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N° 1342
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Julien BRUGEROLLES, M. Jean-Victor CASTOR, Mme Elsa FAUCILLON, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Emmanuel MAUREL, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Nicolas SANSU, M. Emmanuel TJIBAOU, les membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine [(1)],
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La compensation des charges financières induites par la présence d’enfants au sein d’un ménage est historiquement la finalité première du dispositif français de politique familiale.
Dans ce cadre, il apparaît pour le moins incongru que les allocations familiales, qui visent précisément à soutenir financièrement les familles en ce qui concerne l’entretien et l’éducation des enfants, ne soient accordées qu’à partir du deuxième enfant.
Selon un sondage réalisé en 2023 par Opinion Way sur le désir d’enfant pour l’observatoire des familles du réseau Unaf qui anime les réseaux des Unions régionales des associations familiales (Uraf) et des Unions départementales des associations familiales (Udaf), 4 parents sur 10 estiment qu’ils n’ont pas bénéficié d’un soutien suffisant de la politique familiale à l’arrivée de leur premier enfant. Une donnée qui est sensiblement la même quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle du répondant.
Selon cette même étude, le fait d’avoir assez d’argent est particulièrement déterminant pour les personnes « sans enfant » (61 %), un critère financier en nette progression depuis la précédente étude réalisée en 2012.
Il est en effet indéniable que l’arrivée d’un enfant suscite des besoins à couvrir en matière d’entretien et d’éducation et qu’à ce titre, la première naissance a, autant que les suivantes, des conséquences directes et indirectes sur le niveau de vie du foyer. Dès 2011, une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) montrait ainsi que « La naissance provoque en moyenne un « décrochage » du niveau de vie par rapport à celui du reste de la population : les ménages concernés perdent 2 à 11 % de leur niveau de vie entre l’année précédant la naissance et celle lui succédant immédiatement » ([1]). Des études plus récentes montrent les effets indirects, mais bien réels, d’une naissance sur les ressources du foyer s’agissant notamment de la trajectoire professionnelle des mères ; ainsi, selon une étude datant de 2019, cinq ans après l’arrivée d’un enfant, le revenu salarial des femmes diminuerait de 25 % ([2]).
En outre, les familles composées d’un enfant unique sont de plus en plus nombreuses. Elles représentaient 36,2 % des familles en 2020 ([3]). Et cette nouvelle configuration des familles pourrait être durable au regard de la baisse de la fécondité constatée depuis 2010 et qui a atteint en 2024 son plus bas niveau depuis un siècle, à hauteur de 1,62 enfant par femme.
De surcroît, parmi les évolutions notables de la structure familiale en France, figure l’émergence croissante des familles monoparentales, qui n’ont souvent qu’un seul enfant et qui sont particulièrement marquées par des conditions de vie plus précaires que les autres familles, et qui représentent désormais une famille sur quatre (25,9 % de l’ensemble des familles en 2021 contre 9,4 % en 1975) ([4]).
Enfin, au regard d’une pauvreté infantile qui ne cesse dangereusement de croître et qui concerne aujourd’hui un enfant sur cinq, le dispositif des allocations familiales appelle urgemment à être renforcé.
Dans ce contexte, les auteurs de la présente proposition de loi considèrent qu’il est temps d’accorder le bénéfice des allocations familiales dès le premier enfant, comme cela est déjà le cas pour les territoires dits « d’Outre‑Mer ».
Il s’agit d’une nécessité sociale et économique.
Il s’agit également d’une mesure de justice sociale en permettant que chaque famille bénéficie du soutien de notre politique familiale.
Il s’agit, enfin, d’une mesure de cohérence avec notre système de politique familiale qui, pour demeurer ambitieux et à hauteur de ses missions, doit s’accorder aux évolutions sociales et sociétales de notre pays.
En d’autres termes, et en écho à des remarques formulées par la Cour des comptes, accorder les allocations familiales dès le premier enfant permet de resituer les allocations familiales comme une compensation partielle du coût de l’enfant, assise sur le principe selon lequel il est légitime que le coût financier relatif à l’entretien et à l’éducation des enfants soit partagé entre les familles elles‑mêmes et la solidarité nationale, dans la mesure où les enfants participent pleinement de l’avenir de la société.
En conséquence, l’article 1er de la proposition de loi propose d’étendre le bénéfice des allocations familiales aux parents d’au moins un enfant. L’article 2 constitue le gage de la proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Au premier alinéa de l’article L. 521‑1 du code de la sécurité sociale, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier ».
Article 2
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Insee, « L’effet d’une naissance sur le niveau de vie du ménage », Jean–François Eudeline, Bertrand Garbinti, Pierre Lamarche, Dorian Roucher, Magda Tomasini, 4 mai 2011.
([2]) Insee, « Entreprises, enfants : quels rôles dans les inégalités salariales entre femmes et hommes ? » publiée le 10 octobre 2019.
([3]) Insee, « Les familles en 2020 », 13 septembre 2021.
([4]) Familles avec au moins un enfant de moins de 25 ans, en France métropolitaine.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Julien BRUGEROLLES, M. Jean-Victor CASTOR, Mme Elsa FAUCILLON, Mme Émeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Emmanuel MAUREL, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Nicolas SANSU, M. Emmanuel TJIBAOU.