N° 1076
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre le harcèlement en ligne en interdisant l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Corentin LE FUR,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le cyberharcèlement est un fléau. Dans une société hyperconnectée où les écrans sont omniprésents et où la déconnexion demande un effort constant, il devient impératif de se doter d’un cadre juridique permettant de limiter au maximum le harcèlement en ligne.
Si le harcèlement a toujours existé, l’essor d’Internet et, plus encore, le développement des réseaux sociaux au cours des quinze dernières années, lui a donné une ampleur inédite. Aujourd’hui, injures, calomnies et menaces y sont proférées de façon massive et continue, favorisant une violence d’autant plus insidieuse qu’elle s’exerce à distance et souvent sous couvert d’anonymat.
Autrefois, le domicile était un sanctuaire, garantissant à chacun une protection contre les agressions extérieures. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les réseaux sociaux prolongent le harcèlement au‑delà de la sphère physique : il ne cesse ni pour les adultes ni, plus gravement encore, pour nos enfants. Là où autrefois il se cantonnait aux cours de récréation, l’harceleur poursuit désormais ses victimes jusque dans l’intimité de leur foyer.
En 2024, plus de 50 millions de Français, soit près de 80 % de la population, étaient inscrits sur au moins un réseau social. Plus encore, les Français y consacrent en moyenne 1 heure et 48 minutes par jour, soit plus de 90 % de leur temps de navigation sur Internet. Ces plateformes, plébiscitées pour garder le lien avec ses proches et pour s’informer, sont aussi le théâtre d’une violence numérique grandissante.
Derrière un écran, et a fortiori derrière un pseudonyme, certains utilisateurs se désinhibent : ils insultent, menacent et diffament en toute impunité. Certes, l’anonymat absolu sur Internet n’existe pas, et les forces de l’ordre peuvent, dans la plupart des cas, identifier les auteurs d’infractions. Mais en l’absence de plainte, les harceleurs profitent d’un sentiment de toute‑puissance qui peut conduire leurs victimes à l’isolement, à la dépression, voire, tragiquement, au suicide.
Dès lors, la question de l’utilisation des pseudonymes sur les réseaux sociaux doit être posée. Si se doter d’un pseudonyme ne signifie pas en soi être un harceleur, il n’en demeure pas moins que l’anonymat facilite ces comportements et complique leur sanction.
Afin de mieux protéger les utilisateurs des réseaux sociaux, le présent texte vise donc à interdire l’utilisation de pseudonymes sur ceux‑ci.
À cette fin, son article unique rend obligatoire la présentation d’un document d’identité en cours de validité lors de l’inscription sur un réseau social. L’accès au service ne sera validé qu’après vérification de la correspondance entre l’identité déclarée et celle figurant sur le document fourni.
Enfin, cet article prévoit que le non‑respect de cette obligation sera puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende, ce montant étant majoré en cas de récidive.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article unique
L’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par un VII ainsi rédigé :
« VII. – A. – L’utilisation de tout service de réseaux sociaux en ligne dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’il soit ou non établi sur le territoire français, est conditionnée à la fourniture, par tout utilisateur, d’un titre d’identité en cours de validité. Avant de permettre l’accès au service, le contrôleur d’accès vérifie que l’identité choisie pour utiliser le service de réseaux sociaux en ligne correspond à celle inscrite sur le titre d’identité fourni.
« B. – Tout manquement aux obligations mentionnées au A du présent VII est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.
« Lorsque l’infraction prévue au premier alinéa du présent B est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 6 % de son chiffre d’affaires mondial hors taxes pour l’exercice précédant la sanction. »