N° 1816
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un titre-sport santé,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Karl OLIVE, Mme Claudia ROUAUX, M. Vincent LEDOUX, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Nicolas RAY, M. Laurent MAZAURY, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Liliana TANGUY, Mme Corinne VIGNON, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Véronique RIOTTON, M. Philippe FAIT, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Sandrine JOSSO, M. Christophe BENTZ, M. Lionel VUIBERT, M. Michel LAUZZANA, M. Romain BAUBRY, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Stéphane VIRY, M. Sylvain BERRIOS, Mme Dominique VOYNET, M. Thierry SOTHER, M. Laurent LHARDIT, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Fabrice ROUSSEL, M. Marc PENA, M. Richard RAMOS, M. Jean-Luc FUGIT, M. Paul CHRISTOPHLE, Mme Joséphine MISSOFFE, Mme Marie-José ALLEMAND, Mme Anne-Sophie RONCERET, Mme Valérie ROSSI, M. Michel CASTELLANI, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Inaki ECHANIZ,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France fait face à un défi majeur de santé publique : la sédentarité. Selon l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS), 40 % des adultes mènent aujourd’hui une vie sédentaire. Cette tendance, en constante progression depuis plusieurs années, a été accentuée par les évolutions des modes de vie.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte depuis plusieurs années sur l’ampleur de ce phénomène : l’inactivité physique est responsable de plus de 4 millions de décès chaque année dans le monde, soit près de 7,2 % des décès. En France, 95 % de la population adulte est exposée à un risque sanitaire lié à une activité physique insuffisante ou à un temps excessif passé en position assise. Ce fléau, que certains experts qualifient de « pandémie de sédentarité », a été considérablement aggravé par la tertiarisation de l’économie, le développement du numérique, et l’essor du télétravail depuis la crise sanitaire.
Or, les effets délétères de la sédentarité sur la santé sont aujourd’hui bien documentés : augmentation du risque de maladies chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires, obésité), troubles musculosquelettiques, anxiété, dépression, mais aussi perte de qualité de vie et de lien social.
Le coût pour la société est considérable, tant en dépenses de santé qu’en pertes économiques liées à l’absentéisme ou à la baisse de productivité. Le coût économique de cette inaction est en effet alarmant : selon les estimations, la sédentarité coûterait entre 1 et 2 milliards d’euros par an à l’État, à travers les dépenses de santé et la perte de productivité.
À l’inverse, les bénéfices de la pratique régulière d’une activité physique et sportive sont unanimement reconnus. Ils concernent non seulement la santé physique et mentale des individus, mais également la performance des organisations. Ainsi, des études récentes estiment que la pratique d’une activité physique en entreprise permettrait d’augmenter la productivité de 8 % et de réduire l’absentéisme de 25 %.
Au‑delà du monde du travail, le sport est un levier puissant d’inclusion sociale, d’égalité des chances, d’éducation et de citoyenneté.
Dans ce contexte, les Français manifestent un intérêt réel pour l’activité physique. Trois quarts des salariés déclarent aimer pratiquer une activité sportive, preuve que la volonté individuelle est présente. Ce sont donc les freins structurels : manque de temps, d’infrastructures et le coût, qui limitent encore trop souvent la pratique d’activité physique et sportive. En effet, 24 % des Français qui ne pratiquent pas déclarent que le coût est le principal obstacle à l’activité sportive.
Face à ces constats, la présente proposition de loi entend favoriser la pratique d’une activité physique et sportive pour tous en instaurant une incitation financière, partagée entre le salarié et l’employeur par la création d’un "ticket sport‑santé", sur le modèle du titre‑restaurant. Ce dispositif permettrait à chaque salarié ou agent public de bénéficier d’une somme d’argent, co- financée avec l’employeur, exonérée de cotisations sociales et patronales, spécifiquement dédiée à la pratique physique et sportive ou l’achat de matériel destiné à la pratique de ces activités.
Cette mesure s’inscrit dans le prolongement des recommandations formulées dans la mission flash sur le sport au travail conduite par le député Karl Olive et la députée Claudia Rouaux.
L’article 1er a pour objet d’introduire le dispositif du titre sport‑santé dans le code du travail. Ce dispositif s’inscrit dans une logique de santé publique, de prévention des maladies chroniques et d’amélioration du bien‑être au travail, en facilitant l’accès des salariés et des agents publics à des pratiques sportives, y compris des activités physiques adaptées aux pathologies ou situations particulières, conformément aux objectifs de santé définis à l’article L. 1172‑1 du code de la santé publique.
Émis par l’employeur ou par un prestataire spécialisé, le titre sport‑santé est un titre spécial de paiement permettant aux salariés de régler, en tout ou partie, le coût d’activités physiques hors des locaux de l’entreprise ou l’achat de matériel dédié à ces pratiques. Un décret viendra préciser les conditions d’émission, de gestion et d’utilisation de ces titres.
Afin de garantir la fiabilité et la sécurité du dispositif, plusieurs mécanismes de protection sont prévus. Les articles L. 3264‑2 à L. 3264‑4 imposent notamment aux émetteurs l’ouverture d’un compte bancaire ou postal dédié, dans lequel sont déposés exclusivement les fonds correspondant à la valeur des titres. Le dépôt préalable de cette valeur est requis avant leur mise en circulation, sauf pour les micros et petites entreprises pour lesquelles un dépôt fractionné est toléré sous condition de sécurisation des flux.
Le chapitre prévoit également des garanties pour les salariés : en cas de défaillance de l’émetteur les salariés détenant des titres encore valides bénéficient d’un droit de remboursement prioritaire, devançant toute autre créance.
Le titre‑sport santé est valable un an à compter de son émission, conformément à l’article L. 3264‑5.
L’article L. 3264‑6 précise le cadre fiscal du dispositif. Lorsqu’un employeur participe à hauteur d’au moins 50 % à l’achat de ces titres, la part ainsi financée est exonérée d’impôt sur le revenu et de forfait social, dans la limite de 6 euros par titre et 120 par mois.
L’article L. 3264‑7 renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des modalités d’application détaillées : mentions obligatoires sur les titres, conditions de remboursement, règles de fonctionnement des comptes bancaires associés et modalités de contrôle de la gestion des fonds.
L’article 2 vient compléter l’article 81 du code général des impôts pour formaliser l’exonération d’impôt sur le revenu du complément de rémunération que constitue l’acquisition des titres‑sport santé, dans les conditions définies à l’article 1er. La limite d’exonération sera indexée annuellement sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation, afin d’assurer le maintien de l’avantage réel du dispositif dans le temps.
L’article 3 modifie le code de la sécurité sociale en ajoutant les sommes dédiées à l’acquisition de titres‑sport santé à la liste des éléments exclus de l’assiette des cotisations.
L’article 4 étend le dispositif aux agents publics, en permettant leur éligibilité aux titres‑sport santé dans des conditions similaires à celles du secteur privé.
L’article 5 organise les mécanismes de compensation financière de ces exonérations pour compenser les pertes de recettes pour l’État et la Sécurité sociale.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Le titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Titres‑sport santé
« Section 1
« Émission
« Art. L. 3264‑1. – Le titre‑sport santé est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix de biens et services ayant pour finalité la pratique d’activités physiques et sportives en dehors de son lieu de travail et des locaux de l’entreprise, y compris d’activités physiques adaptées au sens de l’article L. 1172‑1 du code de la santé publique.
« Ces titres sont émis :
« 1° Soit par l’employeur au profit des salariés directement ou par l’intermédiaire du comité social et économique ;
« 2° Soit par une entreprise spécialisée qui les cède à l’employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d’une commission.
« Un décret détermine les conditions d’application du présent article.
« Art. L. 3264‑2. – L’émetteur de titres‑sport santé ouvre un compte bancaire ou postal sur lequel sont uniquement versés les fonds qu’il perçoit en contrepartie de la cession de ces titres.
« Le montant des versements est égal à la valeur libératoire des titres mis en circulation.
« Les fonds provenant d’autres sources, notamment des commissions éventuellement perçues par les émetteurs, ne peuvent être versés aux comptes ouverts en application du présent article.
« Art. L. 3264‑3. – Le dépôt préalable intégral de la valeur des titres sur le compte prévu à l’article L. 3264‑2 est requis avant toute émission.
« Toutefois, cette règle n’est pas applicable aux émetteurs appartenant à la catégorie des micro- entreprises ou à celle des petites entreprises, au sens des articles L. 123‑16 et L. 123‑16‑1 du code de commerce. Pour ces entreprises, un dépôt fractionné est autorisé, sous réserve que la sécurisation des flux soit garantie.
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 3264‑7, les comptes mentionnés à l’article L. 3264- 2 ne peuvent être débités qu’au profit de personnes physiques ou morales exerçant dans le champ de la pratique d’activités physiques et sportives et de la vente au détail de matériel destiné à la pratique de ces activités.
« Section 2
« Utilisation
« Art. L. 3264‑4. – En cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire de l’émetteur, les salariés détenteurs de titres non utilisés mais encore valables et échangeables à la date du jugement déclaratif peuvent, par priorité à toute autre créance privilégiée ou non, se faire rembourser immédiatement, sur les fonds déposés aux comptes ouverts en application de l’article L. 3264‑2, le montant des sommes versées pour l’acquisition de ces titres‑sport santé.
« Art. L. 3264‑5. – Les titres‑sport santé sont valables pour une durée d’un an à compter de leur date d’émission.
« Section 3
« Exonérations
« Art. L. 3264‑6. – Lorsque l’employeur contribue à l’acquisition des titres par le salarié bénéficiaire et que cette contribution est au moins égale à la moitié de la valeur du titre, le complément de rémunération qui en résulte pour le salarié est exonéré, dans la limite de 6 euros par titre et 120 euros par mois, du versement forfaitaire sur les salaires et de l’impôt sur le revenu.
« Cette exonération est subordonnée à la condition que l’employeur, en ce qui concerne le versement forfaitaire sur les salaires, et le salarié, en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, se conforment aux obligations mises à leur charge par le présent chapitre.
« Section 4
« Dispositions d’application
« Art. L. 3264‑7. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, notamment :
« 1 ° Les mentions qui figurent sur les titres‑sport santé et les conditions d’apposition de ces mentions ;
2° Les conditions d’utilisation et de remboursement de ces titres ;
3° Les règles de fonctionnement des comptes bancaires ou postaux spécialement affectés à l’émission et à l’utilisation des titres‑sport santé ;
4° Les conditions du contrôle de la gestion des fonds mentionnées à l’article L. 3264‑4. »
Article 2
L’article 81 du code général des impôts est complété par un 40° ainsi rédigé :
« 40° Dans la limite de 6 euros par titre et de 120 euros par mois, le complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié des titres- sport santé émis conformément aux dispositions du chapitre IV du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, lorsque cette contribution est au moins égale à la moitié de la valeur du titre. La limite d’exonération est relevée chaque année dans la même proportion que la variation de l’indice des prix à la consommation hors tabac entre le 1er octobre de l’avant- dernière année et le 1er octobre de l’année précédant celle de l’acquisition des titres‑sport santé et arrondie, s’il y a lieu, au centime d’euro le plus proche.
« Cette exonération est subordonnée à la condition que le salarié se conforme aux obligations qui sont mises à sa charge par le même chapitre IV. »
Article 3
Le 4° du III de l’article L. 136‑1‑1 du code de la sécurité sociale est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Les sommes consacrées par les employeurs pour l’acquisition de titres‑sport santé, dans les conditions prévues au 40° de l’article 81 du code général des impôts ; »
Article 4
Le chapitre II du titre III du livre VII du code général de la fonction publique est complété par une section ainsi rédigée :
« Section 4
« Titres‑sport santé
« Art. 732‑4. – Des titres‑sport santé peuvent être attribués à l’agent public dans les conditions prévues par le chapitre IV du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail. »
Article 5
I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une contribution additionnelle à la contribution prévue à l’article L. 136‑7‑1 du code de la sécurité sociale et par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.