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N° 1204
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre les violences commises à l’égard des professionnels de santé et des personnels travaillant dans les établissements de santé,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Catherine RIMBERT, Mme Marine LE PEN, M. Jean-Philippe TANGUY, M. Sébastien CHENU, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Franck ALLISIO, M. Charles ALLONCLE, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, Mme Anchya BAMANA, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Théo BERNHARDT, Mme Véronique BESSE, M. Guillaume BIGOT, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Jorys BOVET, M. Jérôme BUISSON, M. Eddy CASTERMAN, M. François-Xavier CECCOLI, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Roger CHUDEAU, M. Éric CIOTTI, M. Bruno CLAVET, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Christelle D’INTORNI, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Alexandre DUFOSSET, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Aurélien DUTREMBLE, M. Auguste EVRARD, M. Frédéric FALCON, M. Olivier FAYSSAT, M. Guillaume FLORQUIN, M. Emmanuel FOUQUART, M. Thierry FRAPPÉ, M. Julien GABARRON, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Christian GIRARD, M. Antoine GOLLIOT, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Monique GRISETI, M. Julien GUIBERT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Tiffany JONCOUR, Mme Sylvie JOSSERAND, Mme Florence JOUBERT, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, M. Robert LE BOURGEOIS, Mme Nadine LECHON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Bartolomé LENOIR, M. Stéphane LENORMAND, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Julien LIMONGI, M. René LIORET, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. David MAGNIER, Mme Hanane MANSOURI, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Matthieu MARCHIO, M. Pascal MARKOWSKY, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, M. Thibaut MONNIER, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, M. Thierry PEREZ, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Sophie-Laurence ROY, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, Mme Anne SICARD, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Michaël TAVERNE, M. Thierry TESSON, M. Lionel TIVOLI, M. Romain TONUSSI, M. Frédéric-Pierre VOS, M. Frédéric WEBER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans une lettre ouverte adressée au Gouvernement, Luc Thibaut, le frère de Carène Mezino, infirmière mortellement poignardée à Reims le 22 mai 2023, déplorait « une faille dans le fonctionnement de la justice française et dans le fonctionnement de l’État », ayant couté la vie à sa sœur, et réclamait d’avoir « la certitude que ce type d’actes violents ne se reproduisent plus » ([1]). Ces mots ne peuvent que susciter une mobilisation unanime des parlementaires pour faire face aux violences commises dans le secteur de la santé.
Depuis plusieurs années, les professionnels de santé, comme les personnels médicaux et administratifs travaillant dans les établissements de soin, subissent une violence en constante augmentation. Déjà confrontés à des conditions de travail dégradées par un déficit profond de moyens matériels, humains et financiers, ils risquent chaque jour leur sécurité.
L’été 2024 s’est caractérisé par une violence quotidienne dans le secteur de la santé sur l’ensemble du territoire national, traduisant un ensauvagement sans précédent de notre société. À Carpentras, le 4 août 2024, la chef de service des urgences du Pôle Santé était menacée de mort par un individu frappant également l’ambulancier et l’agent d’accueil en service ([2]). Le 12 août 2024, c’est à Marseille qu’une jeune femme médecin était rouée de coups par deux femmes, après avoir refusé de délivrer une ordonnance pour une tierce personne, et se voyait prescrire trois jours d’interruption totale de travail ([3]). Le 3 octobre 2024, à Sarrians, une dentiste et son assistante étaient frappées par une patiente arrivée une heure en retard à son rendez‑vous ([4]). Le 24 octobre 2024, à Carpentras, une infirmière du Pôle Santé recevait des coups de pieds d’un patient ivre et incontrôlable[5]. Ces exemples récents témoignent de la banalisation de ces violences, mais ils démontrent surtout qu’elles s’opèrent désormais à l’égard de tout professionnel de santé, ainsi que de tout personnel, quel que soit le type d’établissement de soin au sein duquel ils travaillent.
La violence en milieu de santé revêt de multiples formes, physiques et verbales ; elle s’exerce à l’hôpital, en cabinet médical, dans les centres de santé en EHPAD, envers les soignants comme envers le personnel. En ce sens, le rapport publié par l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) en novembre 2022 ([6]) fait état de chiffres particulièrement alarmants. Alors qu’il recensait 17 598 atteintes aux personnes en 2021, il en dénombrait 17 756 en 2020 : des chiffres inquiétants mais encore sous‑estimés, les signalements s’effectuant sur la base du volontariat des établissements de santé́. En 2021, la part des violences physiques dans ces atteintes aux personnes représentait 50,9 %, tandis que celle des violences verbales s’élevait à 32,1 %. De plus, selon une enquête réalisée par l’Ordre national des infirmiers en 2023 ([7]), plus de 66 % des infirmiers ont subi des violences et 75 % ont été victimes d’insultes dans l’exercice de leurs fonctions. L’état critique de notre système de santé, s’il ne justifie en aucun cas ces agressions, en constitue trop souvent le cadre : 48 % des violences faites aux soignants sont consécutives à des reproches quant à la prise en charge et 28 % quant au temps d’attente, selon cette même enquête.
Les conséquences de ces atteintes sont lourdes pour ceux qui en sont victimes, les agressions physiques ou verbales entraînant des traumatismes physiques et psychologiques durables. Cette situation vient encore aggraver la perte d’attractivité du secteur de la santé tenant notamment à la précarité des conditions de travail des soignants, qui se traduit par une désertification médicale croissante, tant en milieux urbains qu’en milieux ruraux.
Les personnels du milieu médical, qui participent directement ou indirectement au soin de tous, doivent pouvoir compter sur une réponse pénale ferme, à la hauteur de la gravité des agressions dont ils font l’objet. Les lieux de soin doivent également être sanctuarisés. C’est à cette condition seulement que la violence cessera.
L’article 1er vise à élargir le champ d’aggravation des infractions définies aux articles 222‑7, 222‑11, 222‑13, 433‑3 du code pénal à l’ensemble des professionnels de santé et des personnels travaillant au sein d’établissements de santé. Ainsi, les violences commises sur tout professionnel ou personnel médical, administratif d’un établissement de santé, ayant entrainé la mort sans intention de la donner, seraient passibles de vingt ans de réclusion criminelle. Les violences ayant entrainé une interruption totale de travail de plus de huit jours seraient punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende et les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail seraient punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l’encontre d’un professionnel de santé ou de toute personne travaillant dans les établissements de santé serait sanctionnée de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. In fine, le délit d’outrage défini par l’article 433‑5 du code pénal, puni de 7 500 euros d’amende, est élargi à l’ensemble des professionnels de santé et des personnels travaillant au sein d’établissements de santé.
L’article 2 vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement deux rapports après la promulgation de cette loi : l’un évaluant l’opportunité́ de généraliser la mise en place d’outils de réaction à l’usage des professionnels de santé et des personnels travaillant au sein d’établissements de santé, aux fins de leur permettre de déclencher plus facilement une intervention en cas d’agression, l’autre recensant les actes de violences commis à l’égard de professionnels de santé et des personnels travaillant au sein d’établissements de santé, ainsi que les éventuelles suites judiciaires données à ces agressions.
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proposition de loi
Article 1er
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au 4 bis de l’article 222‑8, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou sur tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes » ;
2° Au 4 bis de l’article 222‑10, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou sur tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes ».
3° L’article 222‑12 est ainsi modifié :
a) Au 4° bis, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou sur tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes » ;
b) Le 11° est complété par les mots : « ainsi que dans les établissements de santé, d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et indépendantes ».
4° L’article 222‑13 est ainsi modifié :
a) Au 4° bis, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou sur tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes » ;
b) Le 11° est complété par les mots : « ainsi que dans les établissements de santé, d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et indépendantes » ;
5° Au deuxième alinéa de l’article 433‑3, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé́, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et indépendantes ».
6° L’article 433‑5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « public », sont insérés les mots : « ou à un professionnel de santé, à tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et indépendantes » ;
b) À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « intérieur », sont insérés les mots : « d’un établissement de santé ou ».
Article 2
I. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de généraliser la mise en place d’outils de réaction à l’usage des professionnels de santé et de tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes, aux fins de leur permettre de déclencher plus facilement une intervention en cas d’agression.
II. – Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport indiquant le nombre d’agressions survenues à l’encontre de professionnels de santé et de tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé, les cabinets médicaux ou paramédicaux, les centres de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou indépendantes au sein des établissements de santé́, au titre de l’année écoulée, ainsi que les éventuelles suites judiciaires données à ces agressions.
([1]) BRILLAUD, Loukas, « Le frère de l’infirmière assassinée au CHU de Reims interpelle le gouvernement dans une lettre ouverte : « j’ai besoin de réponses », France Info, 10 avril 2024, https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/reims/le-frere-de-l-infirmiere-assassinee-a-reims-interpelle-le-gouvernement-dans-une-lettre-ouverte-j-ai-besoin-de-reponses-2953247.html
([2]) BLOUQUET, Jennifer, « Un patient des urgences violente sa femme ert agresse le personnel », Le Dauphiné libéré, 5 août 2024, https://c.ledauphine.com/faits-divers-justice/2024/08/04/un-patient-des-urgences-violente-sa-femme-et-agresse-le-personnel-rjch?login=1
([3]) « Marseille : Une médecin mordue et tabassée par deux patientes car elle refusait de délivrer une ordonnance », 20 minutes, 16 août 2024, https://www.20minutes.fr/faits_divers/4105994-20240816-marseille-medecin-mordue-tabassee-deux-patientes-car-refusait-delivrer-ordonnance
([4]) BATAILLER, Virginie, « Sarrians : une dentiste frappée au visage par une patiente, le conseil de l’ordre va saisir le procureur », La Provence, 5 octobre 2024,
https://www.laprovence.com/article/region/1536550810048415/sarrians-une-dentiste-frappee-au-visage-par-une-patiente-le-conseil-de-lordre-va-saisir-le-procureur
([5]) « Une infirmière frappée aux urgences du Pôle Santé », Le Dauphiné libéré, 24 octobre 2024, https://c.ledauphine.com/faits-divers-justice/2024/10/24/une-infirmiere-frappee-aux-urgences-du-pole-sante#:~:text=Une%20infirmière%20vient%20de%20recevoir,est%20blessée%20et%20dépose%20plainte.
([6]) Observatoire national des violences en milieu de santé, Direction générale de l’offre de soins, Ministère de la Santé et de la Prévention, « Rapport 2022, Données, 2020 et 2021 », https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_onvs_2022_donnees_2020-2021_.pdf
([7]) Ordre National des Infirmiers, « L’Ordre National des Infirmiers porte la voix de la profession sur les violences subies par les professionnels », 25 mai 2023, https://www.ordre-infirmiers.fr/l-ordre-national-des-infirmiers-porte-la-voix-de-la-profession-sur-les-violences-subies-par-les