N° 1790
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
relative à l’extension du droit à la pension de réversion aux couples liés par un pacte civil de solidarité,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Julien DIVE, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Joël BRUNEAU, M. Hubert BRIGAND, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Pierre CORDIER, Mme Maud PETIT, M. Richard RAMOS, M. Karl OLIVE, M. Pierrick COURBON, Mme Louise MOREL, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Moerani FRÉBAULT, M. Ian BOUCARD, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Karine LEBON, Mme Véronique RIOTTON, Mme Julie DELPECH, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Claudia ROUAUX, M. Nicolas FORISSIER, Mme Anne-Sophie RONCERET, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Nicolas RAY, M. Éric PAUGET, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Xavier ROSEREN, M. Michel HERBILLON,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La pension de réversion permet, lorsqu’un assuré décède, de reverser une part de sa pension à son conjoint survivant. C’est un mécanisme de solidarité conjugale, fondé sur une évidence : après avoir traversé la vie ensemble, il n’est pas juste que le survivant se retrouve seul… et sans rien !
Mais aujourd’hui encore, cette protection ne s’applique qu’aux couples mariés. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), tout comme les concubins, en sont exclus. L’article L. 353‑1 du code de la sécurité sociale ne reconnaît que le « conjoint survivant », et le code des pensions civiles et militaires de retraite en fait autant. Résultat : un partenaire pacsé, même après vingt ou trente ans de vie commune, n’a droit à aucune pension de réversion.
Ce traitement différencié, qui pouvait s’expliquer lors de la création du PACS en 1999, n’est aujourd’hui plus tenable. Le PACS n’est plus une exception car il est aujourd’hui devenu un mode d’union profondément ancré dans la société française. En 2022, plus de 210 000 PACS ont été conclus, contre environ 242 000 mariages. Un quart des unions en France sont désormais des PACS, et 64 % des enfants naissent hors mariage. Autrement dit, le modèle familial a changé mais le droit, lui, n’a pas suivi.
Or, le PACS crée bel et bien des obligations. Il impose la vie commune, l’aide matérielle et l’assistance mutuelle. Il engage les partenaires dans une solidarité économique, tout comme le mariage. Il serait donc temps de cesser de les opposer !
Cette inégalité engendre une injustice concrète. En effet, des femmes et des hommes, qui ont partagé une vie, qui ont cotisé, accompagné leur conjoint dans la maladie, élevé leurs enfants, se retrouvent du jour au lendemain sans aucun droit, simplement parce qu’ils n’étaient pas mariés. Et parfois, c’est un ex‑conjoint divorcé, marié brièvement vingt ans plus tôt, qui perçoit la totalité de la pension de réversion.
Cette situation n’est ni tenable socialement, ni défendable juridiquement. Certes, le Conseil constitutionnel (décision n° 2011‑155 QPC (question prioritaire de constitutionnalité)) et le Conseil d’État (arrêt du 28 juin 2002) ont confirmé qu’il était légal de réserver la pension de réversion aux couples mariés, au nom de la différence entre un contrat (le PACS) et une institution (le mariage). Mais cette conception strictement différenciée est de plus en plus contestée. La jurisprudence européenne va dans le sens d’une égalisation des droits lorsqu’un partenariat civil produit les mêmes effets qu’un mariage. C’est le sens, notamment, de l’arrêt Maruko de la Cour de justice de l’Union européenne (2008), qui rappelle qu’une prestation de survivant ne peut être refusée à un partenaire enregistré si celui‑ci est placé dans une situation comparable à celle d’un époux.
Les débats parlementaires n’ont pas manqué. Cette proposition a déjà été portée en 2019, puis en 2023 et de nouveau évoquée dans le cadre des réflexions du Conseil d’orientation des retraites. Mais rien n’a changé. Ou plutôt, tout a changé dans la société, sauf le droit.
En somme, l’extension du droit à la pension de réversion aux couples pacsés constituerait une avancée majeure pour des milliers de concitoyens, sans porter atteinte aux droits des conjoints mariés mais en corrigeant une inégalité devenue difficilement défendable. Elle renforcerait la protection sociale des familles et la sécurité financière du partenaire survivant, souvent le plus vulnérable après un deuil. Elle enverrait également un message fort de reconnaissance de toutes les formes d’union durable qui existent aujourd’hui en France, mariage et PACS, conformément à l’évolution de nos mœurs et de nos valeurs.
Tels sont les objectifs de ce texte qui inscrirait dans notre législation le principe selon lequel « même amour, même droits » : à engagement commun comparable, protection égale pour le conjoint survivant, qu’il soit marié ou pacsé.
Par conséquent, afin de rendre possible l’ouverture de la pension de réversion aux couples pacsés, plusieurs modifications doivent être faites sur des articles du code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite.
Modifier le code de la sécurité sociale (Article 1er)
Actuellement, les articles L. 351‑1, L. 353‑2 et L. 353 du code de la sécurité ne rendent possible l’obtention de la pension de réversion que pour les couples mariés, il s’agit de rajouter à chacun des articles les partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
Modification du code des pensions civiles et militaires de retraite (Article 2)
Le code des pensions civiles et militaires de retraite avec les articles L. 38, L. 40, L. 41, L. 43, L. 44, L. 46 et L. 50 ne concernent que les couples mariés, pour rendre possible l’obtention de la pension de réversion pour les couples liés par un pacte civil de solidarité, il est nécessaire de rajouter à chacun de ces articles les couples pacsés.
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proposition de loi
Article 1er
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 353‑1, après le mot : « survivant », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité ».
2° L’article L. 353‑2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;
b) Aux deuxième et troisième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
3° L’article L. 353‑3 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Le conjoint divorcé ou le partenaire ayant dissout son pacte civil de solidarité est assimilé à un conjoint survivant ou à un partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité pour l’application de l’article L. 353‑1. » ;
b) La première phrase du deuxième alinéas est ainsi rédigée : « Lorsque l’assuré est remarié ou relié par un pacte civil de solidarité, la pension de réversion à laquelle il est susceptible d’ouvrir droit à son décès, au titre de l’article L. 353‑1, est partagée entre son conjoint survivant ou son partenaire survivant et le ou les précédents conjoints divorcés ou partenaires ayant dissous son pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chaque mariage ou pacte civil de solidarité. »
Article 2
Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 38, après le mot : « civil », sont insérés les mots : « et les partenaires auxquels ils sont liés par un pacte civil de solidarité » ;
2° À la même première phrase du premier alinéa de l’article L. 38, après le mot : « survivants », sont insérés les mots : « ou aux partenaires survivants liés par un pacte civil de solidarité » ;
3° les a et b de l’article L. 43 sont ainsi rédigés :
« a) À la date du décès du fonctionnaire, les conjoints survivants ou divorcés et les partenaires survivants d’un pacte civil de solidarité ou l’ayant dissous, ayant droit à pension se partagent la part de la pension de réversion correspondant au rapport entre le nombre de conjoints survivants ou divorcés ou de partenaires survivants d’un pacte civil de solidarité ou l’ayant dissous et le nombre total de lits représentés. Cette part est répartie entre les conjoints ou partenaires au prorata de la durée respective de chaque mariage ou de pacte civil de solidarité.
« Un lit est représenté soit par le conjoint survivant ou divorcé ou par le partenaire survivant d’un pacte civil de solidarité ou l’ayant dissous, soit par les orphelins de fonctionnaires dont l’autre parent n’a pas ou plus droit à pension ;
« b) La différence entre la fraction de la pension prévue à l’article L. 38 et les pensions versées aux conjoints survivants ou divorcés ou aux partenaires survivants d’un pacte civil de solidarité ou l’ayant dissous du fonctionnaire en application du a est répartie également entre les orphelins ayant droit à la pension prévue à l’article L. 40 qui représentent un lit. »
4° À la première phrase de l’article L. 44, après le mot : « divorcé », sont insérés les mots : « ou le partenaire ayant dissous son pacte de solidarité civil ».
5° Après l’article L. 44, il est inséré un article L. 44‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 44‑1. – le partenaire survivant ou ayant dissous son pacte de solidarité,
« Le conjoint survivant ou divorcé, le partenaire survivant ou ayant dissous son pacte de solidarité, dont la nouvelle union est dissous »
5° L’article L. 45 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 45. – La pension de réversion définie à l’article L. 38 est répartie entre les différents conjoints, divorcés ou survivants, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chacune des différentes unions mentionnées à l’article L. 38. »
6° L’article L. 50 est ainsi modifié :
a) La première phrase du I est complété par les mots : « ou aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité » ;
b) Au premier alinéa du II et au III après le mot : « survivants », sont insérés, deux fois, les mots : « ou aux partenaires survivants d’un pacte civil de solidarité ».
Article 3
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.