À la suite des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, le Gouvernement de M. Gabriel Attal, qui avait remis sa démission au Président de la République le 8 juillet, lequel l’a acceptée le 16 juillet, a expédié les affaires courantes à compter de cette dernière date et jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement. Le Gouvernement a ainsi assuré l’expédition des affaires courantes durant une période de soixante-sept jours, une durée inédite dans l’histoire des IVe et Ve Républiques.
C’est dans ce contexte inédit que la commission des Lois a décidé, le mercredi 2 octobre 2024, de créer une mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, à la demande du groupe Écologiste et social.
Les rapporteurs de la mission, Mme Léa Balage El Mariky, députée de Paris, et M. Stéphane Mazars, député de l’Aveyron, ont présenté leurs conclusions à la commission des Lois le mercredi 11 décembre 2024.
Leur rapport met en lumière la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période d’expédition des affaires courantes estivales, les conduisant à formuler onze recommandations visant à renforcer le contrôle parlementaire et à renouveler les rapports entre Parlement et Gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. Celles-ci relèvent aussi bien de bonnes pratiques pouvant être mise en œuvre à cadre juridique constant que d’évolutions institutionnelles nécessitant des modifications de nature législative ou constitutionnelle.
Aussi, la présente proposition de loi ordinaire vise à traduire les trois recommandations d’évolutions institutionnelles relevant du domaine de la loi issue du rapport de la mission d’information flash.
L’article 1er, qui traduit la recommandation n° 7 du rapport de la mission d’information flash, octroie un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes, lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes, pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris par le Président de la République, par le Premier ministre et par les ministres ainsi que des décisions préfectorales de dérogation à des normes réglementaires arrêtées par l’administration de l’État.
L’article 2 traduit les recommandations n° 3 et 4 du rapport de la mission d’information flash.
Son I inscrit dans la loi une information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, sur le modèle de l’information prévue à l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
Son II prévoit la transmission sans délai à l’Assemblée nationale et au Sénat des actes réglementaires et individuels pris par le Président de la République, par le Premier ministre et par les ministres ainsi que des décisions préfectorales de dérogation à des normes réglementaires arrêtées par l’administration de l’État. Il prévoit également que le Gouvernement informe le Parlement sans délai des déplacements, des conférences de presse et des communiqués de presse ministériels tenus ou diffusés pendant cette période. Il permet enfin à l’Assemblée nationale et au Sénat de pouvoir requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle de l’expédition des affaires courantes.
Son III prévoit la remise au Parlement, par le nouveau Gouvernement, d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.
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proposition de loi
Article 1er
Après l’article 4 septies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 octies ainsi rédigé :
« Art. 4 octies. – Les présidents des assemblées parlementaires et les présidents de leurs commissions permanentes ont chacun intérêt pour agir en cette seule qualité, par la voie du recours pour excès de pouvoir, contre les actes mentionnés aux 1° à 5° du II de l’article 5 quater lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes dans les conditions prévues au I du même article 5 quater. »
Article 2
Après l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 5 quater ainsi rédigé :
« Art. 5 quater. – I. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés des mesures prises lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes après que le Président de la République a accepté la démission du Gouvernement ou lorsque l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure ou désapprouvé le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement.
« II. – Le Gouvernement transmet sans délai à l’Assemblée nationale et au Sénat copie des actes suivants pris pendant cette période :
« 1° Les ordonnances du Président de la République et les décrets ;
« 2° Les actes réglementaires et individuels des ministres ainsi que leurs circulaires et leurs instructions de portée générale ;
« 3° Les décrets du Président de la République pris en vertu du troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 58‑1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État ;
« 4° Les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ;
« 5° Les décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État.
« Il les informe sans délai des déplacements, des conférences de presse et des communiqués de presse ministériels tenus ou diffusés pendant cette période.
« L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
« III. – Dans un délai de deux mois à compter de la nomination des membres d’un nouveau Gouvernement, ce dernier remet au Parlement un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.
« Ce rapport dresse la liste des mesures mentionnées au 1° à 5° du II du présent article et des éventuels recours contentieux formés à leur encontre ainsi que des déplacements, des conférences de presse et des communiqués de presse mentionnés à l’avant‑dernier alinéa du même II. »