N° 1809

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs par la prolongation d’un dispositif permettant une meilleure régulation des conditions de négociation,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Stéphane TRAVERT, Mme Anne-Sophie RONCERET,

député et députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de prolonger jusqu’en mars 2028 les conditions prévues par l’article 9 de la loi n° 2023‑221 du 30 mars 2023 dite « loi Descrozaille ». Cette prolongation s’avère nécessaire dans un contexte marqué par le retour d’une « guerre des prix » et par un durcissement des relations commerciales, constatés lors du dernier cycle de négociations clos en mars 2025.

Adoptée en 2023, la loi Descrozaille a introduit, à titre expérimental pour une durée de trois ans, plusieurs mesures encadrant les négociations commerciales. Son article 9 prévoit notamment qu’en l’absence de contrat renouvelé au plus tard le 1er mars — ou dans les deux mois suivant le début de la commercialisation pour certains produits — les relations commerciales doivent être suspendues. Ces dispositions visent à fluidifier les négociations entre fournisseurs et distributeurs, en leur offrant un cadre clair et équilibré.

Cependant, il apparaît aujourd’hui nécessaire de prolonger ces mesures pour plusieurs raisons :

– D’une part, cette prolongation répond à un impératif de stabilité juridique. Les règles actuellement en vigueur ont permis d’instaurer un cadre solide, dont la pérennisation jusqu’en mars 2028 contribuerait à maintenir cette stabilité.

– D’autre part, les objectifs initiaux de la loi Descrozaille ne sont pas encore pleinement atteints. Une telle prolongation permettrait non seulement de poursuivre leur mise en œuvre, mais aussi d’établir, avant 2028, un bilan précis, chiffré et documenté de leur efficacité.

En 2025, les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ont été marquées par des tensions persistantes et regain de concurrence tarifaire. Les négociations commerciales, qui se sont achevées le 1er mars 2025, ont été particulièrement tendues. Les fournisseurs, confrontés à des hausses de coûts, ont demandé des revalorisations tarifaires, tandis que les distributeurs ont exercé une forte pression à la baisse pour maintenir leur compétitivité. Ce bras de fer a relancé une forte rivalité sur les prix, dans un contexte économique incertain, sans véritable retour à la déflation.

Depuis l’été 2025, de nombreux distributeurs demandent la réouverture des négociations, dans des conditions jugées inacceptables par de nombreux industriels. La prolongation des outils issus de l’article 9 est donc cruciale pour garantir des négociations équitables.

Par ailleurs, les industriels français doivent aujourd’hui faire face à l’émergence de centrales d’achat européennes, souvent enregistrées à Bruxelles et regroupant plusieurs distributeurs, dont des enseignes françaises. Cette évolution, perçue comme une manière de contourner la législation française (notamment les lois EGALIM (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous)), impose un renforcement des dispositifs permettant de rééquilibrer les relations commerciales.

La loi Descrozaille, exige que le prix applicable lors du préavis soit fixé en référence aux « conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties ». Cette disposition vise à ne pas pénaliser la partie pour laquelle le maintien du contrat devient économiquement défavorable. Cependant, déterminer un prix selon les « conditions économiques du marché » n’est pas aisé et peut faire l’objet de désaccords entre les parties.

Enfin, cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des objectifs de la loi EGALIM 3, qui entend renforcer l’équilibre entre les acteurs de la chaîne de valeur alimentaire et améliorer le revenu des agriculteurs.

Les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs restent tendues, dans un contexte de « guerre des prix » et de mutations structurelles. La prolongation des mesures prévues à l’article 9 de la loi Descrozaille jusqu’en mars 2028 est donc nécessaire pour maintenir un cadre juridique stable, poursuivre les objectifs de régulation et s’adapter aux évolutions du marché.

Nous vous invitons à adopter cette proposition de loi dans l’intérêt général.

 


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proposition de loi

Article unique

À titre expérimental, pour une prolongation à mars 2028, à défaut de convention conclue au plus tard le 1er mars ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier, le fournisseur peut :

1° Soit, en l’absence de contrat nouvellement formé, mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II de l’article L. 442‑1 du code de commerce ;

2° Soit demander l’application d’un préavis conforme au même II. Les parties peuvent également saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises afin de conclure, sous son égide et avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord des parties sur les conditions du préavis, le prix convenu s’applique rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur peut mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens dudit II ou demander l’application d’un préavis conforme au même II.