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N° 1831

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer le droit de chaque enfant à disposer d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Ayda HADIZADEH, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT, M. Jiovanny WILLIAM, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Farida AMRANI, M. Arnaud BONNET, M. Pierre-Yves CADALEN, Mme Gabrielle CATHALA, M. Jean-François COULOMME, M. Damien GIRARD, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, M. Tristan LAHAIS, M. Maxime LAISNEY, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Sandrine NOSBÉ, M. Jean-Claude RAUX, Mme Eva SAS, M. Matthias TAVEL,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) des Nations Unies, ratifiée par la France en 1990, fait de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, « qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs » (alinéa 1er de l’article 3).

L’intérêt supérieur de l’enfant est entendu comme la prise en compte de sa personne et de son point de vue, dans l’expression de sa parole et de ses besoins fondamentaux.

En matière pénale, la présence d’un avocat aux côtés d’un enfant en conflit avec la loi est obligatoire au titre de l’article L. 12‑4 du code de la justice pénale des mineurs. Mais en matière de protection de l’enfance, la présence de l’avocat auprès de l’enfant discernant n’ayant pas fait le choix d’un avocat, souvent par méconnaissance de ses droits, reste laissée à la discrétion du Juge des enfants. Pour ceux non capables de discernement, le juge peut désigner un administrateur ad hoc.

Rappelons que l’accès à un avocat en assistance éducative reste différencié entre les enfants de moins de 13 ans, qui n’ont que la possibilité de solliciter des personnalités ad hoc et de plus de 13 ans à qui leur est accordé le droit de recourir à un avocat.

Or, la solution la plus protectrice des droits est la présence de l’avocat pour tous les enfants, quel que soit leur âge, leur degré de discernement, dès lors qu’il y a risque de danger ou danger immédiat.

La présence d’un avocat permet :

‑ de garantir l’exercice effectif de droits procéduraux ;

‑ de favoriser un traitement égal de chaque enfant devant la justice ou l’autorité administrative ;

‑ d’assurer l’assistance, la représentation de l’enfant et le respect de sa parole ;

‑ de consolider un accompagnement pérenne de l’enfant par son avocat, en limitant les effets de rupture : en restituant ce qu’il lui est dit, l’avocat permet à l’enfant de comprendre le traitement de sa parole par les différentes instances de l’aide sociale à l’enfance et par la justice. Il devient une « mémoire » ;

‑ de veiller à ce que les décisions prises par le juge des enfants, en matière d’assistance éducative, soient bien exécutées.

Si le juge des enfants doit rester le garant de l’intérêt de l’enfant, le juge décide de manière impartiale, en fonction de la loi tandis que l’avocat défend les intérêts de l’enfant pour s’assurer que ses droits soient protégés et sa personne respectée dans les décisions rendues.

Depuis 2021, la profession d’avocat s’est dotée d’un certificat de spécialisation, mention « droit des enfants », délivré par le Conseil national des barreaux qui permet à l’avocat d’enfant d’être particulièrement compétent et pertinent dans sa relation avec les magistrats et les cadres médicaux‑sociaux spécialisés.

Dans le cadre des États généraux de la justice, initiés par le Président de la République et dont le rapport a été publié en 2022, l’annexe 14 du rapport du groupe de travail « Sur la justice de protection », rassemblant représentants de l’État, magistrats, avocats, médecins, protection judiciaire de la jeunesse et l’Association des départements de France, recommande, parmi les mesures visant à améliorer la protection de l’enfance, la présence systématique d’un avocat pour tous les enfants, quel que soit leur âge.

L’heure n’est plus à l’expérimentation : toutes les initiatives en ce sens ont déjà été menées avec succès, notamment par le barreau des Hauts‑de‑Seine en collaboration avec plusieurs juges des enfants.

Il a été démontré que les enfants placés sous une mesure d’assistance éducative ont pu nouer un lien de confiance avec un avocat spécialement formé pour recueillir leur parole, garantir l’effectivité de leurs droits et assurer un suivi tout au long des procédures les concernant.

Toutes les conditions sont donc réunies pour instaurer la présence systématique d’un avocat en assistance éducative à chaque étape du processus judiciaire.

Il est temps que les enfants en danger accompagnés dans le cadre des mesures d’assistance éducative et de protection de l’enfance deviennent pleinement des sujets de droit et que leurs intérêts soient défendus de manière indépendante et complète, garantissant ainsi de manière plus effective et pérenne leur protection et leur intégrité.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article 1186 du code de procédure civile est ainsi rédigé :

« Tout mineur concerné par une mesure de protection judiciaire est assisté d’un avocat. À défaut de choix d’un avocat par le mineur, le procureur de la république ou le juge des enfants demande au bâtonnier d’en désigner un commis d’office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande.

« Le mineur est informé verbalement en début d’audience et dans les décisions prises par le juge des enfants de son droit à un avocat, de même que son droit d’interjeter appel.

« L’assistance d’un avocat dans le cadre des mesures d’assistance éducative relevant de l’aide sociale à l’enfance est intégralement prise en charge par l’État au titre de l’aide juridictionnelle et sans recherche de conditions de ressources. »

Article 2

L’article 375‑1 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Pour chaque mineur, le juge des enfants, d’office ou à la demande du président du conseil départemental, demande au bâtonnier la désignation d’un avocat et d’un administrateur ad hoc. »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’assistance d’un avocat dans le cadre des mesures d’assistance éducative relevant de l’aide sociale à l’enfance est intégralement prise en charge par l’État au titre de l’aide juridictionnelle et sans recherche de conditions de ressources. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.