N° 1814

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à généraliser les conventions d’indivision,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. François JOLIVET,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’indivision n’est plus un simple sujet privé : elle est devenue un facteur structurel de blocage du marché immobilier, au même titre que la rareté du foncier encore renforcée par le zéro artificialisation nette (« ZAN ») ou le décrochage de la construction neuve.

Aujourd’hui, un nombre croissant de biens – maisons, appartements, terrains – restent immobilisés pendant des années, parfois des décennies, faute d’accord entre les héritiers ou les indivisaires. Cette situation concerne en particulier les départementaux ruraux qui sont confrontés à une vacance durable de logements du fait de règles de succession imprécises, et donc, sources de conflits.

Cette inertie a un coût considérable pour la collectivité :

 Pour les familles, elle nourrit des conflits interminables et des rancunes qui empoisonnent des générations.

 Pour le logement, elle prive des milliers de logements d’une occupation ou d’une mise sur le marché, alors que la France connaît une crise durable de la construction neuve depuis 2022, et, vient contrarier la lutte contre l’artificialisation des sols.

 Pour les personnes publiques, elle entretient une opacité fiscale propice aux irrégularités pour l’État, tout en privant les collectivités, notamment rurales, de recettes dans un contexte budgétaire sous haute tension.

Le droit actuel, fondé sur le principe « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision », laisse en réalité prospérer l’inaction. Il est temps d’inverser la logique : organiser dès le départ pour éviter de subir ensuite.

Un changement de paradigme : l’organisation obligatoire

La présente proposition de loi poursuit un objectif économique simple : remettre en mouvement un marché bloqué par des rigidités juridiques et des comportements d’attente.

Elle repose sur trois piliers :

1. L’obligation d’organiser l’indivision : dans les trois mois suivant sa naissance, les indivisaires devront conclure une convention écrite, fixant les règles de gestion, les conditions d’entretien et la désignation éventuelle d’un gérant.

2. Un verrou contre les abus : le droit de provoquer le partage sera suspendu tant qu’aucune convention n’aura été conclue, sauf motif grave ou mise en péril manifeste du bien indivis.

3. Une fiscalité responsabilisante : les bons élèves seront récompensés par une exonération des droits fixes d’enregistrement ; les retardataires seront sanctionnés par une imposition forfaitaire progressive.

Synthèse des articles

Article 1er : les indivisaires sont tenus de conclure une convention dans un délai de trois mois afin d’organiser la gestion du bien et d’éviter les blocages.

Article 2 : cette obligation s’applique expressément aux indivisions issues d’une succession.

Article 3 : un régime fiscal incitatif récompense les démarches rapides et pénalise les retards par une taxation spécifique.

Article 4 : la loi entre en vigueur au 1er janvier suivant sa promulgation, avec des modalités définies par décret.

Article 5 : la perte de recettes fiscales est compensée par une taxe additionnelle sur les produits du tabac.

Une réforme de bon sens et d’intérêt général

Cette proposition est à la fois une mesure de justice familiale et une politique d’aménagement du territoire efficace. En imposant une organisation précoce, elle prévient les querelles, libère des milliers de biens aujourd’hui gelés et contribue à remettre sur le marché des logements attendus par des ménages.

Elle s’inscrit dans une vision globale du logement : chaque blocage levé est une chance pour une famille de se loger.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article 815‑1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 8151. – Les indivisaires concluent une convention relative à l’exercice de leurs droits indivis, dans les conditions prévues aux articles 1873‑1 à 1873‑18.

« Si la convention n’a pas été conclue par les indivisaires dans un délai de trois mois à compter de la naissance de l’indivision, un indivisaire peut saisir le président du tribunal judiciaire pour provoquer le partage ou prescrire ou autoriser les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun, conformément à l’article 815‑6. »

Article 2

L’article 1873‑1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’indivision a pour origine une succession, les indivisaires concluent une convention relative à l’exercice de leurs droits, conformément à l’article 815‑1. »

Article 3

Après l’article 635 du code général des impôts, il est inséré un article 635 bis ainsi rédigé :

« Art. 635 bis. – Les actes constatant une convention d’indivision conclue en application de l’article 815‑1 du code civil sont exonérés de droits fixes d’enregistrement.

« En l’absence de conclusion de la convention d’indivision prévue à l’article 815‑1 du code civil dans le délai de trois mois à compter de la naissance de l’indivision, les partages de biens meubles et immeubles entre indivisaires, à quelque titre que ce soit, pour qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 0,5 % par dérogation à l’article 748. Le droit d’enregistrement ou la taxe de publicité foncière sont liquidés sur le montant de l’actif net partagé. Lorsque le partage comporte une soulte ou une plus‑value, l’impôt sur ce qui en est l’objet est perçu aux taux prévus pour les ventes, au prorata, le cas échéant, de la valeur respective des différents biens compris dans le lot grevé de la soulte ou de la plus‑value. »

Article 4

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier suivant sa promulgation.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la présente loi.

Article 5

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.