N° 1539
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à clarifier la définition des activités agricoles pour les entrepreneurs de travaux forestiers,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Matthieu BLOCH, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Mme Brigitte BARÈGES, M. Bernard CHAIX, Mme Christelle D’INTORNI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, M. Christophe BARTHÈS, Mme Stéphanie GALZY, M. Hervé DE LÉPINAU, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Joëlle MÉLIN,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le secteur des travaux forestiers traverse depuis plus d’une décennie une période de fragilisation silencieuse, mais profonde. En 2021, la France comptait 6 729 entreprises de travaux forestiers (ETF) et sylvicoles, contre 7 991 en 2012. Ce recul, significatif, traduit la disparition de plus de 1 000 structures en seulement dix ans. Dans le même intervalle, le tissu des entreprises de travaux agricoles s’est, au contraire, étoffé de 2 000 entités supplémentaires. Cette dynamique contrastée illustre à la fois une tendance à la marginalisation progressive des ETF et un différentiel d’attractivité entre ces deux types d’entreprises, pourtant toutes deux essentielles à la vitalité de nos territoires ruraux.
Les entrepreneurs de travaux forestiers assurent aujourd’hui une part essentielle des opérations liées à la sylviculture, qu’il s’agisse de reboisement, d’entretien des peuplements, d’exploitation des bois ou de travaux connexes. Leur rôle est d’autant plus stratégique qu’ils interviennent dans un contexte de transition écologique, où la gestion durable et multifonctionnelle des forêts devient un impératif de premier ordre. Pourtant, malgré leur engagement sur le terrain et leur contribution décisive à la structuration de la filière bois, leur statut demeure incertain, souvent inadéquat au regard de la réalité de leurs missions. Cette imprécision juridique engendre des conséquences concrètes, qui entravent le développement de leurs activités et fragilisent leur ancrage local.
En particulier, un flou persistant entoure les activités dites « en aval immédiat » de la production forestière, tels que le stockage, le conditionnement, ou encore la transformation primaire de produits ligneux, bois de chauffage, plaquettes forestières, palettes, piquets ou autres bois bruts. Bien que ces tâches soient intrinsèquement liées à la chaîne de valeur forestière et qu’elles participent pleinement à la valorisation des produits issus des forêts françaises, elles ne bénéficient pas, à ce jour, d’un cadre juridique clair. Cela a pour effet de priver les ETF de certains droits et facilités reconnus à d’autres acteurs du monde rural, en particulier aux exploitants agricoles.
Selon la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (FNEDT), les ETF réalisent près de 70 % des travaux de sylviculture‑reboisement et 80 % des travaux d’exploitation forestière sur l’ensemble du territoire national. Ils interviennent pour le compte de clients variés : propriétaires privés, coopératives forestières, exploitants‑négociants, industries de transformation du bois, Office national des forêts (ONF), ou encore collectivités territoriales. Cette diversité d’interlocuteurs montre combien ces entreprises sont intégrées dans les chaînes économiques locales et nationales, tout en étant placées au cœur des enjeux de renouvellement forestier, de lutte contre le changement climatique et de valorisation des ressources naturelles.
Malgré cela, en l’absence de reconnaissance juridique pleine et entière de leurs missions connexes, les entrepreneurs de travaux forestiers se heurtent à des difficultés majeures. À titre d’exemple, l’impossibilité d’exercer certaines de leurs activités en zone agricole, du fait de leur qualification juridique actuelle, ou encore l’interdiction d’implanter des bâtiments de stockage indispensables à leur bon fonctionnement, sont autant d’obstacles qui freinent l’essor de leur modèle économique et compromettent, à terme, la pérennité de nombreuses entreprises.
C’est pourquoi le présent texte vise à combler ce vide juridique. Son article premier introduit une avancée importante en offrant un cadre légal adapté aux réalités du terrain. Il reconnaît désormais, de manière explicite, la légitimité des activités situées en aval immédiat de la production forestière, dès lors qu’elles sont réalisées par des professionnels identifiés, sur des produits issus de cycles biologiques et dans le respect des principes de gestion forestière durable. En clarifiant leur statut et en sécurisant leur exercice, cette disposition permet d’assurer une meilleure cohérence entre les besoins opérationnels des ETF et les règles d’occupation des sols, de construction ou d’exploitation en milieu rural.
Cette reconnaissance constitue une étape nécessaire pour donner à la filière bois les moyens de sa structuration et de son développement, dans une logique de valorisation durable des ressources forestières françaises.
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proposition de loi
Article unique
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Sont également réputées agricoles les activités de stockage et de première transformation du bois, lorsque ces dernières sont assurées par des entrepreneurs de travaux forestiers inscrits au registre des actifs agricoles sous réserve que ces activités portent exclusivement sur des produits issus de cycles biologiques. »