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N° 1341
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil,
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Nicolas SANSU, M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Julien BRUGEROLLES, M. Jean-Victor CASTOR, Mme Elsa FAUCILLON, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Emmanuel MAUREL, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Emmanuel TJIBAOU, les membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine [(1)],
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2023, 467 dispositions fiscales dérogatoires ont induit une diminution des recettes fiscales de l’État, chiffrée à 81,3 milliards d’euros. La question fondamentale qui est posée est celle du consentement à l’impôt, du respect de la contribution de chacun en fonction de ses ressources, car la multiplication des régimes dérogatoires fiscaux et sociaux ont sapé le droit commun. Ces pratiques ont aussi accru la zone grise de l’optimisation fiscale agressive.
Parmi toutes ces niches, le pacte Dutreil a attiré notre attention.
Le pacte Dutreil a été mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2000. Initialement limité aux successions, le dispositif a été étendu aux donations en 2003 par la loi pour l’initiative économique, dite loi Dutreil.
Ces dispositions législatives avaient un motif légitime : préserver les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprise de taille intermédiaire (ETI) françaises face aux prédations étrangères en évitant que les héritiers ne soient contraints de céder l’entreprise pour régler les droits de succession.
Les avantages procurés par le pacte ont été renforcés en 2005 avec l’augmentation du taux d’exonération, passé de 50 à 75 %. Le délai de conservation a été réduit, passant de six à quatre ans en 2007.
Le recours à cette niche fiscale s’est considérablement développé ces dernières années. Le nombre de pactes annuels a bondi de 50 % lors du premier quinquennat de M. Emmanuel Macron. On observe une montée en puissance du pacte à mesure que les entreprises en ont été mieux informées et que la réglementation a été allégée au fil des adaptations.
Cependant, une véritable opacité entoure ce dispositif. La plupart des pactes étant encore enregistrés au format papier par les notaires, nous manquons d’informations sur son coût annuel. Le Conseil d’analyse économique l’a évalué en 2021 entre 2 et 3 milliards d’euros. Du côté de Bercy, l’estimation du manque à gagner est restée pendant dix ans inchangée à 500 millions d’euros. Ce chiffre a été rehaussé à 800 millions lors du dernier projet de loi de finances, sans qu’aucune justification ne soit avancée.
Ce pacte fait également l’objet de dérives. Le dispositif s’appliquant aux holdings familiales pouvant contenir des investissements immobiliers ou dans l’art sans lien avec toute activité professionnelle. Cette utilisation du pacte Dutreil diverge fondamentalement des motifs ayant poussé à sa création.
Pour ces raisons, les députés du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine souhaitent mieux encadrer ce dispositif afin de limiter certains effets d’aubaine qui lui sont liés. À l’heure où notre déficit, notre dette et maintenant la guerre constituent des arguments massues pour justifier la liquidation des conquêtes sociales, il est urgent de trouver de nouvelles recettes.
En ce sens, nous avançons, par le biais de cette proposition de loi, trois modifications du pacte. Nous souhaitons porter la durée de l’engagement du pacte collectif de 4 à 8 ans. Il nous semble que, vu l’exonération importante consentie via le pacte Dutreil, celle‑ci peut être assortie de conditions plus strictes qu’actuellement. Également, nous souhaitons abaisser de 75 à 50 % l’abattement sur les droits de mutation à titre gratuit DMTG pour la part supérieure ou égale à 50 millions d’euros de la valeur des parts et actions.
Enfin, nous proposons d’empêcher qu’une personne puisse céder son entreprise via un pacte Dutreil en cédant des titres démembrés, c’est‑à‑dire en dissociant la nue‑propriété de l’usufruit.
La question du cumul des niches fiscales est fondamentale pour éviter l’impôt : en cumulant la cession démembrée et la cession dans le cadre d’un pacte Dutreil, il est possible de cumuler l’exonération de 75 % du Dutreil avec l’abattement lié à la cession de la seule nue‑propriété. Il devient donc possible de déduire 90 % de la base fiscale des droits de mutations à titre gratuit.
Or, si le pacte Dutreil peut avoir une utilité dans certaines conditions, le démembrement des actifs financiers n’a aucune autre utilité que d’éviter l’impôt.
L’article unique prévoit un meilleur encadrement du pacte Dutreil.
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proposition de loi
Article unique
I. – L’article 787 B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur » sont remplacés par les mots : « Donnent droit à une exonération de droits de mutation à titre gratuit » ;
b) Après le mot : « actions » sont insérés les mots : « en pleine propriété » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la valeur des parts et actions est inférieure à 50 millions d’euros, l’exonération est égale à 75 %. Lorsque la valeur des parts et actions est supérieure ou égale à 50 millions d’euros, l’exonération est égale à 75 % pour la part inférieure à 50 millions d’euros, et 50 % pour la part supérieure ou égale à 50 millions d’euros » ;
3° Au premier alinéa du c du 3, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « huit ».
II. – Le I s’applique aux exercices ou périodes d’imposition ouverts à compter du 1er janvier 2025.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Julien BRUGEROLLES, M. Jean-Victor CASTOR, Mme Elsa FAUCILLON, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Emmanuel MAUREL, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Nicolas SANSU, M. Emmanuel TJIBAOU.