N° 1723
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à éviter le gaspillage en réparation automobile,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Perrine GOULET, Mme Anne BERGANTZ, M. Romain DAUBIÉ, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Pauline LEVASSEUR, Mme Justine GRUET, Mme Delphine LINGEMANN, M. Bastien MARCHIVE, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Nicolas RAY, Mme Claudia ROUAUX, M. David TAUPIAC, M. Vincent THIÉBAUT,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Hamon en 2014, un principe fondamental s’est imposé dans le secteur de l’assurance automobile : la liberté de choix du réparateur. En cas de sinistre, les assurés peuvent désormais faire appel à l’atelier ou au garage de leur choix, qu’il soit agréé par leur compagnie d’assurance ou non. Cette mesure visait à dynamiser la concurrence entre les professionnels de la réparation, à limiter les situations de monopole ou d’entente entre assureurs et prestataires, et à offrir aux consommateurs une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de leurs réparations.
Cependant, cette liberté accrue a également ouvert la porte à certaines dérives commerciales, notamment dans des secteurs spécifiques comme celui du vitrage automobile. De plus en plus de réparateurs, dans un effort pour capter ou fidéliser une clientèle, ont recours à des incitations commerciales agressives, sous forme de cadeaux, de primes ou de bons d’achat. Ces offres, bien que séduisantes pour les assurés, posent un certain nombre de problèmes structurels.
En effet, cette stratégie marketing génère indirectement une augmentation artificielle du coût global des réparations. Les réparateurs répercutent souvent le coût de ces « avantages » sur le montant total facturé à l’assurance, ce qui entraîne une surfacturation systémique. Or, ces coûts supplémentaires sont, in fine, répercutés sur l’ensemble des assurés par une hausse des primes d’assurance. Ainsi, des pratiques qui peuvent sembler avantageuses à court terme pour certains assurés contribuent en réalité à un renchérissement global du coût de l’assurance pour tous.
De plus, cette dynamique fausse les conditions normales de la concurrence entre les réparateurs. Ceux qui choisissent de ne pas recourir à ce type de promotions, par souci d’éthique ou de transparence tarifaire, se retrouvent désavantagés face à des concurrents qui attirent artificiellement les clients avec des incitations extraservices. Ce déséquilibre altère le fonctionnement d’un marché concurrentiel sain et empêche une véritable égalité de traitement entre professionnels.
En outre, de telles dispositions doivent nous interroger en matière de transition écologique puisque ces structures passent d’une logique de réparation à une logique de remplacement alors même que cela ne serait pas nécessaire. Ainsi, on constate, par exemple, que les réparations de pare‑brise représentent 15 à 30 % des prestations chez un réparateur agréé contre 0,5 % des prestations chez un réparateur non‑agréé.
Dès lors, il apparaît nécessaire d’instaurer un cadre réglementaire plus rigoureux pour encadrer ces pratiques. L’objectif est double : d’une part, protéger les assurés contre une augmentation injustifiée de leurs cotisations ; d’autre part, rétablir des conditions de concurrence loyales entre les professionnels du secteur.
Concrètement, la mesure envisagée vise à introduire une disposition dans le code des assurances permettant aux compagnies d’assurance de refuser l’indemnisation d’une réparation si le réparateur professionnel a accordé à l’assuré une prime, un cadeau ou un avantage de toute nature dans le cadre de la prestation. Ce refus serait fondé sur la non‑conformité de la prestation aux principes fondamentaux du contrat d’assurance, notamment le principe indemnitaire énoncé à l’article L121‑1 du code des assurances, qui précise que l’indemnité versée par l’assureur ne peut dépasser la valeur de la chose assurée, et que le contrat ne peut être un moyen d’enrichissement pour l’assuré. Cette disposition serait permise via la création d’une disposition contractuelle pouvant être introduite dans les contrats d’assurance des assurés.
Par ailleurs, dans un souci de transparence, il est proposé de rendre obligatoire la mention explicite de toute prime ou cadeau accordé à l’assuré, que ce soit dans le devis ou sur la facture émise par le réparateur. Cette obligation permettrait de mieux contrôler les pratiques commerciales dans le secteur et de garantir une meilleure traçabilité des incitations accordées.
En somme, cette réforme viserait à responsabiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne – assureurs, réparateurs et assurés – en mettant fin à une zone grise qui profite à certains au détriment de l’intérêt général. Elle participe d’une logique de moralisation des pratiques commerciales, de maîtrise des coûts dans le secteur assurantiel, et de rétablissement d’un marché fondé sur la qualité des prestations plutôt que sur des avantages périphériques.
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proposition de loi
Article unique
I. – Après l’article L. 211‑5‑2 du code des assurances, sont insérés deux articles L. 211‑5‑3 et L. 211‑5‑4 ainsi rédigés :
« Art. L. 211‑5‑3. – Tout contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211‑1 peut prévoir que l’assureur, en cas de dommage garanti par le contrat, a la faculté de refuser l’indemnisation de la réparation, lorsque le réparateur professionnel accorde, dans le cadre de cette réparation, des primes consistant notamment en produits, biens, services, remboursement de franchise, chèques ou cartes cadeaux. Le cas échéant, l’information sur les dispositions contractuelles correspondantes est délivrée lors de la déclaration du sinistre, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« Le présent article ne s’applique pas à une réduction éventuelle du prix directement liée à la réparation.
« Art. L. 211‑5‑4. – Tout réparateur professionnel qui accorde une prime consistant notamment en produits, biens, services, remboursement de franchise, chèques ou cartes cadeaux dans le cadre d’une réparation d’un véhicule au sens de l’article L. 211‑1 mentionne cette prime dans le devis et dans la facture.
« Tout manquement à cette obligation est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation. »
II. – Au 30° de l’article L. 511‑7 du code de la consommation, les mots : « De l’article L. 113‑15‑3 » sont remplacés par les mots : « Des articles L. 113‑15‑3, et L. 211‑5‑4 ».