N° 1544

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer les relations contractuelles entre les constructeurs et les distributeurs automobiles,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Pierre TAITE, M. Jean-Didier BERGER, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Josiane CORNELOUP, M. Laurent MAZAURY, M. Alexandre PORTIER, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Jean-Yves BONY, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Romain DAUBIÉ,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte réglementaire européen qui encadre de manière insuffisante les pratiques contractuelles entre constructeurs et distributeurs - la non‑reconduction du Règlement européen d’exemption n° 1400/2002 du 31 juillet 2002, spécifique à la distribution automobile, et le rattachement de ce secteur au règlement général, en 2010, puis en 2022, ne permettent pas de couvrir ces dispositions – un grand nombre de pays européens ont fait le choix d’encadrer la distribution, par des dispositions législatives spécifiques dans leur droit national, dans le but de préserver la capacité des distributeurs à contribuer à l’économie locale et au verdissement des mobilités.

Cette proposition de loi est le fruit d’un long travail réunissant la PFA (plateforme automobile), la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM), Renault, Stellantis et Mobilians, le ministère délégué à l’industrie ainsi que les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction générale des entreprises (DGE).

Elle vise à :

‑ encadrer la cession de l’entreprise de distribution, afin que le distributeur puisse céder ses droits et obligations à la personne de son choix, sous réserve qu’elle présente une offre d’achat répondant aux critères requis par le constructeur ;

‑ prévoir une compensation aux investissements non amortis réalisés à la demande du constructeur, ainsi que la valeur de la clientèle attachée localement à la marque.

À l’instar de ce qui a été mis en œuvre dans ces pays, il est primordial que la France légifère en la matière. Le soutien du réseau de distribution permettra de renforcer les investissements engagés par les marques françaises et européennes et leur diffusion dans nos territoires.

Tel est l’objet de cette proposition de loi

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le livre III du code de commerce est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE

« Art. L. 3511. – Pour l’application du présent titre, on entend par :

« 1° Distributeur : toute personne physique ou morale de droit privé qui exerce des activités de distribution de véhicules automobiles neufs, en son nom et pour son compte ou en qualité de commissionnaire au sens de l’article L. 132‑1 du présent code, au titre d’un contrat de distribution automobile conclu avec un fournisseur et couvrant tout ou partie du territoire français métropolitain ;

« 2° Contrat de distribution automobile : tout contrat relatif à l’achat, la vente ou la revente de véhicules automobiles neufs à quatre roues et plus sur tout ou partie du territoire français, par lequel le distributeur agit en son nom et pour son compte ou pour le compte du fournisseur, auquel est éventuellement associé un contrat de réparation portant sur les services de réparation et d’entretien des véhicules automobiles et, ou, un contrat de distribution de pièces de rechange pour véhicules automobiles ;

« 3° Fournisseur : toute personne morale de droit privé exerçant une activité de production ou d’importation de véhicules automobiles sur le territoire français et ayant mis en place, pour la distribution desdits véhicules, un réseau de distribution ;

« 4° Réorganisation contractuelle : résiliation d’un contrat de distribution automobile s’accompagnant ou suivie à bref délai de la proposition, par le fournisseur, de la conclusion d’un nouveau contrat permettant au distributeur concerné de conserver une activité de distribution comparable au sein du réseau de distribution du fournisseur, notamment en qualité de distributeur, de commissionnaire ou d’agent commercial, pour la commercialisation des véhicules automobiles neufs de la marque du fournisseur ;

« 5° Réorganisation structurelle du réseau de distribution : résiliation de contrats de distribution automobile au sein du réseau de distribution d’un fournisseur emportant une réduction du nombre de points de vente du réseau d’au moins 15 % à l’échelle nationale française ou d’au moins 20 % à l’échelle d’une région administrative française, cette réduction du nombre de points de vente devant être maintenue pour une durée ne pouvant être inférieure à deux ans à compter de la date de prise d’effet de la résiliation.

« Constitue également une réorganisation structurelle du réseau le cas où le nombre de points de vente est réduit d’au moins 15 % à l’échelle nationale ou d’au moins 20 % à l’échelle d’une région administrative française et où, pour un même investisseur, les points de vente maintenus sont exploités au titre d’un contrat de distribution ou d’un contrat régi par les articles L. 134‑1 et suivants, et les points de vente supprimés sont transformés en sites de réparation.

« Art. L. 3512. – I. – Le présent titre s’applique aux relations contractuelles entretenues entre les fournisseurs et les distributeurs de véhicules automobiles neufs, au titre d’un contrat de distribution automobile par le biais d’un ou plusieurs points de vente physiques situés sur le territoire français métropolitain.

« II. – Le présent titre ne s’applique pas aux relations entre agents commerciaux et fournisseurs de véhicules automobiles régies par les articles L. 134‑1 et suivants du présent code, ni aux relations entre un fournisseur et un réparateur agréé et, ou, distributeur de pièces de rechange si ces derniers ne sont pas également titulaires d’un contrat de distribution relatif à l’achat, la vente ou la revente de véhicules automobiles neufs à quatre roues et plus conclu avec le fournisseur. 

« Art. L. 3513. – Les contrats de distribution automobile sont conclus intuitu personae en la personne du distributeur et, ou, de ses dirigeants et, le cas échéant, de ses actionnaires contrôlant l’entreprise du distributeur.

« Les droits et obligations détenus en vertu du contrat de distribution automobile ne peuvent être cédés ou transférés, directement ou indirectement, notamment en cas de cession du fonds de commerce et, ou, par le biais d’une cession du contrôle direct ou indirect de la société du distributeur sans le consentement écrit et préalable du fournisseur, lequel demeure libre d’agréer ou non le cessionnaire proposé. »

« Art. L. 3514.  I. – En cas de volonté du distributeur de céder à un tiers son fonds de commerce ou en cas de volonté des actionnaires de céder les titres de la société du distributeur, avec les droits et obligations attachés au contrat de distribution automobile conclu avec le fournisseur, le distributeur doit informer le fournisseur du projet de cession en respectant un délai préalable raisonnable d’au moins quatre mois avant la date envisagée pour sa réalisation, et lui fournir, au plus tard trois mois avant cette même date, un dossier complet contenant tous les éléments nécessaires lui permettant de se prononcer de manière éclairée sur la candidature du cessionnaire potentiel proposé.

« Le fournisseur doit se prononcer sur la candidature du cessionnaire potentiel proposé par le distributeur au plus tard à l’issue d’un délai de deux mois, prolongée d’un mois si le délai de deux mois comprend les mois de juillet ou d’août, commençant à courir à compter de la réception du dossier complet visé au premier alinéa.

« Le fournisseur peut refuser d’agréer le cessionnaire potentiel proposé par le distributeur :

« 1° S’il ne remplit pas les critères et, ou, standards contractuels requis par le fournisseur, ou

« 2° Si le cessionnaire potentiel remplit les critères et/ou standards contractuels, à condition que le fournisseur présente une raison de refus prévue dans le contrat de distribution automobile ou s’il fait état d’une raison motivée par écrit.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, le distributeur dispose d’un délai d’un mois pour demander au fournisseur de lui présenter un candidat alternatif. Dans ce cas, le fournisseur est tenu de présenter au distributeur un cessionnaire potentiel ayant son agrément dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande du distributeur, à charge pour ce cessionnaire potentiel de faire une proposition d’acquisition dans un délai maximum de trois mois à compter de la transmission par le distributeur de tous les éléments nécessaires à cette fin. 

« II. – Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas en cas d’absence de viabilité constatée du point de vente du distributeur, en raison des charges de l’exploitation et du potentiel de ventes de véhicules neufs du point de vente concerné.

« Art. L. 3515. – I. – En cas de résiliation du contrat de distribution automobile s’il est à durée indéterminée, ou en cas de non‑renouvellement s’il est à durée déterminée, à l’initiative du fournisseur, non motivée par une faute ou un manquement contractuel du distributeur, le fournisseur a l’obligation de proposer au distributeur, dans un délai maximal de quatre mois à compter de l’envoi de la lettre de résiliation ou de non‑renouvellement, au moins un cessionnaire potentiel ayant son agrément pour faire l’acquisition du fonds de commerce ou des titres de la société du distributeur, à charge pour ce cessionnaire potentiel de faire une proposition d’acquisition dans un délai maximum de trois mois à compter de la transmission par le distributeur de tous les éléments nécessaires à cette fin. 

« Sans préjudice de l’application du premier alinéa du présent article, le distributeur est également en droit de présenter la candidature d’un cessionnaire potentiel dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la lettre de résiliation ou de non‑renouvellement. Dans ce cas, le fournisseur a l’obligation d’examiner la demande d’agrément de tout cessionnaire potentiel proposé par le distributeur. Le fournisseur transmet sa réponse à la demande d’agrément dans les meilleurs délais à compter de la réception de tous les éléments nécessaires à l’examen de la candidature et notamment à la vérification du respect des critères et, ou, standards requis.

« La décision d’agrément du cessionnaire potentiel proposé par le distributeur appartient en dernier lieu au fournisseur.

« Si le distributeur refuse de contracter avec le cessionnaire potentiel proposé par le fournisseur ou si les accords de cession ne sont pas conclus dans les quatre mois précédant l’expiration du délai de préavis, le fournisseur peut exercer son droit de nommer un autre distributeur à sa discrétion.

« II – Les dispositions du présent I ne s’appliquent pas :

« 1° En cas de cessation du contrat à l’initiative du distributeur ou résultant d’une faute ou d’un manquement contractuel du distributeur.

« 2° En cas d’absence de viabilité constatée du point de vente du distributeur résilié, en raison des charges de l’exploitation et du potentiel de ventes de véhicules neufs du point de vente concerné ;

« 3° En cas de réorganisation structurelle du réseau de distribution, au sens de l’article L. 351‑1 ;

« 4° En cas de réorganisation contractuelle par le fournisseur, au sens de l’article L. 351‑1. 

« Art. L. 3516. – Dans les cas mentionnés à l’article L. 351‑4, et au I de l’article L. 351‑5, et en cas de désaccord entre le distributeur et le cessionnaire potentiel proposé par le fournisseur sur le prix et, ou, les conditions de cession, le distributeur et le cessionnaire potentiel peuvent recourir à un tiers expert pour la valorisation des éléments du fonds de commerce du distributeur attachés à l’exécution du contrat de distribution automobile.

« Le tiers expert est désigné d’un commun accord par le distributeur et le cessionnaire potentiel ou, à défaut, à la requête de la partie la plus diligente, par le président du tribunal auquel le contrat de distribution attribue compétence ou, en l’absence de clause d’attribution de compétence contractuelle, par le président du tribunal de commerce de Paris. Les frais de l’expertise sont à la charge de la partie qui demande l’expertise.

« La mission du tiers expert, dans le cas d’une cession de fonds de commerce ou dans celui d’une cession des titres de la société du distributeur, portera sur l’évaluation des éléments corporels et incorporels affectés à l’exploitation du point de vente du distributeur pour la distribution de véhicules neufs de la marque du fournisseur et, le cas échéant, pour l’activité de réparation et, ou, de distribution de pièces de rechange, à l’exclusion d’éléments extérieurs, notamment les autres activités et l’immobilier.

« Le distributeur et le cessionnaire potentiel demeurent libres de renoncer au projet de cession si ces derniers ne souhaitent pas, de manière conjointe ou individuelle, appliquer les conditions et prix déterminées par le tiers expert. Dans le cas mentionné au I de l’article L. 351‑5, et en cas de renonciation conjointe du distributeur et du cessionnaire ou à l’initiative du distributeur au projet de cession, le fournisseur est en droit de résilier le contrat de distribution automobile sans devoir verser la compensation financière prévue au I de l’article L. 351‑7.

« En cas de refus du distributeur ou du cessionnaire potentiel présenté par le fournisseur d’appliquer les conditions et prix fixés par le tiers expert, le distributeur demeure libre de présenter un autre candidat dont la candidature devra être soumise à l’agrément du fournisseur.

« En cas de refus par le cessionnaire potentiel proposé par le fournisseur d’appliquer les conditions et prix déterminés par le tiers expert, le fournisseur a l’obligation de faire ses meilleurs efforts pour présenter au distributeur un autre cessionnaire potentiel ayant son agrément. 

« Art. L. 3517. – I. – En cas de manquement du fournisseur à son obligation prévue au premier alinéa du I de l’article L. 351‑5, le distributeur a droit à une compensation financière. Cette compensation financière correspond au double du montant des investissements réalisés pour le ou les points de vente concernés par la résiliation visée au premier alinéa du I de l’article L. 351‑5, par la société d’exploitation du distributeur et, ou, celle qui détient la propriété du ou des immeubles abritant l’exploitation du distributeur, et qui répondent aux critères cumulatifs suivants :

« 1° Les investissements corporels, hors immobilier, nécessaires à l’exécution du contrat de distribution et, le cas échéant, pour l’activité de réparation et, ou, de distribution de pièces de rechange ;

« 2° Qui ont été réalisés à la demande du fournisseur ou convenus avec le fournisseur pour le respect des critères et, ou, standards contractuels de la marque ;

« 3° Non réutilisables à l’issue du préavis ;

« 4° Pour leur montant non‑amorti à l’issue du préavis contractuel ;

« 5° Après déduction d’éventuelles aides ou subventions reçues du fournisseur pour la réalisation des investissements concernés.

« Le paiement de la compensation financière visée au présent article par le fournisseur vaut renonciation du distributeur à toute action à l’encontre du fournisseur, relative au caractère éventuellement abusif de la résiliation et au non‑respect des dispositions du I de l’article L. 351‑5. Le distributeur reste toutefois libre de ne pas demander ou de refuser le paiement de la compensation financière et de faire valoir judiciairement ses droits.

« II. – Par exception, la compensation financière mentionnée au I de l’article L. 351‑7, n’est pas due si le distributeur ou son actionnariat a trouvé un accord avant la fin du délai de préavis sur la cession de son fonds de commerce et, ou, de la société avec un candidat souhaitant conclure un contrat de distribution automobile avec le fournisseur. »

« Art. L. 3518. – Est nulle toute clause ou convention contraire aux dispositions des articles L. 351‑2 à L. 351‑7. Les contrats de distribution automobile peuvent toutefois contenir des clauses plus favorables aux distributeurs que les dispositions des articles L. 351‑2 à L. 351‑7. »

Article 2

Les dispositions de l’article 1er s’appliquent aux demandes d’agrément d’un candidat repreneur par le distributeur et aux résiliations intervenant après la publication de la présente ordonnance.