N° 1477
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
contre la proportionnelle et pour l’inscription du scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans la Constitution,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Alexandre PORTIER, M. Laurent WAUQUIEZ,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi constitutionnelle a pour objet d’inscrire dans la Constitution le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour les élections législatives.
Jusqu’à présent le mode de scrutin était défini par une loi ordinaire, conformément à l’article 34 de la Constitution. Mais face à la volonté répétée et constante de certains partis de manipuler le mode de scrutin, il est temps de le graver une fois pour toutes dans notre loi fondamentale car il est intimement lié à l’esprit de la Ve République.
Lorsqu’une crise politique surgit, à l’instar de celle ouverte par la dissolution de juin 2024, le vieux serpent de mer de la proportionnelle refait surface. Loin d’être nouveau, ce réflexe est une constante de l’histoire républicaine depuis 1870. Faute de pouvoir changer la vie des Français, certains cherchent à se réfugier derrière des bricolages politiciens.
C’est un fait : en juin 2024, de façon tout à fait inédite, aucune majorité ne s’est dégagée des dernières élections législatives, malgré le scrutin majoritaire.
Est‑ce la faute au mode de scrutin ? Le croire, ce serait refuser de regarder en face les raisons claires de la crise politique dans laquelle nous avons glissé : la déception générée par le personnel politique, le « en même temps » qui empêche la possibilité d’une alternance républicaine, des accords de second tour contre‑nature.
Ces facteurs‑là ne disparaîtraient pas comme par enchantement avec la proportionnelle. Il faut le dire tout haut, le scrutin proportionnel ne règlerait rien. Au contraire, il aggraverait tout. La proportionnelle transformerait un défaut conjoncturel en catastrophe structurelle et définitive.
Elle favoriserait l’émiettement politique, empêcherait durablement l’émergence d’une majorité claire et contraindrait les partis à bricoler des majorités politiques au lendemain de l’élection. Le peuple, en votant, pense choisir une direction. Or, une même assemblée peut produire des politiques très différentes, parfois mêmes contraires, au gré des combinaisons et des accords d’appareil. Ce qui s’est passé en Italie ces dix dernières années nous l’a montré.
Les défis que nous devons relever collectivement sont immenses : assurer la sécurité des Français, redonner sa valeur au travail, rétablir les comptes publics, offrir une espérance aux classes moyennes et populaires, faire rayonner la France dans le monde.
Pour y parvenir, il faut un pouvoir qui connaît le pays, qui l’écoute et le comprend, mais il faut surtout un pouvoir qui gouverne et qui donne un cap. Établir la proportionnelle, c’est institutionnaliser un gouvernement fragile, impuissant à régler les problèmes des Français, soumis aux diktats des partis, un gouvernement qui peut tomber à tout moment, parfois du seul fait qu’il n’ait pas cédé aux caprices d’un parti minoritaire de la coalition.
La proportionnelle serait une catastrophe, car les électeurs ne seraient plus appelés à voter pour un député, qu’il connaisse, mais pour une liste dont la plupart seraient là parce que cooptés et pour service rendu à leur parti.
De bonnes âmes ont supprimé le cumul des mandats, faisant élire à l’Assemblée nationale de nombreux députés hors‑sol. Plusieurs des promoteurs de cette réforme reconnaissent aujourd’hui que c’était une erreur. Voulons‑nous de la proportionnelle pour détruire définitivement le lien et la confiance qui devraient exister entre le peuple et ses représentants ?
L’histoire des IIIe et IVe Républiques nous enseigne que les expériences de proportionnelle ont aggravé les crises, généré des situations de blocage et engendré une instabilité chronique, alors même que les gouvernements étaient parfois constitués de sincères et solides patriotes. Pas trois fois, la France a tenté la proportionnelle, pas trois fois, elle en est très vite revenue. Ne devrions‑nous pas être définitivement vaccinés et écouter enfin les leçons de nos prédécesseurs ?
Un système de représentation sans défaut n’existe pas et le scrutin majoritaire à deux tours n’empêche pas, à lui seul, des situations temporaires d’absence de majorité. Néanmoins, il permet une offre politique crédible, rend possible l’alternance et la sanction démocratique. Et surtout, il est le mode de scrutin le plus adapté aux institutions de la Ve République, dont nous souhaitons la survie et le redressement plutôt que la mort.
Cette proposition de loi permettrait de préserver ce qui a très largement prouvé son efficacité – le scrutin uninominal majoritaire à deux tours – et de combattre ce qui a toujours échoué : la proportionnelle.
– 1 –
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er
Le troisième alinéa de l’article 24 de la Constitution est complété par les mots : « et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ».
Article 2
Au premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, le mot : « fixe » est remplacé par les mots : « précise le régime électoral de chaque assemblée, ».
Article 3
Au septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, les mots : « des assemblées parlementaires, » sont supprimés.