– 1 –

N° 1214

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter à quarante-cinq minutes la durée de trajet en transports publics entre les lycées d’enseignement général et les communes de résidence des élèves,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe BALLARD, M. Franck ALLISIO, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Manon BOUQUIN, M. Jérôme BUISSON, M. Sébastien CHENU, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Alexandre DUFOSSET, M. Auguste EVRARD, M. Frédéric FALCON, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Frank GILETTI, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Julien GUIBERT, Mme Marine HAMELET, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Tiffany JONCOUR, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, M. Patrice MARTIN, M. Kévin MAUVIEUX, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Pierre MEURIN, M. Éric MICHOUX, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, M. Kévin PFEFFER, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Catherine RIMBERT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Michaël TAVERNE, M. Antoine VILLEDIEU, M. Frédéric WEBER, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Pascale BORDES, M. Jonathan GERY, M. Maxime MICHELET, M. Jocelyn DESSIGNY, M. Michel GUINIOT, M. Robert LE BOURGEOIS, M. Philippe SCHRECK, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Eddy CASTERMAN, M. Thibaut MONNIER, Mme Anne SICARD,

députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le rapport « Chiffres‑clés des régions 2023 », publié par Régions de France, met en lumière la dynamique croissante des investissements des collectivités régionales dans la gestion des lycées et la mise en œuvre de stratégies pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Il souligne également que l’éducation est la deuxième priorité budgétaire des régions, représentant 17,7 % des dépenses en 2023, derrière les transports mais devant des secteurs cruciaux comme l’emploi, l’économie et l’aménagement du territoire.

Cependant, un enjeu majeur persiste en matière d’égalité territoriale dans l’accès à l’enseignement. Les 1 617 lycées d’enseignement général et technologique recensés sur les 3 711 établissements en France sont répartis de manière inégale sur le territoire. Cette répartition inéquitable engendre des frustrations et impose à de nombreux élèves, en particulier dans les zones rurales, des déplacements quotidiens de plus d’une heure et demie pour se rendre à leur lycée de secteur.

Ce phénomène est corroboré par une étude de l’IFOP réalisée en 2020, qui met en exergue l’explosion des temps de transport scolaire en milieu rural. Face à cette situation, il est essentiel de rappeler que la Constitution garantit à chaque citoyen un droit fondamental à un enseignement gratuit et accessible jusqu’au baccalauréat. L’inégale répartition des établissements met en péril ce droit, créant des disparités qui ne doivent pas être ignorées.

Les régions, en tant que responsables de la gestion des lycées, doivent intensifier leurs efforts pour assurer un accès équitable à l’éducation sur l’ensemble du territoire national, notamment les inégalités géographiques et renforçant la cohésion sociale. Le droit à un enseignement suffisant, garanti par la Constitution, implique des conditions d’accès raisonnables, notamment en ce qui concerne le temps de trajet des élèves.

Or, l’acceptabilité de ces déplacements dépend fortement des caractéristiques géographiques locales. Aujourd’hui, dans de nombreuses régions, les choix d’orientation après le collège ne sont plus dictés par les capacités ou les aspirations des élèves, mais par les contraintes liées à l’accès à l’enseignement secondaire, notamment le temps nécessaire pour rejoindre un établissement. Trop souvent, ces contraintes entraînent des choix par défaut, éloignant certains élèves de leurs ambitions initiales. L’éloignement des lycées d’enseignement général accentue les risques de décrochage et de sortie précoce du système éducatif, compromettant ainsi l’accès à l’enseignement supérieur.

Cette situation a été aggravée par la récente réforme du baccalauréat, qui a particulièrement fragilisé l’avenir des élèves en milieu rural, ceux‑ci ayant encore moins de possibilités d’accéder aux filières d’enseignement général qu’ils souhaitent. En conséquence, de nombreux élèves des zones rurales se voient privés de véritables alternatives et renoncent à poursuivre des études dans les filières générales. Les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (2022) ([1]) montrent clairement cette réalité : les jeunes des territoires ruraux sont davantage orientés vers l’apprentissage que leurs homologues urbains.

Ils se dirigent plus fréquemment vers des cursus professionnels, tels que les brevets de technicien supérieur (BTS) ou les diplômes universitaires de technologie (DUT), mieux répartis sur le territoire, tandis que l’accès aux filières générales reste limité. Face à ces inégalités, il est indispensable d’agir pour garantir à tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence, un accès équitable aux différents parcours éducatifs.

Les territoires ruraux ne doivent pas être laissés pour compte dans la stratégie nationale d’éducation, sous peine de creuser davantage les fractures sociales et territoriales. Alors que le débat sur le bien‑être animal occupe une place centrale dans nos préoccupations, il est crucial de s’interroger sur le bien‑être des lycéens en milieu rural.

Chaque jour, ces jeunes subissent des conditions de transport inacceptables qui perturbent leur rythme scolaire et compromettent leur réussite académique. Pourquoi les enfants vivants dans des zones rurales sont‑ils privés des mêmes opportunités que ceux de l’urbain en matière d’accès à un enseignement supérieur de qualité ? Il est déconcertant de constater que, malgré les efforts déployés pour soutenir les Cordées de la réussite dans les secteurs REP+ (réseau d’éducation prioritaire), les territoires ruraux restent largement négligés en ce qui concerne l’accès à l’enseignement secondaire. Il est temps d’agir pour garantir une véritable égalité des chances pour tous les élèves.

Par ailleurs, les découpages académiques actuels ne garantissent pas une répartition efficace et équitable des élèves. En effet, bien qu’une commune puisse être géographiquement proche d’un lycée d’enseignement général situé dans un autre département, les élèves de cette commune ne sont pas prioritaires dans les affectations. Cette situation absurde conduit certains élèves à se retrouver sans affectation, alors qu’un établissement est situé à proximité de leur domicile. Ainsi, cette proposition de loi vise à introduire un critère impératif dans le cadre des « programmes prévisionnels des investissements relatifs aux lycées » pour les régions de la métropole.

Il s’agit de prioriser la prise en compte des temps de transport en commun ou scolaire, en veillant à ce qu’aucun lycéen de l’enseignement général ne soit contraint à un trajet supérieur à 45 minutes depuis son domicile, matin et soir. Pour ce faire, différentes mesures peuvent être envisagées : lieu de construction de nouveaux lycées, ouverture de classes supplémentaires, réorganisation des transports régionaux, ou encore obligation d’une concertation interacadémique.

L’objectif est de garantir une égalité réelle d’accès à l’enseignement secondaire pour tous. Il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire ou de modifier des crédits, mais d’imposer un critère nouveau pour les choix et les décisions d’investissements dans le cadre d’un budget déjà existant, actuellement laissés au seul arbitrage politique des régions.

Nous donnons également la possibilité de rendre des lycées hors département, mais plus proches, devenir des lycées de rattachement de secteur obligeant ainsi les académies à se concerter.

Cette proposition de loi respecte la stabilité du budget alloué aux dépenses des régions en faveur des lycées, mais elle en détermine néanmoins de nouvelles exigences à l’égard des collectivités pouvant s’analyser comme excédant la simple charge de gestion. Aussi, pour ne pas se voir opposer l’article 40 de la constitution, l’article 2 propose un gage financier.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 214‑5 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Toute commune est reliée à son lycée d’enseignement général de secteur par un service régulier de transport public. La durée du trajet entre cet établissement et la commune de résidence de chaque élève ne peut être supérieure à quarante‑cinq minutes quels que soient les modes de transport utilisés successivement ou pas. La localisation des établissements répond à cette exigence. » ;

2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les élèves dont la commune de résidence sur le territoire de la métropole n’est pas reliée en moins de quarante‑cinq minutes à un lycée d’enseignement général situé dans le même département sont rattachés à leur demande à un district de recrutement situé dans un département limitrophe et affectés dans un établissement d’enseignement général de ce district. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret définit les conditions d’application du présent article. Il précise notamment les modalités de calcul de la durée mentionnée aux premier et quatrième alinéas du présent article. Ce calcul de la durée tient compte du temps nécessaire depuis le domicile de l’élève, au lieu de rassemblement du transport scolaire jusqu’à la porte d’entrée du lycée ».

Article 2

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement, pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


([1]) Source Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6035523 « 75 % des jeunes de 18 ans restés vivre en milieu rural sont inscrits dans un établissement d’enseignement. Par rapport à ceux qui ont quitté le rural, ils détiennent nettement moins souvent un baccalauréat général ou technologique (31 % contre 81 %) mais plus fréquemment un baccalauréat professionnel (12 % contre 8 %). Ils sont nombreux à n’avoir au plus que le brevet des collèges (28 %) ou être titulaires d’un CAP (23 %). Ils peuvent poursuivre leurs études dans des formations professionnelles ou de type brevet de technicien supérieur (BTS) souvent implantées dans des lycées ou des centres de formation par apprentissage dispersés sur le territoire. »