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N° 1126

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à réaffirmer et à renforcer la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les environnements sociaux défavorisés,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Mélanie THOMIN, M. Joël AVIRAGNET, Mme Béatrice BELLAY, M. Laurent BAUMEL, M. Fabrice BARUSSEAU, M. Mickaël BOULOUX, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, Mme Céline HERVIEU, Mme Chantal JOURDAN, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Claudia ROUAUX, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, M. Hervé SAULIGNAC, M. Thierry SOTHER, M. Roger VICOT, M. Gabriel AMARD, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Farida AMRANI, M. Jean-Pierre BATAILLE, Mme Françoise BUFFET, M. Pierre-Yves CADALEN, Mme Gabrielle CATHALA, M. Mickaël COSSON, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, M. Moerani FRÉBAULT, M. Damien GIRARD, M. Maxime LAISNEY, M. Corentin LE FUR, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, M. Emmanuel MAUREL, M. Paul MOLAC, M. Hubert OTT, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Maud PETIT, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, M. Nicolas RAY, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Eva SAS, Mme Danielle SIMONNET, M. David TAUPIAC, M. Matthias TAVEL, M. Boris TAVERNIER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, M. Paul VANNIER, M. Stéphane VIRY, M. Lionel VUIBERT,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2023, le président Emmanuel Macron affirmait à Marseille sa volonté de renforcer la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les quartiers d’éducation prioritaire. Cette annonce contraste cependant avec la baisse continue des moyens alloués à ces dispositifs depuis 2017 et la chute des effectifs d’enfants concernés. À la rentrée 2020, le taux de scolarisation des enfants de deux ans était de 9,4 % ([1]), tandis qu’en 2000 près de 35 %[2] des enfants de moins de trois ans étaient scolarisés.

Depuis la loi du 26 juillet 2019, l’instruction obligatoire débute à trois ans, abaissant ainsi l’âge de six à trois ans pour garantir un accès précoce à l’éducation. Toutefois, le code de l’éducation prévoit que, lorsque les capacités d’accueil des écoles le permettent, les enfants âgés de deux ans peuvent également être admis.

La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 avait affirmé cette priorité, en prévoyant spécifiquement l’accueil des enfants dès deux ans dans les zones sensibles, qu’elles soient urbaines, rurales ou ultramarines. Cette mesure est inscrite dans le code de l’éducation, à son article L. 113‑1, qui précise que ces enfants « peuvent être accueillis à l’école dès l’âge de deux ans révolus » et qu’ils doivent être comptabilisés dans les prévisions d’effectifs d’élèves pour la rentrée.

Or, dans la réalité des faits, force est de constater que cette prise en compte est trop souvent négligée et contournée par les services académiques départementaux, particulièrement dans les écoles communales classées en zone de revitalisation rurale.

Les conséquences du non‑respect de ces dispositions légales sont dramatiques : dans de nombreuses communes rurales, la non‑comptabilisation des enfants de moins de trois ans entraîne des fermetures de classes injustifiées. Il n’est pas rare que les communes rurales voient leur école amputée d’une classe, après que les services académiques aient exclusivement comptabilisé les enfants de plus de trois ans, en ignorant la classe d’âge de deux à trois ans.

Par exemple, l’école Julie Daubié à Saint‑Ségal, dans le Finistère, a vu une classe fermer en raison du refus des services académiques de comptabiliser treize enfants de moins de trois ans. Si ces enfants avaient été pris en compte, la classe aurait pu être maintenue.

La démission du maire de Plussulien, dans les Côtes‑d’Armor, en septembre dernier est aussi symptomatique de l’abandon des services publics dans nos territoires ruraux. A trois jours de la rentrée scolaire de septembre 2024, cet élu demeurait dans l’incertitude quant à la fermeture de classe qui menaçait son école communale, en raison de la non‑comptabilisation des enfants de moins de trois ans. Il ne sera prévenu de cette fermeture qu’à la veille de la rentrée. Epuisé d’être ainsi traité, il finira par démissionner de son mandat, à la suite de cet évènement.

Si la loi, telle qu’elle est formulée, était rigoureusement appliquée, cela permettrait d’atténuer la litanie des fermetures de classes dans les écoles rurales, déjà lourdement impactées par la disparition progressive du service public.

Au‑delà de l’impact sur les écoles, le désavantage pour les enfants est évident. La scolarisation précoce favorise leur socialisation et leur développement moteur, langagier et intellectuel. Elle permet également de réduire les inégalités sociales dès le plus jeune âge, en offrant à chacun et chacune des opportunités égales. Cette mesure favorise la socialisation de l’enfant et facilite le passage de l’environnement familial à l’environnement scolaire.

Dans les zones rurales, où les familles sont contraintes par l’éloignement des structures éducatives et les difficultés d’accès aux services de garde d’enfants (absence de crèches, pénurie d’assistantes maternelles, etc…), la scolarisation des enfants de moins de trois ans revêt un rôle essentiel et permet de simplifier le quotidien des parents. Cette politique contribue à gommer les inégalités géographiques.

Pour préserver nos écoles rurales et garantir l’égalité, il est urgent de s’assurer que les enfants de moins de trois ans soient rigoureusement pris en compte dans les prévisions d’effectifs scolaires. Garantir, à travers la loi, la scolarisation des tout‑petits dans les zones rurales et les quartiers populaires, c’est œuvrer pour une véritable justice sociale et redonner du sens à la promesse de l’École républicaine.

La mise en œuvre d’une véritable politique d’inclusion des tout‑petits au sein de l’école est nécessaire. Porter cette volonté représente une opportunité éducative et sociale majeure, qui permettra d’engager un rééquilibrage territorial attendu et de reconsidérer des territoires trop souvent délaissés.

Garantir cette prise en compte, c’est non seulement offrir une éducation de qualité aux plus jeunes, mais également protéger le tissu scolaire et social des zones rurales et des quartiers populaires. Cette proposition de loi porte, ainsi, une ambition éducative majeure.

Cette proposition de loi comporte deux articles :

Ainsi, l’article 1er vise à modifier l’article L. 113‑1 du code de l’éducation afin de réaffirmer et de garantir un droit effectif à la scolarisation pour tous les enfants âgés de deux ans révolus au jour de la rentrée scolaire, dès lors que leurs tuteurs légaux en font la demande. Pour ce faire, il substitue à la rédaction actuelle, jugée trop floue et laissant une marge d’interprétation aux services académiques, une formulation plus précise afin d’assurer pleinement l’effectivité de ce droit.

Cette disposition concerne en priorité les enfants évoluant dans un environnement social défavorisé, qu’ils résident dans une zone urbaine, rurale, de montagne ou dans une région d’outre‑mer. Cet article accorde une attention particulière aux enfants vivant dans les territoires classés en Réseau d’éducation prioritaire et en zones France Ruralités Revitalisation.

En outre, cet article réaffirme et renforce l’obligation pour les services académiques d’assurer une comptabilisation précise et effective de tous les enfants de moins de trois ans dans les prévisions d’effectifs d’élèves pour la rentrée, une exigence qui n’est aujourd’hui pas systématiquement respectée.

L’article 2, lui, gage les dépenses résultant, pour l’État et les collectivités territoriales, de l’application de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

I. – L’article L. 113‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est ainsi rédigée : « Les services académiques s’assurent que cet accueil soit possible et garanti pour tous les enfants de deux ans révolus au jour de la rentrée scolaire, qui résident dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales, de montagne, dans les régions d’outre‑mer, et particulièrement en zones classées réseau d’éducation prioritaire et en zones France ruralités revitalisation. » ;

b) La dernière phrase est supprimée ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– au début, les mots : « Dans ces classes et ces écoles, » sont remplacés par les mots : « Les services académiques veillent à ce que tous » ;

– le mot : « sont » est remplacé par les mots : « soient précisément et justement » ;

b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :

– le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;

– à la fin, les mots : « réunissant des enfants relevant de l’enseignement préélémentaire et élémentaire » sont remplacés par les mots : « de toute petite section ou de petite section » ;

c) À la dernière phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;

3° À la première phrase de l’avant‑dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois ».

II. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.

Article 2

I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


([1])  Bilan des mesures éducatives du quinquennat - Sénat

([2])  https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383587