N° 1335

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer et moderniser les pouvoirs de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Naïma MOUTCHOU, M. Xavier ALBERTINI, M. Thibault BAZIN, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, M. Sylvain BERRIOS, M. Philippe BONNECARRÈRE, M. Philippe FAIT, M. Olivier FALORNI, Mme Sandrine JOSSO, M. Xavier LACOMBE, M. Vincent LEDOUX, M. Didier LEMAIRE, Mme Lise MAGNIER, M. Emmanuel MAUREL, M. Jean MOULLIERE, Mme Sophie PANTEL, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Maud PETIT, M. Alexandre PORTIER, Mme Violette SPILLEBOUT, M. David TAUPIAC, M. Stéphane VIRY, Mme Estelle YOUSSOUFFA,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Entre pollution chimique et bruit, les dégâts du trafic aérien sur la santé des riverains et sur le réchauffement climatique ne sont plus à démontrer mais ne cessent pourtant de se développer. Les enjeux sont considérables sur le cadre de vie et l’environnement, mais également sur l’état physique et psychique de ceux qui vivent au quotidien, jour et nuit, avec les nuisances aériennes.

Pour en évaluer précisément les effets sanitaires, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires a piloté une étude épidémiologique (le programme de recherche national « DEBATS ») portant sur l’analyse croisée des données de santé et de mortalité des habitants des 161 communes situées aux abords de trois aéroports français (Paris Charles de Gaulle, Lyon Saint Exupéry et Toulouse Blagnac). Publiés en octobre 2020, les résultats de cette étude sont édifiants. L’exposition au bruit aérien, qui se concentre autour des aéroports, est associée à une mortalité plus élevée par maladie cardiovasculaire. Ainsi, le risque de décéder des suites d’un infarctus du myocarde est 28 % plus élevé pour les riverains d’aéroports par rapport à la population générale. Dans une étude parue en juillet 2021, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et le Conseil national du bruit estiment que le coût social relatif aux nuisances sonores aériennes s’élève à 6,1 milliards d’euros par an.

Si des dommages parfois irrémédiables pour les cellules auditives de l’oreille interne se manifestent à partir de 80 décibels (dB), des effets extra auditifs apparaissent à des niveaux beaucoup plus faibles, dès 50 dB, en raison du stress physiologique provoqué par l’exposition au bruit, qu’il soit perçu ou non comme une gêne. La fréquence cardiaque s’accélère, la pression artérielle augmente, le système endocrinien et le métabolisme sont perturbés, avec diminution de la tolérance au glucose et augmentation de la sécrétion de cortisol, d’adrénaline et de dopamine. Le bruit soutenu engendre également des difficultés de concentration et des troubles du sommeil pouvant conduire à des états anxiodépressifs. En cas d’exposition prolongée, ces effets à court terme peuvent se traduire par un risque accru de diabète de type II, de surpoids, mais aussi, plus brutalement, d’infarctus du myocarde. D’autant qu’il n’existe pas de phénomène d’habituation au bruit. La répétition de la gêne sonore représente, au contraire, un facteur aggravant. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé, plus d’un million d’années de vie en bonne santé seraient perdues chaque année en Europe, en raison du bruit causé par les infrastructures de transport. Et parmi l’ensemble de ces nuisances, le lien entre hypertension et trafic aérien est de loin le plus marqué. Pour le seul aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, certaines habitations sont survolées par 450 avions chaque jour. Les habitants de la région Île de France exposés à ces nuisances aériennes peuvent perdre jusqu’à trois années d’espérance de vie en bonne santé. Le rapport Emile Quinet de septembre 2013 portant sur l’évaluation socioéconomique des investissements publics estime que le coût social des nuisances sonores liées au trafic aérien s’élèverait à 283 euros par personne et par an, pour un niveau d’exposition journalier moyen de 65 décibels.

Les nuisances aéroportuaires ne se limitent pas au bruit des avions. La pollution de l’air et les émissions de carbone sont d’autres externalités négatives aux conséquences durables sur la santé environnementale et le climat, même si les effets cumulés du bruit et de l’exposition à d’autres types de pollution, notamment atmosphérique, demeurent mal connus.

Pour lutter plus efficacement contre l’ensemble de ces nuisances, la présente proposition de loi vise à moderniser et renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’ACNUSA, autorité administrative indépendante chargée de contrôler l’ensemble des dispositifs de lutte contre les nuisances aéroportuaires. Ces évolutions permettront notamment, pour les compagnies concernées, de prévoir des mesures correctrices plus rapidement, et donc, plus efficacement.

L’article 1er prévoit de doubler le montant maximum des amendes administratives en cas de manquement constaté, en portant ce plafond à 80 000 euros lorsque le manquement concerne des mesures de restriction des vols de nuit ou des restrictions d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique.

Pour simplifier les dispositions encadrant l’exercice du pouvoir de sanction de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), renforcer l’effectivité de son contrôle et, ainsi, protéger les riverains et l’environnement des nuisances aéroportuaires, l’article 2 fait évoluer les missions du rapporteur suppléant, en lui donnant le titre de rapporteur adjoint et liste, dans un souci d’intelligibilité l’ensemble des dispositions relatives au rapporteur et au rapporteur adjoint.

L’article 3 permet d’une part au collège de l’ACNUSA de prononcer une décision assortie d’un sursis simple, d’autre part de rendre publiques les décisions prononcées.

L’article 4 simplifie la procédure actuelle de sanction, et permet de raccourcir les délais d’instruction tout en respectant le principe du contradictoire.

L’article 5 crée une procédure de composition administrative permettant de proposer à la personne poursuivie une voie de règlement amiable du litige en cas de réitération des faits dans un délai rapproché.

L’article 6 vise à renforcer et à améliorer le contrôle de la pollution atmosphérique liée aux activités aériennes.

L’article 7 prévoit la consultation de l’ACNUSA sur les projets de plan de prévention du bruit dans l’environnement. Actuellement les tribunaux ne reconnaissent pas à l’ACNUSA le droit de rendre un avis sur les plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) aéroports, alors que ces plans concernent bien la « protection de l’environnement sonore. »

L’article 8 prévoit que la consultation de l’ACNUSA soit effectuée en amont de l’enquête publique préalable à toute modification de la circulation aérienne et rendue publique pour éclairer l’avis du public.

L’article 9 gage financièrement ces dispositions.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 6361‑13 du code des transports est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le montant : « 20 000 € » est remplacé par le montant : « 40 000 € » ;

2° À la seconde phrase, le montant : « 40 000 € » est remplacé par le montant : « 80 000 € ».

Article 2

Le chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 6361‑11 est ainsi rédigé : 

« Art. L. 636111.  Le président nomme un rapporteur permanent et un rapporteur permanent adjoint.

« Dans l’exercice de leurs fonctions, ils ne peuvent recevoir de consignes ou d’ordres.

« L’instruction des manquements aux mesures définies à l’article L. 6361‑12 par l’autorité administrative, sur le fondement de l’article L. 6361‑14, est conduite par le rapporteur permanent ou son adjoint.

« Devant le collège de l’autorité, le rapporteur permanent, ou son adjoint, a pour mission d’exposer les questions que présente à juger chaque dossier et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur la solution à apporter.

« Le collège de l’autorité statue hors leur présence y compris si l’un d’eux n’a pas eu à instruire l’affaire.

« Il ne peut être mis fin aux fonctions de chacun d’entre eux qu’après recueil de l’avis du collège. » ;

2° Le 4° de l’article L. 6361‑12 est ainsi modifié :

a) Au début du deuxième alinéa, les mots : « ne respectant pas » sont remplacés par les mots : « lorsque ces personnes n’ont pas respecté » ;

b) Les a, c, d et e sont abrogés.

Article 3

La sous-section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie du code des transports code des transports est ainsi modifiée :

1° L’article L. 6361‑13 est ainsi modifié : 

a) À la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « amendes », sont insérés les mots : « , qui peuvent être assorties d’un sursis d’une durée maximale d’un an, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le collège peut rendre publiques, sur son site internet, les décisions qu’il prend. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’il désigne aux frais des personnes sanctionnées. » ;

2° Après le même article L. 6361‑13, il est inséré un article L. 6361‑13‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6361131. – Le sursis dont le collège peut assortir une décision de sanction, en application de l’article L. 6361‑13 du code des transports, ne peut être ordonné à l’égard d’une personne physique ou morale que lorsque celle‑ci n’a pas été condamnée, au cours de l’année précédant les faits, pour méconnaissance de la réglementation environnementale sur et autour d’un aéroport français, à une amende d’un montant égal au plafond prévu à l’article L.6361‑13 du code des transports.

« La condamnation à une amende pour méconnaissance de la réglementation environnementale sur et autour d’un aéroport français assortie du sursis est réputée non avenue si la personne qui en bénéficie n’a pas de nouveau méconnu la réglementation environnementale sur et autour d’un aéroport français, dans le délai d’un an à compter de celle‑ci.

« Le collège peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour un montant qu’il détermine, le sursis antérieurement accordé, lorsqu’il prononce une nouvelle condamnation à une peine d’amende.

« En cas de révocation du sursis, la première amende est due sans qu’elle puisse se confondre avec la seconde. »

Article 4

L’article L. 6361‑14 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début du quatrième alinéa, les mots : « L’instruction est assurée par des » sont remplacés par les mots : « Les compléments d’instruction demandés par le rapporteur permanent ou le rapporteur adjoint mentionnés à l’article L. 6361‑11 sont réalisés par les » ;

2° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est supprimée ;

b) La deuxième phrase est ainsi rédigée : « À l’issue de l’instruction, le rapporteur permanent ou son adjoint s’assure que le dossier d’instruction est complet et procède à la clôture de l’instruction. » ;

c) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut soit classer sans suite le dossier, s’il est vérifié un des cas limitativement énumérés par décret en Conseil d’État, soit le transmettre au collège, soit recourir à la composition administrative dans les conditions prévues à l’article L. 6361‑16. » ;

3° Le septième alinéa est supprimé ;

4° À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « rapporteur », sont insérés les mots : « ou son adjoint ».

Article 5

Le chapitre Ier du titre VI du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Procédure de composition administrative
devant l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

« Art. L. 636116. – Lorsque, dans les conditions fixées par l’article L. 6361‑14, plusieurs procès‑verbaux ont été dressés, sur une période de six mois, à l’encontre d’une même personne, le rapporteur permanent ou son adjoint peut proposer à la personne concernée d’entrer en voie de composition administrative.

« L’entrée en voie de composition administrative est conditionnée à la reconnaissance des faits par la personne concernée.

« Les modalités de mise en œuvre de la procédure de composition administrative ainsi que les sanctions encourues sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 6

Le II de l’article L. 6361‑6 du code des transports est ainsi rédigé :

« II. – Dans le domaine de la pollution atmosphérique et des gaz à effet de serre générés par l’aviation, l’autorité :

« 1° S’assure que les indicateurs de la qualité de l’air sur les plateformes aéroportuaires sont suivis grâce aux moyens propres du gestionnaire ou par ceux de l’association agréée de la surveillance de la qualité de l’air compétente sur le territoire ;

« 2° Vérifie que les plateformes aéroportuaires assurent un suivi de leurs émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre ;

« 3° S’assure des programmes et moyens mis en œuvre par les différents acteurs agissant sur les plateformes aéroportuaires pour limiter les émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. »

Article 7

Au 5° de l’article L. 6361‑7 du code des transports, après le mot : « environnement », sont insérés les mots : « , plan de prévention du bruit dans l’environnement ».

Article 8

Le premier alinéa de l’article L. 6362‑2 du code des transports est complété par les mots : « , précédée d’un avis rendu public de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ».

Article 9

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.