N° 1388
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à mettre en place un régime dérogatoire pour les dameuses à treuil,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Romain DAUBIÉ,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2021, après la crise du Covid-19, la fréquentation des stations de ski a augmenté de 4% sur l’ensemble des stations françaises, et de 20% pour certaines d’entre elles, et n’a pas diminuée depuis. Cela fait suite aux confinements successifs et interdictions des années précédentes. Malgré cela, la hausse de fréquentation, bien que porteuse pour l’économie, est aussi synonyme d’une hausse du nombre d’accidents sur les domaines skiables.
Une partie de ses accidents est imputable directement à la collision entre deux skieurs, mais une autre concerne les collisions entre dameuses et skieurs ou randonneurs. Cette dernière catégorie concerne exclusivement les skieurs et randonneurs s’étant rendus sur le domaine skiable en dehors des heures d’ouverture. La fermeture des pistes de ski est absolument essentielle à leur bon entretien et a fortiori au fonctionnement des stations de ski. D’un point de vue sécuritaire, elle est également indispensable, les conditions n’étant plus suffisamment idéales pour skier sur les pistes : visibilité réduite, obscurité arrivant rapidement, pas d’éclairage de pistes.
La saison 2018-2019 recensait quelques 44 252 accidents, tandis que la saison 2022-2023 en comptait pour sa part 51 293 ; soit une augmentation 13,35%. Les skieurs ainsi que les randonneurs sont de plus en plus nombreux à s’engager sur les pistes avant ou après les horaires d’ouverture de la station et peuvent se retrouver confrontées à des dameuses munies d’un treuil.
Les dameuses à treuil sont des engins présents sur les pistes de ski afin de les entretenir et de remonter la neige qui se retrouve en bas des pistes dû aux passages des skieurs la journée durant. En raison de la très forte inclinaison de certaines pistes de ski, certaines dameuses sont équipées d’un treuil qui vise à faciliter la remontée de l’engin sur la piste. Régulièrement, en raison des conditions météorologiques, de la neige présente et de l’obscurité, les câbles sont souvent invisibles. Ils peuvent également, au moment de la remontée de l’engin, se tendre brutalement, ce qui est à l’origine de nombreux accidents graves, menant parfois à des décès. Pouvant parfois se situer jusqu’à 1200 mètres de distance des dameuses, les câbles des treuils sont autrement qualifiés de « vraies guillotines ». En décembre 2019, une skieuse de 20 ans a été grièvement blessée par le câble d’une dameuse pendant la nuit. En février 20023, un snowboardeur a été tué écrasé par une dameuse en Savoie. En décembre 2024, une skieuse a perdu la vie après avoir heurté le câble d’une dameuse en Suisse.
En l’état actuel du droit, les dameuses à treuil sont considérées comme faisant partie des véhicules terrestres à moteurs, régulés par la loi dite « Badinter » du 5 juillet 1985 en raison d’une interprétation extensive visant à inclure les engins spécialisés.
Sous le régime de la loi dite Badinter, les victimes sont indemnisées des dommages qu’elles ont subis sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si, et seulement si, elle a été la cause exclusive de l’accident. En l’espèce, les accidents résultant d’une collision entre un skieur ou randonneur avec une dameuse munie d’un treuil découlent invariablement d’une infraction. Les dameuses circulant uniquement durant les horaires de fermeture des pistes, les victimes se trouvent à l’origine, obligatoirement dans une situation délictuelle. En outre, les dameurs sont régulièrement amenés à interrompre leur travail en raison d’un degré de dangerosité trop élevé lorsqu’ils ont connaissance de la présence de personnes sur les pistes pendant leur intervention, sur la plage horaire qui leur est réservée.
Concernant l’exclusivité de la cause de l’accident, la jurisprudence a une interprétation très favorable à l’égard des personnes ayant été victime d’un accident d’un véhicule terrestre à moteur et interprète strictement la notion. Ainsi selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, seule est inexcusable, au sens de la loi de 1985, la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Dès lors cinq conditions sont nécessaires : elle doit être la cause exclusive de l’accident, l’acte fautif doit être volontaire (indépendamment de la volonté de subir les conséquences de cet acte), la faute doit être d’une exceptionnelle gravité, l’acte fautif ne peut être justifié par aucune raison ou aucun élément, et enfin la victime doit avoir conscience du danger. Seule cette faute est de nature à exclure le droit d’indemnisation de la victime.
Ainsi, en raison de ces éléments, la proposition de loi vise à assouplir les conditions dans lesquelles la victime peut se voir opposer sa propre faute. En effet, en s’engageant sciemment sur les pistes en dehors des heures d’ouverture, en se mettant volontairement en danger, il apparaît essentiel que le conducteur de la dameuse soit en partie excusable.
Aujourd’hui, le cadre législatif actuel ne permet pas une dissuasion assez forte. De même, les actions préventives des mairies paraissent insuffisantes et appellent à un arsenal législatif dissuasif plus puissant.
En conséquence cette proposition de loi a une double vocation : dissuader d’une part, et d’autre part apporter une meilleure protection aux dameurs. L’instauration d’un régime dérogatoire concernant les dameuses munies d’un treuil permettrait d’obtenir un juste milieu entre indemnisation complète de la victime sans prise en compte de sa faute, et une absence totale d’indemnisation en cas d’accident avec une dameuse à treuil.
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proposition de loi
Article unique
I. – L’article 1er de la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ne sont pas soumis aux dispositions de la présente loi, les accidents impliquant des dameuses munies d’un treuil utilisées en montagne pour l’entretien et la sécurisation des pistes de ski pendant les horaires de fermeture des pistes.
« Les accidents désignés à l’alinéa précédent sont régis par les dispositions du droit commun de la responsabilité civile. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er décembre 2025.