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N° 1088
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la protection des mineurs en ligne et la lutte contre la pédocriminalité,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Alexandra MARTIN, M. Jean-Pierre TAITE, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Josiane CORNELOUP, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, M. Laurent MAZAURY, M. Pierre CORDIER, Mme Sylvie BONNET, Mme Christelle PETEX, M. Eric LIÉGEON, M. Michel HERBILLON, M. Ian BOUCARD, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, M. Olivier MARLEIX, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Jean-Michel JACQUES, M. Paul MIDY, M. Hubert BRIGAND, Mme Sylvie DEZARNAUD, M. Charles DE COURSON, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-Carles GRELIER, M. Vincent JEANBRUN, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Salvatore CASTIGLIONE, Mme Perrine GOULET, M. Alexandre PORTIER, M. Joël BRUNEAU, M. François-Xavier CECCOLI, M. Fabrice BRUN, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Maud PETIT, Mme Sandrine JOSSO, Mme Annie VIDAL, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Romain DAUBIÉ, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Jean-Didier BERGER, M. Philippe GOSSELIN, M. Hubert OTT, Mme Julie DELPECH,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’espace numérique, bien qu’offrant de nombreuses opportunités, présente aussi des dangers. Les jeunes, plus que jamais, y occupent une place centrale. Les réseaux sociaux deviennent pour eux des lieux d’expression, de partage et de rencontre. Dans ce monde virtuel, ils échangent des images, des vidéos, des mots, souvent avec une spontanéité qui les rend vulnérables.
Si les plateformes leur offrent une liberté d’être et de se découvrir, elles les exposent également à des dangers insidieux, dont les atteintes à leur intimité en ligne. Ces actes, parfois invisibles mais toujours violents, prennent des formes multiples et variées : la diffusion de contenus intimes, les deepfakes à caractère sexuel, les harcèlements numériques, ou encore les extorsions, bien souvent liés à l’isolement ou à la naïveté d’une jeunesse en quête de reconnaissance.
Ce phénomène, en forte croissance, trouve ses racines dans une évolution inquiétante de la cybercriminalité. Un phénomène qui, aujourd’hui, n’est plus l’apanage de délinquants chevronnés, mais qui s’est démocratisé, porté par des outils technologiques toujours plus puissants, comme les intelligences artificielles génératives. L’enjeu est désormais global : il touche non seulement les jeunes eux‑mêmes, mais aussi l’ensemble de notre société qui se trouve face à un défi majeur en matière de sécurité et de droits humains.
Les violences qui se jouent dans cet univers numérique ne sont pas sans conséquences : elles façonnent une réalité où les jeunes filles, particulièrement, se retrouvent exposées à des risques de vulnérabilité extrême. Ces actes malveillants engendrent des souffrances durables, parfois même une dérive vers des formes de prostitution et d’exploitation sexuelle. Ce phénomène, devenu un véritable fléau, trouve un écho dans les résolutions internationales, comme celle des Nations Unies, qui appellent à une intensification de la protection des femmes et des filles dans l’environnement numérique.
Cependant, malgré les efforts accomplis par certains pays et acteurs du numérique pour répondre à cet enjeu, la question de la protection des mineurs en ligne reste largement insuffisante. Il ne s’agit plus simplement de lutter contre une forme de délinquance, mais de repenser en profondeur les dispositifs législatifs, les mesures de prévention et l’éducation des jeunes, afin de leur offrir une sécurité renforcée dans ce monde virtuel.
Une législation consolidée, une vigilance accrue face aux évolutions technologiques et une meilleure éducation à la vie affective et numérique sont des priorités urgentes pour répondre à cette problématique. Il est grand temps de protéger ceux qui sont les plus fragiles et les plus exposés dans cette ère numérique.
Aussi, cette proposition de loi reprend les recommandations formulées par la Fondation de l’enfance dans son rapport sur « L’IA générative, nouvelle arme de la pédocriminalité » d’octobre 2024 et de la Commission Nationale des droits de l’homme dans son avis du 23 janvier 2025 sur la protection de l’intimité des jeunes en ligne.
Ainsi, l’article 1er prévoit une aggravation des peines lorsque les infractions sont commises à l’encontre d’un mineur de moins de 15 ans. Cette sanction est encore alourdie si les faits sont perpétrés dans le cadre d’une bande organisée, accentuant ainsi la gravité des délits en fonction de la nature de l’infraction et de la vulnérabilité de la victime.
L’article 2 incrimine la création d’un deepfake à caractère sexuel, en plus de la diffusion de tels contenus, lorsqu’ils sont réalisés sans le consentement de la personne concernée.
Il interdit également la création et la diffusion de deepfakes à caractère sexuel impliquant des mineurs de moins de 15 ans. De plus, il prévoit une aggravation de la peine lorsque la victime est mineure, en conformité avec l’article 227‑23 du code pénal.
L’article 3 crée une sanction spécifique pour la création, la diffusion ou partage de contenu sexuel généré par traitement algorithmique, lorsqu’il représente un mineur. Cette mesure a pour but de lutter contre l’exploitation des jeunes à travers les technologies numériques, en particulier dans un contexte où l’usage d’outils automatisés permet la production rapide et massive de tels contenus.
L’article 4 criminalise l’envoi non sollicité d’images ou de vidéos représentant des organes génitaux. Cette mesure vise à mettre fin aux pratiques de harcèlement sexuel par voie numérique, en sanctionnant sévèrement ceux qui imposent des contenus à caractère sexuel sans le consentement de la personne destinataire.
Enfin, l’article 5 pénalise la création et la mise à disposition de modèles d’Intelligence Artificielle générative destinés à générer des contenus pédocriminels.
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proposition de loi
Article 1er
L’article 312‑10 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un mineur de quinze ans. Elles sont portées à douze ans d’emprisonnement et à un million d’euros d’amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée. »
Article 2
Le premier alinéa de l’article 226‑8‑1 du code pénal est ainsi modifié :
1° La seconde phrase est ainsi modifiée :
a) Au début, les mots : « Est assimilé » sont remplacés par les mots : « Sont assimilés » ;
b) Le mot : « puni » est remplacé par le mot : « punies » ;
c) Les mots : « le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers » sont remplacés par les mots : « la création, la production, la diffusion ou la mise à disposition » ;
2° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le délit prévu au précédent alinéa concerne une personne mineure, les peines encourues sont celles prévues à l’article 227‑23. »
Article 3
L’article 227‑23 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de concevoir, de créer, de diffuser ou de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, tout montage, contenu visuel ou sonore à caractère sexuel généré par un traitement algorithmique tel que visé au premier alinéa de l’article 226‑8‑1 est puni de sept ans d’emprisonnement et de 350 000 euros d’amende lorsqu’il s’agit de la représentation, de l’image ou de la parole d’un mineur. »
Article 4
Après l’article 226‑8‑1 du code pénal, il est inséré un article 226‑8‑2 ainsi rédigé :
« Art. 226‑8‑2. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait d’envoyer, par tout moyen de communication électronique, ou tout autre support permettant la transmission à distance d’informations, une image ou une vidéo représentant l’organe génital d’une personne sans que celle‑ci ait donné son consentement explicite et préalable.
« Lorsque le délit prévu au premier alinéa est commis à l’encontre d’une personne mineure, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. »
Article 5
La section 5 du chapitre VI du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 226‑25 ainsi rédigé :
« Art. 226‑25. – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende le fait de collecter, détenir, traiter ou détourner des données à caractère personnel, afin de créer, générer ou mettre à disposition du public ou de tout tiers un modèle de traitement algorithmique, dans le but de permettre la création de contenu visuel ou sonore à caractère sexuel représentant un mineur, et de tout fichier à caractère pédopornographique. »