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N° 1909

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à mettre en place un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie RÉCALDE, M. Vincent THIÉBAUT, M. Boris VALLAUD, M. Olivier FAURE, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, M. Jean-Michel JACQUES, M. Laurent PANIFOUS, M. Olivier FALORNI, Mme Alexandra MARTIN, M. François RUFFIN, M. Emmanuel GRÉGOIRE, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Sophie PANTEL, M. Jérôme GUEDJ, M. Denis FÉGNÉ, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Laurent LHARDIT, M. Marc PENA, M. Fabrice BARUSSEAU, M. Alain DAVID, Mme Céline HERVIEU, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mme Sandrine RUNEL, M. Joël AVIRAGNET, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Pierrick COURBON, M. Arthur DELAPORTE, M. Inaki ECHANIZ, M. Guillaume GAROT, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, Mme Chantal JOURDAN, Mme Estelle MERCIER, M. Jacques OBERTI, Mme Anna PIC, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Michel CASTELLANI, Mme Sophie ERRANTE, Mme Martine FROGER, M. Damien GIRARD, Mme Mereana REID ARBELOT, M. David TAUPIAC, Mme Sylvie BONNET, M. Pierre CORDIER, M. Mickaël COSSON, M. Romain ESKENAZI, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Maud PETIT, M. Benoît BITEAU, M. Stéphane VIRY, M. Jean-Claude RAUX, M. Christophe PROENÇA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Karine LEBON, M. Fabrice ROUSSEL, M. Pierre PRIBETICH, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Sophie PANONACLE, M. Eric LIÉGEON, Mme Océane GODARD, M. Stéphane HABLOT, Mme Sandrine JOSSO, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Paul MOLAC,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En matière de prise en charge des frais de santé, la France fait partie des pays les plus protecteurs au monde. Notre République peut s’enorgueillir d’offrir des soins médicaux à tous ses citoyens, y compris les plus modestes.

Aussi, il est d’autant plus préoccupant qu’un pan entier de notre société, en l’occurrence les enfants atteints de certaines maladies rares ou graves, aient des chances de guérisons faibles voire nulles pour certaines pathologies par manque de développement de traitement spécifique à cette population.

C’est particulièrement choquant en ce qui concerne les cancers pédiatriques. Cette maladie reste la deuxième cause de mortalité chez l’enfant de plus d’un an en France, après les accidents. Chaque année, plus de 450 enfants et adolescents de 0 à 17 ans décèdent de cette maladie, et près de 6 000 en Europe, soit l’équivalent de 240 classes d’écoles.

De nombreuses associations, telles que la Fédération Grandir Sans Cancer ou Eva pour la vie, agissent pour aider les familles et soutenir la recherche. Mais comme elles le rappellent, le développement de traitements adaptés à l’enfant, notamment face aux situations graves, est insuffisant.  

Selon un rapport de la commission au Parlement Européen et au conseil, nommé « État des médicaments pédiatriques dans l’Union – 10 ans du règlement pédiatrique de l’Union », la disponibilité des médicaments destinés aux enfants s’est améliorée dans certains champs thérapeutiques grâce au règlement pédiatrique européen. La rhumatologie ou les maladies infectieuses disposent de nouveaux traitements destinés aux enfants à la suite de l’achèvement de plans d’investigation pédiatriques (PIP) par les industriels du médicament.

Cela dit, ces évolutions positives sont souvent liées aux développements sur le marché des adultes. En effet, le point de départ de la plupart des PIP est un programme de recherche et de développement concernant les adultes, avec des avancées influencées par les potentielles perspectives de revenus. En d’autres termes, si les besoins des adultes ou les attentes du marché coïncident avec les besoins pédiatriques, les enfants en bénéficieront directement.

Cependant, il existe un très grand nombre de maladies qui sont biologiquement différentes chez les adultes et les enfants, où la charge de morbidité diffère, ou qui ne touchent que les enfants. Le développement pédiatrique dépend alors de la décision stratégique d’une entreprise d’investir dans ce domaine indépendamment de tout programme en cours pour les adultes.

Dans les faits, ces recherches sont particulièrement faibles pour les maladies pédiatriques rares, telles que l’oncologie pédiatrique. Depuis 2009, sur 150 médicaments anticancéreux développés pour l’adulte, seuls 16 ont été autorisés pour une indication spécifique de cancer pédiatrique. Mais ils ne concernent que des tumeurs responsables de moins de 4 % des décès par cancer chez les enfants. Sur cette même période, aucun traitement n’a été spécifiquement développé pour les enfants atteints des cancers les plus mortels.

Le règlement pédiatrique européen, qui repose sur des mesures incitatives, a donc autant démontré son efficacité dans les domaines où les besoins des patients adultes et pédiatriques coïncident, que ses limites pour ce qui est des maladies rares et/ou touchant exclusivement les enfants, face auxquelles quasiment aucune grande avancée thérapeutique ne s’est encore concrétisée.

On retrouve cette même réticence des industriels du médicament quant à la recherche et au développement de traitements spécifiquement pédiatriques contre ces pathologies chez les investisseurs qui recherchent un retour sur investissement important, rapide et durable. Développer une « start‑up du médicament pédiatrique » se heurte donc aussi à des freins économiques bien plus importants, et souvent décourageants, que lorsqu’il s’agit du développement visant à développer des traitements à une grande échelle.

Face à cette situation qui de facto, entraîne une criante inégalité des chances, il est nécessaire de créer un fonds d’investissement public visant à permettre le développement de start‑ups françaises du médicament pédiatrique, en priorisant les cancers et les pathologies de mauvais pronostic.

La mise en place d’une telle mesure serait à la fois humaine et cohérente, tant au niveau économique que sanitaire : si à ce jour, il faut attendre « qu’un traitement soit développé pour l’adulte et espérer qu’il ait aussi un effet sur l’enfant », il serait probable que les recherches et traitements développés pour améliorer la santé de l’enfant aient également un impact chez les adultes.

Aux fins de financer cette action, l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit la création d’un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers et les maladies rares de l’enfant. Il serait abondé par une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques assurant l’exploitation de médicaments remboursés par l’assurance maladie, sur le modèle de celle existant à l’article L. 245‑6 du code de la sécurité sociale. Les fruits de cette taxe propriété de l’État, seraient affectés à un fonds d’investissement dont la gestion serait pilotée par BPI France, banque publique d’investissement française. BPI France se verrait ainsi confier mandat pour le financement et le développement d’entreprises françaises destinées à développer des solutions thérapeutiques contre les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant. Cet apport de l’État serait complété par celui d’entreprises du privé et contribuerait au plan de réindustrialisation de la France.

L’article 2 prévoit le taux et l’assiette de la contribution. Selon le dernier exercice comptable disponible de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), les industriels du médicament sont tout d’abord soumis à une contribution dite « de base » au taux de 0,20 %, due par les exploitants de spécialités pharmaceutiques pour le chiffre d’affaires de l’ensemble de leurs médicaments bénéficiant d’un enregistrement, d’une AMM (autorisation de mise sur le marché). Est exclu de l’assiette de cette contribution, sous certaines conditions, le chiffre d’affaires des médicaments génériques, orphelins ou dérivés du sang respectant certains principes. De même, une contribution additionnelle, au taux de 1,6 %, due par les exploitants de spécialités pharmaceutiques pour les seules spécialités pharmaceutiques remboursables et/ou prises en charge par l’Assurance maladie. L’industrie pharmaceutique est aujourd’hui l’un des secteurs clés de l’économie française avec un chiffre d’affaires de 73,3 milliards d’euros en 2023 selon les données du LEEM. Au vu de ce résultat, mettre en place une contribution de 0,15 % dédiée à la mission exposée permettrait de lever plus de 70 millions d’euros par an en faveur de ce fonds d’investissement. Compte tenu des marges nettes réalisées sur les médicaments, cette demande ne mettrait en aucun cas en danger l’industrie pharmaceutique. Il prévoit enfin sous forme d’un rapport remis annuellement par le Gouvernement au Parlement une évaluation fine de l’application de cette mesure

L’article 3 constitue le gage financier assurant la recevabilité de la présente proposition de loi.

Telles sont les principales orientations de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

 


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proposition de loi

Article 1er

La section 2 bis du chapitre 5 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 245‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 24561. – Il est institué, aux fins de financer un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers et les maladies rares de l’enfant, une contribution versée par les entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124‑1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie en application des premier et deuxième alinéas de l’article L. 162‑17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités. »

Article 2

Le taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires est fixé à 0,15 %. La contribution est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre‑mer au cours d’une année civile au titre des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 162‑17 précité ou sur la liste mentionnée à l’article L. 5123‑2 du code de la santé publique, à l’exception des médicaments orphelins désignés comme tels en application des dispositions du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins.

Un rapport est remis chaque année au Parlement sur l’affectation et l’utilisation du produit de cette contribution.

Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.