N° 1908

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à inscrire l’écoute des travailleurs comme premier principe général de prévention de la santé au travail,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Thierry SOTHER, M. Dominique POTIER, Mme Océane GODARD, Mme Chantal JOURDAN,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Malgré l’évolution de notre société, la santé au travail demeure un enjeu majeur recouvrant des réalités dramatiques. On dénombrait a minima 1 287 décès liés au travail en 2023, en augmentation depuis 2022. Sur la même année, il y a eu 717 719 accidents du travail avec arrêt pour le régime général. Si on observe une diminution du nombre d’accidents du travail de ‑27,2 % pour les hommes sur 20 ans, ils ont augmenté de +41,6 % pour les femmes sur la même période. Par ailleurs, les affections psychiques reconnues d’origine professionnelle ont été multipliées par 35 en 13 ans.

Il n’y a pas de raison économique suffisante pour que le travail continue à coûter la vie ou la santé à autant de nos compatriotes. En effet, le travail peut être facteur de santé, ne serait‑ce que par la socialisation et l’émancipation qu’il est en mesure d’apporter. En face de ces possibilités, ce sont ses conditions d’exercice qui dégradent la santé physique et mentale de celles et ceux qui l’exercent, et qui expliquent cette situation alarmante.

On relève que seulement 52 % des salariés peuvent influer sur des décisions dans le cadre de leur travail. Pire encore, seulement 20 % des salariés peuvent prendre des décisions dans leur travail (2023), part qui diminue car il s’agissait de 28 % en 2011. Ainsi, les démarches de prévention reflètent ce management majoritairement descendant qui affecte les organisations, et la prévention des risques qui pèsent sur le travailleur se fait sans lui. C’est pourtant lui qui connaît son travail réel et ses dangers, et qui est le plus à même de pouvoir proposer des solutions.

Quand les salariés sont écoutés et ont de l’influence sur un changement, la soutenabilité du travail augmente de +6 points. À l’inverse, une absence de consultation accroît la perception d’un travail insoutenable de +12 points.

L’écoute des salariés lors de changements importants dans le cadre du travail améliore nettement la santé mentale. On estime que 50 % des salariés ont connu une perte de sens de leur travail lorsqu’ils n’ont pas été consultés au sujet d’un changement, contre seulement 15 % pour ceux qui ont été écoutés. L’écoute des travailleurs divise ainsi par trois le risque de syndrome dépressif.

Or, aucun de ces neuf principes généraux de prévention aujourd’hui inscrit dans le droit n’énonce la nécessité d’écouter les travailleurs afin d’améliorer leurs conditions de travail dans une démarche qui, non seulement, protégera leur santé physique et mentale, mais participera aussi au développement et à la performance globale et socialement responsable de l’entreprise. Voilà pourquoi, afin d’orienter les politiques de prévention vers leur plus haut niveau d’efficacité, il est essentiel de les compléter par l’inscription de l’écoute des travailleurs comme le premier de ces principes, qui irriguera de ses effets tous les autres.

 Dans un contexte de tension budgétaire, rappelons que la mise en place d’un véritable droit à l’écoute nécessite avant tout un engagement politique et organisationnel et un investissement adapté, notamment en matière de formation. Ce principe a un coût mesuré : celui de la formation, du temps dédié et de l’évolution des pratiques dans les entreprises.

À l’inverse, ne pas mobiliser l’écoute dans la prévention de leurs risques de l’entreprise a un coût pour celle‑ci : cotisations supplémentaires, désengagement, désorganisation, turn‑over, absentéisme, arrêts maladie… On dénombre ainsi plus de 73,6 millions de jours d’arrêts de travail au titre des accidents du travail et maladies professionnelles reconnues, représentant plus de 300 000 équivalents temps plein. Ce chiffre a augmenté de 40 % en 14 ans.

Cette proposition est largement réclamée dans le monde du travail, puisqu’elle est portée, notamment, par la Fondation Projet4121, par les assises du travail dirigées par Jean‑Dominique Sénard, président du conseil d’administration de Renault et Sophie Thierry, présidente de la commission Travail du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et par le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD).

L’article unique prévoit l’inscription de l’écoute comme premier principe de prévention au code du travail, fidèlement aux recommandations de la société civile.

 


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proposition de loi

Article unique

Après le premier alinéa de l’article L. 4121-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° A Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail ; »