N° 1380

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2025.

PROPOSITION DE LOI

appelant à élever Alfred Dreyfus au grade de général de brigade,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Gabriel ATTAL,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

« Je n’avais jamais demandé de faveur dans ma carrière, j’avais essayé d’arriver par mon travail. Après ma tragique et si imméritée condamnation de 1894, je n’ai demandé que de la justice. Pendant les cinq années effroyables de l’île du Diable, je ne me suis jamais humilié devant personne, fort de ma conscience, n’abdiquant rien de ma dignité. »

Alfred Dreyfus

MESDAMES, MESSIEURS,

Plus d’un siècle après l’Affaire Dreyfus, notre Nation continue de porter la mémoire de cet événement, qui révéla avec une force inouïe combien la justice et la vérité sont des piliers aussi fragiles qu’essentiels de notre République.

À la fin du XIXe siècle, le capitaine Alfred Dreyfus fut victime d'une injustice d'État, condamné pour trahison sur la base d'accusations forgées et alimentées par un antisémitisme virulent. Pendant près de cinq années, il connut l’exil, la solitude et l’oubli sur l’île du Diable. Sa réhabilitation, acquise en 1906 au terme d’un combat acharné, reste un moment fondateur de notre histoire républicaine et continue de nourrir notre conscience collective.

Alfred Dreyfus, loin de céder à l’amertume après sa réintégration, fit preuve d'un patriotisme inaltérable et continua à servir la France avec abnégation. Lors de la Première Guerre mondiale, il reprit les armes à 55 ans, participant à des batailles décisives telles que Verdun et le Chemin des Dames. Promu lieutenant-colonel, décoré officier de la Légion d’honneur, il incarna jusqu’au bout l’idéal du service à la Nation.

Pourtant, cinq années de déportation et d'humiliation ont irrémédiablement freiné sa carrière militaire. Il est incontestable que sans cette injustice, Alfred Dreyfus aurait accédé naturellement aux plus hauts grades. Promouvoir aujourd'hui Alfred Dreyfus au rang de général de brigade constituerait un acte de réparation, une reconnaissance de ses mérites et un hommage rendu à son engagement républicain.

La République française puise sa grandeur dans l’exigence continue de vérité, de justice et de fidélité à ses principes. Reconnaître ses erreurs, affronter lucidement ses égarements, c’est honorer l’idéal républicain. En élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, la République démontre sa capacité à faire vivre ses valeurs, rappelant que l’État de droit n’existe que par une vigilance constante et un attachement indéfectible à la justice.

Notre histoire offre des précédents de reconnaissance posthume envers celles et ceux qui ont incarné la grandeur républicaine : Émile Zola, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Jean Zay. Le monde militaire, par tradition, sait honorer par des promotions symboliques le courage et la loyauté. Il est donc juste et nécessaire que la République fasse de même pour Alfred Dreyfus.

Enfin, l'antisémitisme qui frappa Alfred Dreyfus n’appartient pas à un passé révolu. Les actes de haine d’aujourd’hui rappellent que ce combat est toujours d’actualité. La République doit sans cesse réaffirmer sa vigilance, sa fermeté, son engagement absolu contre toutes les formes de discrimination.

L'article unique de cette proposition de loi appelle à élever Alfred Dreyfus au rang de général de brigade à titre posthume. Injustement condamné et exilé pendant près de cinq années sur l’île du Diable, Alfred Dreyfus a vu sa carrière irrémédiablement freinée par une faute d’État. En lui reconnaissant aujourd'hui ce grade, il s'agit de réparer pleinement ses droits, de lui restituer la progression qui aurait dû être la sienne.

Ce geste affirme que la fidélité aux valeurs républicaines est intemporelle et que la haine n’aura jamais sa place en France. Il inscrit dans notre présent un acte de mémoire, de justice et de fidélité aux principes qui fondent notre Nation. En honorant Alfred Dreyfus, nous réparons une injustice historique, nous saluons un engagement exemplaire, et nous réaffirmons l’honneur de la République.

 


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proposition de loi

Article unique

La nation française, éprise de justice et qui n'oublie pas, élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade.