– 1 –

N° 1502

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à accélérer le développement du transport maritime à propulsion vélique,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Jimmy PAHUN, M. Hervé BERVILLE, M. Jean-Paul LECOQ, M. Didier LE GAC, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sophie PANONACLE, Mme Liliana TANGUY, M. Vincent LEDOUX, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Béatrice BELLAY, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Béatrice PIRON, M. Henri ALFANDARI, M. Xavier LACOMBE, Mme Sandrine LE FEUR, M. Paul-André COLOMBANI, M. Laurent MAZAURY, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Vincent CAURE, M. Michel CASTELLANI, M. Paul MOLAC, M. Joël BRUNEAU, M. Paul CHRISTOPHE, M. Xavier ALBERTINI, M. Jean-Luc FUGIT, M. Stéphane BUCHOU, Mme Lise MAGNIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Romain DAUBIÉ, M. Philippe BONNECARRÈRE, M. Philippe FAIT, M. Jean-Michel JACQUES, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-Michel BRARD, M. Sylvain BERRIOS, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Nicolas RAY, Mme Claudia ROUAUX, M. Bruno FUCHS, Mme Camille GALLIARD-MINIER, M. Mickaël BOULOUX, Mme Delphine BATHO, M. Belkhir BELHADDAD, M. Emmanuel GRÉGOIRE, Mme Anna PIC, M. Jacques OBERTI, M. Arthur DELAPORTE, Mme Pascale GOT, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Alain DAVID, M. Inaki ECHANIZ, M. Laurent LHARDIT, M. Sébastien HUYGHE, M. Pierrick COURBON, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, M. Mikaele SEO, M. Philippe BOLO, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, Mme Anne GENETET,

députées et députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le transport maritime représente environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit près d’un milliard de tonnes de CO₂ émises chaque année. Dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI), les États se sont fixés pour objectif la neutralité carbone de ce secteur en 2050. Il est, pour cela, nécessaire d’accélérer la transition énergétique du transport maritime. Cela passe par le développement d’alternatives crédibles et durables à la propulsion fossile dominante.

Une alternative immédiatement disponible existe. Elle est portée par une filière d’excellence industrielle française. Il s’agit de la propulsion vélique, c’est‑à‑dire de l’utilisation directe de l’énergie du vent pour propulser les navires. La filière vélique française repose sur deux composantes complémentaires, également nécessaires à la transition maritime.

La première composante vise la décarbonation immédiate de la flotte mondiale en équipant des navires neufs ou existants, les grands navires de commerce – porte‑conteneurs, vraquiers, pétroliers – de dispositifs véliques, tels que des voiles, des ailes, des profils aspirés, des rotors ou des kites, en complément de leur propulsion principale. Ces navires produisent 80 % des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. Alors que le transport maritime mondial continue de croître et repose essentiellement sur ces navires de grande capacité, il est tout à fait fondamental de réduire la consommation de carburant de ces navires par l’ajout de technologies décarbonées. Une réduction même partielle permet d’éviter des milliers de tonnes de dioxyde de carbone par an et par navire : réduire de 5 % les émissions des grands navires évite l’émission de 50 millions de tonnes de dioxyde de carbone chaque année.

La seconde composante s’attache à réinventer le transport maritime autour des valeurs de sobriété, de robustesse et d’ancrage local. Les initiatives qui la composent sont portées par des compagnies pionnières, parfois constituées en coopératives. Elles développent des voiliers‑cargos conçus pour naviguer principalement à la voile. Elles assurent notamment des liaisons directes avec les territoires ultramarins, en desservant des ports secondaires. Elles travaillent, également, main dans la main avec les producteurs, les chargeurs et la société civile. Ces projets, bien qu’à plus petite échelle, réduisent drastiquement les problématiques associées à la logistique maritime actuelle, c’est‑à‑dire, les émissions polluantes, le bruit sous‑marin, les risques de pollution, la dépendance au pétrole et le besoin en infrastructures lourdes. Ils incarnent un nouveau récit maritime, cohérent avec les attentes citoyennes, les enjeux climatiques et la diversification logistique des territoires.

Ces deux approches, loin de s’opposer, se renforcent mutuellement. La première réduit, de manière significative, les émissions du secteur existant. La seconde préfigure un nouveau modèle de transport plus sobre, localisé et résilient, tout en expérimentant, dès aujourd’hui, en conditions réelles, les technologies véliques qui pourraient équiper, demain, l’ensemble de la flotte mondiale. Ce sont, en effet, ces néo‑armateurs, acteurs agiles, engagés et ancrés dans les territoires, qui offrent aux équipementiers français les premières occasions concrètes de mise en œuvre. En accueillant à bord des technologies encore peu éprouvées, ils jouent un rôle de catalyseur indispensable à la structuration industrielle de la filière. Grâce à eux, les dispositifs véliques développés en France peuvent passer du prototype au démonstrateur, du démonstrateur à la norme.

La France dispose, d’ores‑et‑déjà, d’une base solide pour faire de cette filière un atout stratégique. Plus de 14 équipementiers développent des systèmes véliques innovants, largement soutenus par l’État dans les phases de recherche et développement. Au total, la France compte 16 compagnies maritimes spécialisées. En 3 ans, 3 usines et plus de 1 100 emplois ont été créés. La filière se fixe l’objectif de créer 4 000 emplois d’ici 2030 et de générer 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Cependant, cette dynamique reste fragile car le marché mondial demeure immature. Le cadre juridique est, quant à lui, largement inadapté et les soutiens financiers insuffisants pour permettre aux acteurs français, souvent des PME pionnières, de franchir l’étape du déploiement.

La présente proposition de loi vise à remédier à ces écueils en reconnaissant et soutenant durablement l’ensemble de la filière vélique française. Ainsi :

– l’article 1er définit juridiquement le navire marchand à propulsion vélique ;

– l’article 2 réinstaure le régime d’exonération de charges sociales pour les navires à propulsion principale vélique ;

– l’article 3 modifie le dispositif de suramortissement vert afin de soutenir les investissements dans des flottes réellement décarbonées ;

– l’article 4 intègre les navires véliques dans le champ des certificats d’économie d’énergie ;

– l’article 5 flèche une part des recettes issues du marché carbone maritime européen au financement de la décarbonation du transport maritime ;

– les articles 6 et 7 instaurent un régime d’accises spécifique pour les produits transportés à la voile, afin d’encourager les filières agricoles et ultramarines à recourir à des modes de transport décarbonés, à l’image du rhum,

– et l’article 8 gage la proposition de loi.

 

 

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

La cinquième partie du code des transports est complétée par un article L. 5000‑2‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 500023. – Un navire à propulsion vélique est un navire équipé de dispositifs techniques permettant de capter et d’exploiter directement l’énergie du vent en énergie mécanique, utilisée pour sa propulsion.

« Un navire à propulsion principale vélique est conçu pour que sa propulsion soit assurée à hauteur d’au moins 50 % par l’énergie du vent.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »

Article 2

I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 5553‑11 du code des transports est complété par les mots : « , ou de navires à propulsion principale vélique au sens de l’article L. 5000‑2‑3. »

II. – Le présent article est abrogé le premier jour du trente‑septième mois à compter de son entrée en vigueur.

Article 3

Le I de l’article 39 decies C du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« 1° À Une somme égale à 100 % des coûts supplémentaires immobilisés, hors frais financiers, directement liés à l’installation d’équipements, acquis à l’état neuf, qui permettent l’utilisation d’une propulsion vélique pour les navires et bateaux de transport de marchandises ou de passagers, ainsi que les navires spéciaux, au sens de l’article L. 5000‑2‑3 du code des transports, et qui sont affectés à leur activité. Le taux est majoré :

« a) De 20 % lorsque le navire est en propulsion principale vélique au sens de l’article L. 5000‑2‑3 ;

« b) De 20 % lorsque les coûts sont supportés par des moyennes entreprises au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché́ intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ;

« c) De 30 % lorsque les coûts sont supportés par des petites entreprises au sens de la même annexe I. » ;

2° Au onzième alinéa, les mots « 1° à 5° » sont remplacés par les mots : « 1° A à 6° » ;

3° À l’avant‑dernier alinéa, les mots : « 1°, 2° et 3° » sont remplacés par les mots : « 1° à 4° » ;

4° La dernier alinéa est ainsi modifié :

a) La référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° » ;

b) La référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 5° ».

Article 4

L’article L. 221‑7 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions d’économies d’énergie réalisées au sein de navires ayant une activité de transport maritime vélique, entre deux ports français ou entre un port français et un port étranger, peuvent donner lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie et aux pondérations associées selon l’article L. 221‑8 du code de l’énergie dans des conditions définies par décret. »

Article 5

La sous‑section 3 bis de la section 2 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement est complété par un article L. 229‑18‑9 ainsi rédigé :

« Art. L. 229189. – Le fonds pour la décarbonation du transport maritime est chargé de soutenir la filière maritime, sur l’ensemble des segments de la flotte, y compris la propulsion vélique, afin de lui permettre de réduire son empreinte environnementale, notamment et ses émissions de gaz à effet de serre, conformément à l’objectif de neutralité carbone en 2050.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de mise en œuvre du fonds. »

Article 6

Peuvent être exportés des départements français d’outre‑mer vers la France métropolitaine en exemption de la soulte et jusqu’à concurrence d’une quantité annuelle de 153 000 hectolitres d’alcool pur les rhums et tafias traditionnels qui répondent aux conditions de l’article 3 du décret n° 88‑416 du 22 avril 1988 et ne titrant pas plus de 90 % vol.

La gestion du dispositif visé au premier alinéa peut être déléguée à une interprofession créée conformément à la loi n° 75­‑600 du 10 juillet 1975 relative à l’organisation interprofessionnelle agricole.

Les quantités réparties en application du présent article ne sont pas négociables et ne peuvent être l’objet d’aucune transaction. Les quantités faisant l’objet d’un transport maritime vers l’hexagone sur des navires battant pavillon français tels que ciblés à l’alinéa 4 de l’article L. 5611‑2 du code des transports ne font pas partie de ces contingents.

Les conditions d’application de cet article, notamment les modalités de répartition des rhums entre les départements français d’outre‑mer et entre les producteurs et la gestion de ces contingents sont fixées par décret en Conseil d’État.

Article 7

L’article L. 313‑25 du code des impositions sur les biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce tarif bénéficie d’un allègement de 5 % lorsque le rhum fait l’objet d’un transport sur des navires à propulsion vélique, 20 % lorsque le rhum fait l’objet d’un transport sur des navires à propulsion principale vélique. »

Article 8

I. – La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.