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N° 1419
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à moderniser le dispositif des titres-restaurant,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Karim BENBRAHIM, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT, M. Jiovanny WILLIAM,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Créés en 1967, les titres‑restaurant permettent aux salariés qui en disposent de financer tout ou partie de leur déjeuner. Non obligatoire, ce dispositif bénéficie aujourd’hui à 5,4 millions de salariés. Chaque titre de paiement est cofinancé par l’employeur, qui prend à sa charge 50 % à 60 % de sa valeur, et par le salarié qui en finance la part restante. Ce dispositif permet à l’employeur de participer au financement du repas de ses salariés en bénéficiant d’une exonération de cotisations sociales.
La forte inflation connue en 2022 et en 2023 a mené les parlementaires à étendre le champ d’utilisation des titres‑restaurant. En effet, alors que leur utilisation était consacrée à l’achat de produits directement consommables, la loi du 16 août 2022 portant des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a étendu le champ d’utilisation des titres‑restaurant, de manière provisoire, à l’achat de produits alimentaires non directement consommables (farine, huile, pâtes, riz, etc…). Cette possibilité a été reconduite à deux reprises, par la loi n° 2023‑1252 du 26 décembre 2023 puis par la loi n° 2025‑56 du 21 janvier 2025 qui a prolongé cette possibilité jusqu’au 31 décembre 2026.
Si l’inflation a impacté les habitudes alimentaires, l’évolution des modes de travail et de consommation ont aussi considérablement transformé la nature des pauses‑déjeuner. Le développement du télétravail mène, par exemple, un nombre croissant de salariés à privilégier un déjeuner préparé et pris à domicile. Et, nombreux sont les salariés bénéficiaires de titres‑restaurant qui font le choix de prendre sur leur lieu de travail un repas préparé à leur domicile à partir de produits alimentaires bruts plutôt que de se rendre dans un restaurant. Ces évolutions induisent une diversification des produits achetés pour le déjeuner (achats de produits alimentaires bruts à cuisiner) et une diversification des lieux dans lesquels sont utilisés les titres‑restaurant.
La pérennisation de la possibilité d’acheter des produits alimentaires non directement consommables constituerait donc à la fois une mesure de soutien au pouvoir d’achat des Françaises et des Français qui bénéficient de titres‑restaurant, mais aussi une nécessaire adaptation face à l’évolution des modes de travail et de consommation. La possibilité d’utiliser les titres‑restaurant sur l’ensemble du territoire national, sans restriction liée au lieu de travail, apparaît aussi comme une évolution attendue par les bénéficiaires de ces titres de paiement.
Premier lieu d’utilisation des titres‑restaurant, les restaurants sont un marqueur fort de notre culture nationale et les Françaises et les Français y accordent un attachement important. Ils constituent aussi un élément essentiel du paysage économique français et perçoivent plus de 40 % des titres‑restaurant. Le dispositif n’apparaît cependant aujourd’hui pas totalement adapté à leurs caractéristiques et se révèle parfois déséquilibré à leur dépens. Les évolutions à apporter doivent donc aussi permettre de consolider la place des restaurants : plafond journalier d’utilisation différencié entre les restaurants et les grandes surfaces, transparence des commissions prélevées par les émetteurs de titres (les commissions perçues par les émetteurs de titres‑restaurant sont aujourd’hui excessives, comme l’a montré l’autorité de la concurrence ; elles doivent faire l’objet de davantage de transparence), rééquilibrage du financement des frais de traitement des titres‑restaurant.
Enfin, la pérennité du dispositif repose en partie sur le respect du cadre législatif établi. Le contournement de ces règles doit donc être détecté et sanctionné. Notamment, la diversification des produits qui peuvent être achetés par des titres‑restaurant nécessite d’établir des contrôles pour s’assurer du caractère alimentaire des produits achetés, y compris dans les grandes surfaces.
Cette proposition de loi vise donc à moderniser le dispositif du titre‑restaurant en répondant aux évolutions de mode de vie et de consommation des bénéficiaires, en renforçant et en pérennisant ce dispositif, et en apportant des protections nouvelles au secteur de la restauration.
L’article 1er pérennise la possibilité d’utiliser les titres‑restaurant pour l’achat de tous produits alimentaires. Cette pérennisation constitue à la fois une mesure de soutien au pouvoir d’achat des bénéficiaires et une modernisation du dispositif pour répondre à l’évolution des modes de consommation alimentaire.
L’article 2 permet l’utilisation des titres‑restaurant sur tout le territoire national, sans contrainte géographique liée au département du lieu de travail.
L’article 3 prévoit qu’un décret fixe deux plafonds journaliers d’utilisation des titres‑restaurant : l’un pour l’achat de produits directement consommables dans les restaurants et les commerces de bouche, et l’autre pour les grandes et moyennes surfaces.
L’article 4 prévoit l’interdiction des rétrocommissions et remises de fin d’année distribuées par les émetteurs de titres‑restaurant aux entreprises qui leur en achètent pour en faire bénéficier leurs salariés. En effet, ces remises et rétrocommissions ont pour conséquences un transfert du coût de traitement des titres‑restaurant vers les commerces acceptant le paiement par titres‑restaurant et fait donc supporter le coût de ces remises aux commerçants.
L’article 5 vise à garantir la publicité, la transparence et la clarté des commissions pratiquées par les émetteurs de titres‑restaurant.
L’article 6 prévoit une sanction pouvant aller jusqu’à une suspension de deux ans de l’agrément délivré par la Commission Nationale des Titres Restaurant (CNTR) en cas de détournement par un commerce de l’objet du titre‑restaurant. L’objectif est de s’assurer que l’utilisation des titres‑restaurant se limite aux seuls produits alimentaires.
L’article 7 constitue le gage financier de la proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
La section 1 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article L. 3262‑1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– après la deuxième occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable, » ;
– sont ajoutés les mots : « et de tout commerce de détail alimentaire » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 3262‑3, les mots : « la profession de détaillant en fruits et légumes » sont remplacés par les mots : « une profession du commerce de détail alimentaire ».
Article 2
La section 2 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complétée par un article L. 3262‑5‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3262‑5‑1. – Les salariés bénéficiaires de titres‑restaurant peuvent les utiliser dans tous les départements du territoire français. »
Article 3
La section 2 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complétée par un article L. 3262‑5‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3262‑5‑2. – Un décret en Conseil d’État précise deux limites maximales d’utilisation journalière des titres‑restaurant : l’une pour les commerces de détails en magasins non spécialisés à prédominance alimentaire, et l’autre pour les restaurants, hôtels‑restaurants et assimilés ainsi que les autres commerces de détail alimentaire. »
Article 4
La section 1 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complétée par un article L. 3262‑3‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3262‑3‑1. – Les organismes émetteurs de titres‑restaurant ont interdiction de distribuer des remises de fin d’année aux employeurs dont les salariés sont bénéficiaires de titres‑restaurant. »
Article 5
L’article L. 3262‑7 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les modalités de publication des montants des commissions pratiquées par les organismes émetteurs de titres‑restaurant mentionnés au troisième et au quatrième alinéa de l’article L. 3262‑1 du code du travail, de manière à assurer une information transparente et claire des commerçants acceptant le paiement par titres‑restaurant. »
Article 6
La section 2 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complétée par un article L. 3262‑5‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3262‑5‑3. – Toute personne physique ou morale exerçant une profession du commerce de détail alimentaire ou toute autre profession mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 3262‑3 acceptant des titres‑restaurant pour le paiement de produits non alimentaires s’expose à une sanction pouvant aller jusqu’à la suspension de l’agrément délivré par la Commission Nationale des Titres‑Restaurants pour une période de 24 mois. »
Article 7
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.