N° 1552
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2025.
PROPOSITION DE LOI
portant réforme de l’article 375 du code civil et création d’un référentiel national opposable pour la protection de l’enfance,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Isabelle SANTIAGO, M. Boris VALLAUD,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à réécrire l’article 375 du code civil afin de mieux protéger les enfants exposés à des situations de danger ou de compromission de leur développement.
I. – Un constat partagé d’insuffisance
L’article 375 dans sa rédaction actuelle repose sur des termes généraux (« santé, sécurité, moralité ») et une logique essentiellement réactive.
Cette imprécision génère des pratiques divergentes, une insécurité juridique pour les professionnels et des atteintes aux droits des enfants.
Elle ne tient pas compte des avancées majeures des sciences du développement de l’enfant, des engagements internationaux de la France, ni des recommandations issues des travaux parlementaires, notamment ceux de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance.
II. – Une réforme fondée sur les meilleures pratiques internationales
Cette proposition s’inspire des pays les plus avancés : le Québec (loi sur la protection de la jeunesse), la Suède, l’Écosse.
Elle propose :
– une définition claire, juridique et scientifique du danger ;
– l’introduction d’un référentiel d’évaluation fondé sur les besoins fondamentaux, la stabilité affective, l’attachement, et les capacités éducatives ;
– une logique de hiérarchisation de la réponse : prévention en amont, soutien parental, et, en dernier recours, placement limité dans le temps.
III. – Une approche centrée sur la prévention primaire
La réforme affirme que la protection judiciaire doit être exceptionnelle. Elle ne peut se substituer aux politiques publiques de soutien à la parentalité, de santé mentale périnatale, d’aide éducative précoce.
Elle renforce l’obligation de réévaluation régulière des situations, l’interdiction de placement prolongé en institution sans projet individualisé, et le droit de chaque enfant à un projet de vie stable.
IV. – Des garanties juridiques renforcées
L’instauration d’un référentiel opposable garantit :
– une égalité devant la loi entre territoires ;
– une lisibilité accrue pour les magistrats et les familles ;
– une plus grande transparence dans les décisions ;
– une conformité avec les droits de l’enfant, tels que consacrés par la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) et la jurisprudence européenne.
V. – Un texte fondateur pour une refondation de l’enfance en France
Ce texte constitue un premier pilier d’un projet plus large de refondation de la politique de l’enfance en France. Il s’inscrit dans une dynamique structurelle, où le droit devient le levier d’une action préventive, intégrée et coordonnée.
Il engage la France à hauteur de ses responsabilités et des espoirs que chaque enfant peut légitimement placer dans la République.
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proposition de loi
Article 1er
L’article 375 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 375. – Lorsqu’un enfant est en situation de danger ou que son développement est compromis, le juge des enfants peut ordonner une mesure de protection judiciaire.
« Le danger ou la compromission sont caractérisés lorsque les besoins fondamentaux de l’enfant ne sont pas ou ne peuvent pas être satisfaits de manière adéquate, ou que son développement physique, affectif, cognitif, psychique, social ou éducatif se trouve altéré ou menacé, de manière grave ou durable.
« L’évaluation du danger repose sur un référentiel national opposable, défini par décret en Conseil d’État après avis d’un Conseil scientifique pour l’enfance, fondé sur les données issues des neurosciences du développement, de la psychologie clinique, et de l’expérience professionnelle.
« L’autorité judiciaire statue au regard :
« – des besoins fondamentaux de l’enfant (soins, sécurité, stabilité, attachement, apprentissages) ;
« – de son développement global, au regard de son âge, de ses traumatismes et de ses capacités adaptatives ;
« – de la qualité de ses liens d’attachement et de la continuité relationnelle dans son parcours ;
« – des capacités éducatives de ses parents ou représentants légaux, présentes ou en voie de consolidation ;
« – des ressources mobilisables dans l’environnement de l’enfant pour assurer sa sécurité, sa santé et son épanouissement.
« Aucune décision ne peut être prise sans que soient d’abord envisagées, en priorité, les mesures de prévention, de soutien à la parentalité et d’intervention à domicile. Le placement doit demeurer une mesure ultime, proportionnée, et limitée dans le temps.
« Toute décision doit viser à offrir à l’enfant une solution stable, durable et conforme à ses besoins affectifs et développementaux, dans un délai compatible avec son âge. Il doit être priorisé pour les enfants dont la vie ou l’intégrité est gravement mise en péril, afin de garantir une réponse immédiate et proportionnée à la gravité de la situation. »
Article 2
Après l’article 375 du code civil, il est inséré un article 375‑1‑1 ainsi rédigé :
« La sécurité ou le développement d’un enfant peut être considéré comme risquant d’être compromis :
« 1° Lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’une situation prévue à l’article 375 est susceptible de se produire en l’absence d’intervention adaptée ;
« 2° Lorsque, malgré une ou plusieurs mesures d’accompagnement, la situation de l’enfant persiste, se répète ou s’aggrave, ou lorsque les actions prévues pour sa protection n’ont pu être mises en œuvre. »