N° 1732
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à simplifier la pratique des professionnels de l’esthétique,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Danielle BRULEBOIS, M. Guillaume KASBARIAN, Mme Laure MILLER, Mme Isabelle RAUCH, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Ian BOUCARD, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-Michel JACQUES,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En l’absence de définition légale, les professionnels de l’esthétique, titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou d’un brevet professionnel (BP) d’esthétique, sont victimes d’une forte imprévisibilité juridique qui mine leur profession car exposés à des revirements de doctrine administrative. 76 % des professionnels pratiquent aujourd’hui des soins dits « technologiques ». Certains appareils de soins esthétiques coûtent plusieurs dizaines de milliers d’euros, il s’agit d’investissements conséquents pour une profession majoritairement artisanale. Cette absence de clarté sur leur champ de compétence est une épée de Damoclès sur la profession, tant juridique que financière. En effet, si autrefois la frontière entre médecine esthétique et soins esthétiques était claire, l’apparition de nouvelles technologies sur le marché esthétique tend à la brouiller.
À titre d’exemple, la pratique de thérapie d’induction du collagène (microneedling), un soin du visage régénérant prodigué à l’aide de micro‑aiguilles de 0,3 milimètres de longueur, a longtemps été encouragée par les pouvoirs publics puisque Pôle emploi et les Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) proposaient des formations à cette pratique. Pour certains professionnels, cette pratique représentait une part importante de leur chiffre d’affaires. Du jour au lendemain, il leur a été opposé qu’il s’agissait d’une pratique médicale dès lors qu’il y a une effraction cutanée. Or, perceurs et tatoueurs bénéficient d’une dérogation à l’interdiction de l’effraction cutanée, leur permettant d’aller bien plus profond sous la peau, tout en ayant une formation bien moins complète que les professionnels de l’esthétique. L’autorisation aux professionnels de l’esthétique de pratiquer l’épilation laser et lumière pulsée depuis la publication du décret du 24 mai 2024 est bien la reconnaissance du fait que la destruction de tégument en matière esthétique n’est plus un tabou, les professionnels du secteur sont tout à fait aptes à pratiquer de nouvelles techniques tout en garantissant la protection du consommateur.
Par ailleurs, la France fait face à une pénurie alarmante de dermatologues. Selon une étude de l’UFC‑Que Choisir (2023), le délai moyen pour obtenir un rendez‑vous chez un spécialiste est de six mois, pouvant aller jusqu’à un an dans certains départements. Selon le Dr Jean‑François Delahaye, conseiller national chargé de la médecine esthétique, il y aurait 3 750 dermatologues qui pratiqueraient les soins esthétiques et entre 4 000 et 5 000 médecins venant de la médecine générale ou d’autres spécialités. Si certaines techniques esthétiques très invasives doivent nécessairement être réalisées par un médecin, beaucoup de soins esthétiques pourraient être réalisés par des professionnels de l’esthétique moyennant un encadrement et une formation obligatoire, qui paradoxalement n’existent pas aujourd’hui.
L’article L. 121‑1 du code de l’artisanat dispose que les soins esthétiques « ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle‑ci », mais aucune disposition légale ou réglementaire ne définit ce qu’est un « soin esthétique ». Cette proposition de loi vise à en donner une définition légale.
Ainsi, l’article unique de cette proposition de loi crée une définition des soins esthétiques incluant une destruction de tégument et l’effraction cutanée limitée à l’épiderme. C’est ce critère qui a été retenu dans le Manuel du groupe de travail sur les produits cosmétiques sur le champ d’application du règlement cosmétique (CE) n° 1223/2009, dont l’objectif était de donner des modalités de distinction concrète entre les produits médicaux et esthétiques.
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proposition de loi
Article unique
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’artisanat est ainsi modifié :
1° Le 5° de l’article L. 121‑1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « On entend par soin esthétique tout acte de soin du corps ou du visage à visée non‑thérapeutique, y compris les actes entraînant une effraction cutanée, sous réserve qu’ils soient limités à l’épiderme, ou destruction de téguments. » ;
2° Après l’article L. 121‑1, il est inséré un article L. 121‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121‑1‑1. – Par voie d’arrêté, le ministre de la Santé précise les modalités d’encadrement des soins esthétiques, notamment en ce qui concerne ceux entraînant une effraction cutanée ou une destruction de tégument. Il peut également interdire ou autoriser certains actes aux professionnels de l’esthétique par dérogation à cette disposition générale, en prenant en compte le niveau de formation de la profession et les risques sanitaires associés. »