N° 1136

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un moratoire sur les projets de fermes aquacoles de saumons à circuit fermé,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Damien GIRARD, Mme Eléonore CAROIT, M. Corentin LE FUR, M. Stéphane BUCHOU, M. Paul MOLAC, Mme Sandrine LE FEUR, M. Olivier FALORNI, M. Hubert OTT, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Murielle LEPVRAUD, M. Peio DUFAU, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Benoît BITEAU, Mme Corinne VIGNON, M. Mickaël BOULOUX, M. Stéphane HABLOT, Mme Karine LEBON,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France est un des pays les plus consommateurs de saumons au monde. Sur la seule année 2021, les Français en ont consommé près de 270 000 tonnes ([1]). Or la production française (3 000 tonnes par an ([2])), ne permet pas de répondre à cette demande puisque la température des eaux est trop élevée pour pouvoir assurer la totalité du grossissement de ces poissons tout au long de l’année. Le saumon consommé en France est de ce fait quasiment entièrement issu d’importations étrangères, dont 43 % ([3]) de ces importations proviennent de Norvège où les eaux sont plus froides. Avec plus de 200 000 tonnes importées en 2022, la France est le deuxième importateur mondial en volume de saumons ([4]).

La Norvège, premier exportateur mondial, voit de son côté ses ventes exploser (+12 % en 2023 par rapport à 2022 ([5])), à tel point que le pays envisage aujourd’hui de tripler sa production annuelle en 2050. Pourtant, les conditions écologiques et sanitaires des élevages norvégiens sont catastrophiques : les poissons y sont majoritairement entassés à des densités extrêmes dans de gigantesques cages marines, et ces poissons grands migrateurs se retrouvent donc réduits à vivre dans des espaces infimes jusqu’au terme de leur grossissement. Les poissons tombent malades, les parasites tels que les poux de mer se développent, les poissons se mutilent, et les perturbateurs endocriniens s’accumulent dans l’organisme. Ces conditions déplorables conduisent alors à des épisodes de mortalité de masse : en 2023, près d’un saumon sur six est mort prématurément dans les élevages norvégiens ([6]), soit environ 200 millions ([7]). Tout ceci pose donc également une question de santé publique puisque les poissons consommés sont pour beaucoup malades ou contaminés par des substances polluantes. Et ce d’autant que ces conditions sanitaires sont les mêmes dans les autres principaux producteurs mondiaux tels que le Chili, le Royaume‑Uni et le Canada.

La propagation des pollutions et des maladies dans ces élevages entraîne aussi un grave problème de mortalité pour les saumons sauvages. Sur les 20 dernières années, la population des saumons sauvages de Norvège a diminué de moitié, nous enseigne une étude d’une ONG Norvégienne ([8]). Face à ce terrible constat, l’agence norvégienne pour l’environnement multiplie les mises en gardes et les restrictions de pêche du saumon sauvage, impactant directement l’activité des pêcheurs locaux qui deviennent la variable d’ajustement d’un système dominé par l’industrie de l’aquaculture. En outre, la quantité de saumon élevés est passée de 160 000 tonnes en 1990 à près de 600 000 tonnes en 2006 soit une augmentation de 375 %. Sur la même période, le nombre d’emplois dans la pêche a quant à lui diminué de 54 %, passant de 20 475 à 11 060.

Face aux problèmes sanitaires, environnementaux et de bien‑être animal que pose l’élevage de saumons dans les eaux naturelles à l’étranger et face à l’augmentation de la consommation, les industriels de l’aquaculture ont donc développé l’élevage de saumons dans des bassins terrestres et ont très vite repéré une opportunité économique en France. Ces derniers prétendent « produire français » et cherchent à installer des exploitations d’élevage en RAS (Recirculating Aquaculture Systems ou Système d’Aquaculture en Recirculation en français) qui permettent de passer outre la contrainte de l’élevage en cages marines, en maintenant les saumons dans des bassins situés en pleine terre de la naissance à l’abattage. Cette technique d’élevage n’est pourtant pas encore totalement maîtrisée et présente des inconvénients majeurs particulièrement inquiétants. Deux de ces projets sont aujourd’hui en cours d’installation en France : Pure Salmon en Gironde, et Local Ocean dans le Pas‑de‑Calais qui a obtenu une autorisation ICPE ([9]) de la préfecture le 14 février 2024. Ces projets présentent de forts enjeux environnementaux et menacent la filière conchylicole française.

En effet, les élevages en RAS menacent les écosystèmes par l’évacuation d’importantes quantités d’eaux usées du fait des rejets des poissons. Ces rejets sont déversés en milieu naturel où d’autres espèces de poissons vivent, les menaçant directement. Un rapport de FranceAgriMer ([10]) estime ces rejets à « 5 000 tonnes de boues à 30 % de siccité […], 500 tonnes d’azote et 80 tonnes de phosphore » pour une aquaculture de 10 000 tonnes de saumons par an. Ce même rapport démontre qu’à titre d’exemple, pour traiter les effluents d’un élevage qui produit 10 000 tonnes de saumons, il faudrait l’équivalent d’une station d’épuration dimensionnée pour 60 000 à 100 000 habitants. Le projet Local Ocean a indiqué que son ambition est de produire 40 000 tonnes à horizon 2030. Or, à ce jour, il n’existe aucune étude scientifique indépendante française qui quantifie les impacts des rejets en milieu naturels pour de telles quantités. Quant au projet Pure Salmon, les rejets de boues non réutilisables et non retraitables qu’il implique se feraient dans le parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et les Pertuis Charentais qui est une zone classée et protégée par plusieurs dispositions réglementaires nationales et européennes (zone Natura 2 000, zone ZNIEFF 1 et 2, zone Zico).

Ces projets, par leurs rejets, constituent également une menace pour le secteur conchylicole. Ainsi, le projet de Pure Salmon, envisagé en pleine zone ostréicole, mettrait directement en danger les producteurs à proximité : certains font part de leur inquiétude sur l’installation de cette usine, qui serait un « précédent lamentable et dangereux » pour l’ensemble du secteur d’après Philippe Lucet, ostréiculteur ([11]). D’autant que le secteur de la culture d’huîtres françaises fait face à beaucoup de difficultés depuis plusieurs années, en particulier à cause de la pollution de l’eau, principale responsable de la contamination d’huîtres par des norovirus, issus de matières fécales, responsable d’épidémies de gastro‑entérites après consommation des huîtres contaminées. Des épisodes de contamination se sont répétés entre 2018 et 2023, et plusieurs bassins ostréicoles ont alors dû cesser leur production pendant plusieurs semaines partout en France (bassin d’Arcachon, Calvados, Manche, Vendée…). D’après le Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA), les pertes se sont chiffrées entre 7 et 11 millions d’euros pour le seul bassin d’Arcachon, ce qui équivaut à une perte de 20 % à 30 % du chiffre d’affaires. Ces crises aboutissent à une perte de confiance des consommateurs ce qui se traduit par une baisse de 40 % à 60 % de la commercialisation des huîtres françaises, quel que soit leur lieu de production, même si le bassin dans lequel elles sont produites n’a en aucun cas été concerné par les contaminations. En augmentant pollution et risques de contamination, l’installation d’un élevage intensif tel que le projet de Pure Salmon pourrait donc sérieusement nuire à l’image de toute la production ostréicole française.

Les rejets de ces élevages en RAS poseraient aussi des problèmes de réchauffement des eaux. Les émissions d’azote et de phosphore entraîneraient un phénomène d’eutrophisation des eaux environnantes, ce qui laisserait place à la prolifération d’algues. Comme nous pouvons malheureusement l’observer en Bretagne, la prolifération d’algues est extrêmement nocive pour les écosystèmes environnants, ainsi que pour la santé humaine.

De plus, selon la société Local Ocean ([12]), son projet rejetterait 156 000 m3 d’eau plus chaude (jusqu’à +8° C) par jour, ce qui équivaut au volume de 156 châteaux d’eau. Le réchauffement des eaux est aussi problématique pour les exploitations conchylicoles puisque la hausse de la température acidifie le milieu, ce qui a pour conséquence de fragiliser les coquilles des huîtres et des moules. La hausse de la température de l’eau favorise également le développement de certains prédateurs, comme dans la Manche où les araignées de mer envahissent les côtes et deviennent les principales responsables de la chute de 50 % à 80 % de la production sur certaines exploitations de moules de bouchot. La mytiliculture serait alors particulièrement touchée. Les mytiliculteurs situés sur la commune du Portel, où le projet a prévu de s’implanter, auraient des raisons légitimes de s’inquiéter pour leurs exploitations.

D’après les chiffres du ministère de la Transition écologique ([13]), la conchyliculture regroupe 2 294 entreprises et emploie près de 18 300 personnes en France. Ce secteur appartient pleinement au patrimoine des zones côtières françaises. Avec les difficultés qui existent aujourd’hui, les producteurs disent eux‑mêmes ne pas recommander la profession à leurs enfants. Il est donc devenu urgent de les protéger et de leur donner des garanties économiques. Cette seule raison, en plus des dégâts qui seraient potentiellement causés à l’environnement, nous conduit à considérer qu’il est raisonnable d’empêcher dès aujourd’hui l’installation des fermes aquacoles de saumons en RAS.

Par ailleurs, l’argument en faveur de la souveraineté française n’est pas pertinent puisque les industriels sont aussi dépendants d’importations pour produire. Tout d’abord, les œufs proviendraient de l’étranger (en provenance d’Islande[14] pour les deux projets). Ensuite, le saumon étant un poisson carnivore, il nécessite un modèle d’alimentation basé sur l’apport en protéines animales marines pour pouvoir se développer. Ainsi, élever des saumons en très grande quantité exige d’énormes apports d’intrants animaux d’origine marine, ce qui en fait une exploitation largement dépendante de la pêche minotière qui consiste à pêcher des petits poissons pélagiques destinés à être transformés en huile ou en farine. À titre d’exemple, la Norvège a importé 91,7 % ([15]) de ces ingrédients parmi les 1 976 709 tonnes qu’elle a utilisées ([16]). Comment les élevages français réussiraient là où la Norvège, leader mondial, échoue à être autosuffisante en la matière ? De plus, les ingrédients précités (intrants) sont majoritairement pêchés dans les eaux de l’Afrique de l’Ouest ([17]). La Norvège pêche et importe chaque année 2 millions de tonnes de poissons pélagiques sauvages, dont 123 000 à 144 000 tonnes venant des eaux de l’Afrique de l’Ouest ([18]). Les scientifiques estiment que 90 % de ces poissons pourraient servir directement à la consommation humaine ([19]) et couvrir ainsi l’équivalent des besoins annuels en alimentation de 2,5 à 4 millions de personnes localement, soit plus que la seule population de la Gambie (2,7 millions), au lieu de fournir l’aquaculture norvégienne.

En plus de ces enjeux socioéconomiques majeurs, l’implantation d’élevages en RAS aurait des impacts environnementaux sans précédent.

Ainsi, pour les besoins d’un seul saumon d’élevage, il faut pêcher jusqu’à 440 poissons sauvages ([20]). La filière industrielle va même jusqu’à exploiter des espèces telles que le krill d’Antarctique qui sont des puits de carbone et sur lesquelles reposent des écosystèmes entiers, tout cela afin de l’utiliser comme additif alimentaire ou comme colorant, notamment pour rendre la chair des saumons plus ou moins rose. Ainsi 1 200 milliards ([21]) d’animaux aquatiques par an sont victimes de la pêche minotière. Pour diminuer la pression sur les écosystèmes marins, l’industrie salmonicole mondiale tend à réduire sa dépendance à la pêche minotière, notamment en végétalisant l’alimentation de ces poissons. Cette solution a de sérieuses limites puisque la végétalisation excessive peut être source de malêtre ([22]) pour les saumons génétiquement indisposés à ce régime d’une part, et participe activement à la déforestation de l’Amazonie d’autre part ([23]) puisque le saumon d’élevage est le deuxième plus gros consommateur de soja après le poulet, et la culture de soja pour l’alimentation animale est l’un des principaux moteurs de la déforestation en Amazonie.

Dans l’autorisation ICPE de la préfecture du Pas‑de‑Calais pour le projet Local Ocean, il est mentionné que “la population est actuellement satisfaite par des produits d’élevage issus de l’importation, générant des émissions de gaz à effet de serre conséquentes et nuisibles à l’environnement”. L’argument du « produire local » est alors brandi pour justifier l’installation de ce type de projet. Pourtant, d’après l’Ademe ([24]), le transport ne représente que 8,4 % de l’empreinte carbone totale du saumon et que, toujours selon cette même étude, c’est la production de ce qui sert à leur alimentation qui est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à 79,6 %. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme la Préfecture du Pas‑de‑Calais, ce type d’élevage augmenterait in fine les émissions de GES, par les volumes d’alimentation nécessaires à leurs objectifs de production démentiels, et par l’encouragement à une consommation de saumons encore accrue chez les Français.

Par ailleurs, l’entassement des poissons dans ces bassins serait une catastrophe pour le bien‑être animal. « Il y a un dicton qui dit qu’en RAS, il faut tuer un million de poissons avant de savoir ce que l’on fait » selon Ohad Maiman, PDG de l’entreprise The Kingfish company, pionnière en matière de RAS. Ce type d’élevage rend la survie des poissons dépendante du bon fonctionnement perpétuel des divers équipements de maintien de la qualité de l’eau. Cette situation crée une vulnérabilité structurelle : la moindre défaillance des équipements peut engendrer un épisode de mortalité de masse, comme cela a été le cas à plusieurs reprises (on peut citer par exemple la mort de 600 000 saumons dans un élevage RAS d’Atlantic Sapphire à Miami en mars 2021 ([25]), ou encore de 100 000 saumons dans une ferme de Sustainable Blue au Canada ([26]) etc.). Les futurs élevages en RAS français prévoient de produire à terme près de 40 000 tonnes par an alors qu’actuellement, dans le monde, la production moyenne de saumons en RAS avoisine les 2 000 tonnes par an (quantité moyenne produite par l’élevage Atlantic Sapphire au Danemark), ce qui laisse une idée de la taille colossale de ces projets qui n’existent encore nulle part ailleurs dans le monde. S’ils viennent à se réaliser, la France serait la première à mettre en place des élevages de ce type à une taille aussi grande. C’est dans ces conditions que les projets français prévoient des densités d’au moins 80 kg/m³ d’après les communications des industriels (91 kg/m3 pour Pure Salmon ([27])). Pourtant, un rapport commandité par le Conseil consultatif en aquaculture (CCA) à propos du bien‑être animal en pisciculture énonce à propos des saumons atlantique que le bien‑être de ces derniers commence à se détériorer à partir d’un intervalle de densité allant de 10 à 20 kg/m³ ([28]), ce qui laisse présager sans nul doute une généralisation de la souffrance de ces animaux confinés si nombreux dans des espaces si restreints (133 à 267 poissons / m3 quand les poissons pèsent 300 grammes et 8 à 16 poissons / m3 lorsqu’ils pèsent 5 kilogrammes ([29])). Or, les saumons souffriraient considérablement de cette situation puisque ce sont des êtres sentients capables de ressentir la douleur consciemment d’après des études scientifiques ([30]). D’ailleurs, les droits français et européen sont peu protecteurs du bien‑être des poissons d’élevage : la densité et la qualité de l’eau ne sont pas strictement réglementées ([31]). Avec des concentrations de poissons aussi élevées, les besoins en eau et en énergie seraient par ailleurs colossaux et les rejets en effluents nauséabonds considérables, constituant ainsi une menace majeure pour l’environnement.

Concernant les besoins en énergie, à l’heure où la priorité devrait être la sobriété énergétique, toutes les pratiques consistant au renouvellement de l’eau (l’oxygénation, le maintien du pH de l’eau, les courants, la température, la luminosité, la salinité, le nettoyage des fèces et la distribution de l’alimentation) demandent de l’énergie 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La consommation électrique pour ce type d’installation peut aller jusqu’à environ 100 GWH/an ([32]), soit l’équivalent d’une ville de 39 215 habitants ([33]) pour une production de 8 500 tonnes/an. Mais si l’on calcule la consommation de ces élevages s’ils atteignaient une capacité à 40 000 tonnes/an comme annoncé par Local Ocean, la consommation électrique serait de 531 GWh/an, soit l’équivalent d’une ville de plus de 208 000 habitants ([34]) ! De plus, l’approvisionnement en eau douce prévu par les projets Local Ocean et Smart Salmon se ferait par désalinisation de l’eau de mer, une technique très coûteuse et énergivore, ce qui compromettrait la rentabilité des exploitations si elles ne prévoient des seuils de production assez élevés, encourageant ainsi la densification et l’entassement des salmonidés.

Concernant les besoins en eau, pour des objectifs de production assez semblables, les industriels annoncent des besoins en eaux qui interrogent en raison des écarts annoncés selon les projets en cours : pour le projet Local Ocean dans le Pas‑de‑Calais, l’exploitant annonce un besoin de 24 000 m³ de besoins en eau quotidiens, alors que le projet Pure Salmon en Gironde annonce lui un besoin de 7 000 m³, quand l’ancien projet de Smart Salmon (Côtes‑d’Armor) aujourd’hui abandonné nous annonçait une consommation de 600 m³. Qui croire ? Malgré la restitution de la grande majorité de l’eau pompée, le pompage en eau augmente la pression sur les ressources hydriques dans le contexte que nous connaissons où les sécheresses sont de plus en plus intenses et fréquentes. Le saumon commençant sa vie en eaux douces et la finissant en eaux salées, il a besoin des deux types d’eaux pour se développer en fonction de son stade de développement. Pour cela, les projets en RAS prévoient de prélever de l’eau directement depuis les bords de mers ou d’eau saumâtre pompée dans une nappe superficielle, ce qui est le cas du projet Pure Salmon en Gironde. Pour ce projet précis, les autorités locales en charge de la gestion de l’eau (commission locale de l’eau, Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau) ont identifié des risques ([35]) liés au pompage de cet aquifère, notamment celui que le pompage provoque une fracturation de la couche séparant une nappe d’eau potable à celle contenant l’eau saumâtre, entraînant une salinisation de la première. Les autorités susmentionnées ont donc émis un avis défavorable au projet en l’absence de réponse de la part de l’exploitant sur ce point.

Enfin, pour assurer des conditions d’élevages dignes et respectueuses de la santé des consommateurs, le règlement UE 2018/848 interdit déjà le recours aux systèmes de recirculation en circuit fermé sur les productions aquacoles en bio. Il est donc opportun d’éviter que ce type d’élevage ne s’installe quand c’est encore possible.

Pour toutes ces raisons, et parce que les élevages des fermes aquacoles de saumons en RAS pourraient provoquer des dégâts irréversibles, il convient, en vertu du principe de précaution ([36]), d’instaurer un moratoire sur ces projets afin de déterminer quelles seraient les répercussions sur l’environnement et pour le marché de l’aquaculture française.

Par conséquent, l’article unique de cette proposition de loi prévoit de mettre en place un moratoire sur les installations aquacoles destinées à la consommation qui réalisent la totalité du grossissement des saumons dans un système de recirculation à circuit fermé.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

I. – Il est instauré un moratoire sur la délivrance des autorisations environnementales prévues aux articles L. 181‑1 à L. 181‑4 du code de l’environnement pour les élevages de saumons dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à circuit fermé.

II. – Le moratoire prévu au I du présent article est instauré pour une durée de dix ans à compter de la publication de la présente loi.

 

 


([1])  Données de la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) via PinkBombs

([2])  https://saumonfrance.fr/2019/02/01/saumon-normand/

([3])  Étude des nouvelles tendances de consommation des produits aquatiques français en France métropolitaine dans un contexte post-Covid, France AgriMer, Juillet 2023.

([4]) https://oec.world/en/profile/hs/freshchilled-whole-salmon

([5]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/03/21/en-norvege-une-mortalite-record-dans-les-fermes-a-saumons_6223305_3244.html

([6]) https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/trois-questions-sur-la-mortalite-record-des-saumons-norvegiens-2092171

([7])  Langsikt - Beneath the Surface: The Animal Welfare Crisis in the Fish Farming Industry

([8])  https://nasf.is/en/norway/

([9])  Installations Classées pour la Protection de l’Environnement

([10]) https://www.franceagrimer.fr/content/download/62417/document/Rapport%20final_pisci%20en
%20circ%20recircul%C3%A9.pdf

([11]) https://www.culturesmarines.fr/2023/04/03/pure-salmon-un-ostreiculteur-lance-lalerte/

([12]) https://www.pas-de-calais.gouv.fr/contenu/telechargement/71507/455228/file/rapport.pdf

([13])  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-mer-littoral-2024/13-aquaculture-marine

([14])  Dossier de demande d’autorisation environnementale - Présentation générale, PURE SALMON – Parc d’activités de Landacres, 01/03/2021 ; Demande d’autorisation d’exploitation de cultures marines (AECM) de LOCAL OCEAN – Première demande, avril 2023

([15])  Aas, T. S., Åsgård, T., & Ytrestøyl, T. (2022). Utilization of feed resources in the production of
Atlantic salmon (Salmo salar) in Norway: an update for 2020. Aquaculture Reports, 26, 101316

([16])  https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235251342200312X

([17])  Deme, M., & Failler, P. (2022). Small pelagic fish in Senegal: a multi-usage resource. Marine Policy, 141, 105083.

([18])  Feedback, Blue-Empire, How the Norwegian salmon industry extracts nutrition and undermines livelihoods in West Africa, janvier 2024

([19])  Cashion, T., Le Manach, F., Zeller, D., & Pauly, D. (2017). Most fish destined for fishmeal production are food‐grade fish. Fish and Fisheries, 18(5), 837-844

([20])  Elena Lara, Natasha Boyland, Krzysztof Wojtas, CIWF, Rethinking Aquaculture for people, planet and the animals, 2023

([21])  Borthwick, M., Gonzalez, T., Redaro, C. (2021). « Blue loss »: Estimating how many aquatic animals are hidden in the food system. Aquatic Life Institute

([22])  European Food Safety Authority (EFSA). (2008). Animal welfare aspects of husbandry systems for farmed trout‐Scientific Opinion of the Panel on Animal Health and Welfare.
EFSA Journal, 6(10), 796.

([23])  Hannah Ritchie (2021) - « Is our appetite for soy driving deforestation in the Amazon? » Pu- blié en ligne sur : OurWorldInData.org

([24])  https://agribalyse.ademe.fr/app/aliments/26037

([25])  https://www.fishfarmingexpert.com/atlantic-sapphire-filter-failure-miami/atlantic-sapphire-blames-ras-design-weakness-for-us-fish-die-off/1159525

([26]) https://www.seafoodsource.com/news/aquaculture/ras-farmer-pisciculture-acadienne-loses-95-percent-of-stock-to-extreme-cold

([27])  Dossier de demande d’autorisation environnementale Pure Salmon p.34, 01/03/2021

([28])  Moccia, D., Scarfe, D., Duston, J., Stevens, E. D., Lavery, J.M, Milligan,B. (2020). Code of practice for the care and handling of farmed salmonids: review of scientific research on priority issues. National Farm Animal Care Council (NFACC)

([29])  Appel pour un moratoire sur les fermes-usines de saumons en France, Welfarm et Seastemik, p.17.

([30])  https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-conscience-animale-resume-francais-8-pages.doc.pdf

([31])  Giménez-Candela, M., Saraiva, J. L., & Bauer, H. (2020). The legal protection of farmed fish in Europe– analysing the range of EU legislation and the impact of international animal welfare standards for the fishes in European aquaculture. In Derecho Animal. Forum of Animal Law Studies (Vol. 11, No. 1, pp. 65-118).

([32]) https://www.20minutes.fr/planete/4028775-20230322-gironde-elevage-ultramoderne-pure-salmon-promet-saumons-meilleure-vie-terre-mer

([33])  Calcul basé selon la consommation annuelle moyenne d’un habitant en France (2550 kWH/an) selon le bilan RTE de 2021.

([34])  Ibid 33.

([35])  https://www.smegreg.org/la-cle/la-vie-de-la-cle/file/1211-proces-verbal-de-la-reunion-du-bureau-de-la-cle-du-24-avril-2023.html

([36])  Consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement et qui a une valeur constitutionnelle depuis la décision du 19 juin 2008 n° 2008-564 DC du Conseil constitutionnel.