N° 2210

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à contribuer à la réduction des délais de jugement devant les juridictions administratives,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Luc WARSMANN,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de l’avis budgétaire sur le programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives du projet de loi de finances pour 2026, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, j’ai travaillé sur la question de la réduction des délais de jugement devant les juridictions administratives.

Les tribunaux administratifs font face à une augmentation préoccupante de leurs contentieux ces dernières années, qui n’est pas compensée par une augmentation aussi importante du nombre de dossiers traités, même si celui‑ci est en hausse, avec 21 000 affaires supplémentaires traitées par les tribunaux administratifs au cours des douze derniers mois.

Cette hausse des recours entrants devant les tribunaux administratifs est particulièrement préoccupante sur les douze derniers mois, avec une augmentation de 19,5 %, soit 45 000 recours supplémentaires sur l’année civile 2025, par rapport à 2024. Il en résulte mécaniquement une hausse du stock de contentieux, laquelle est susceptible d’allonger les délais de jugement devant les tribunaux administratifs, qui oscillent entre neuf et dix mois (un an et cinq mois en excluant les procédures d’urgence).

Cette hausse est encore plus préoccupante devant le Tribunal du stationnement payant (TSP), qui fait face à une explosion du nombre de recours : de 70 000 recours en 2018, le TSP fait désormais face à plus de 200 000 recours par an, avec un stock de contentieux en attente de jugement qui s’élève à 350 000 en 2025. Cela représente un délai moyen de jugement, pour un recours formé en 2025, d’environ 2 ans et 3 mois, contre 18 mois en 2021.

Dans le cadre de mon avis, j’ai formulé 16 recommandations concrètes visant à réduire les délais de jugement devant les juridictions administratives. La présente proposition de loi vise à traduire les différentes recommandations qui relèvent du domaine de la loi.

L’article 1er vise à appliquer aux requêtes en renonciation à action automatique devant le TSP, qui sont susceptibles d’être rouvertes à tout instant par le requérant, une procédure de désistement d’office des requérants, afin de retirer rétroactivement ces requêtes, qui s’élèvent à ce jour à environ 180 000, du stock de contentieux du tribunal. Ces requêtes sont communément appelées par les juristes spécialisés « requêtes zombies », ce qui illustre, si cela était nécessaire, la nécessité d’une intervention du législateur.

L’article 2 institue, au profit de l’État, un prélèvement de 0,2 % sur les recettes tirées des forfaits post‑stationnement (FPS) par les collectivités qui ont introduit ce type de forfait. Cette contribution a vocation à contribuer à la résorption du stock de contentieux devant le TSP, laquelle résulte principalement du recours, par les collectivités, à la lecture automatisée des plaques d’immatriculation, dite « LAPI ». Ce prélèvement est instauré pour 3 ans, durée du plan de résorption de ce stock.

L’article 3 crée un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) contre le titre exécutoire émis en cas d’impayé du forfait post‑stationnement. Le droit actuel ne prévoit un tel RAPO qu’à l’encontre des avis de paiement du FPS, et non contre les titres exécutoires, alors même que 80 % des contentieux devant le TSP portent sur ces titres.

L’article 4 conditionne l’entrée en vigueur des actes pris par les collectivités pour la mise en œuvre du stationnement payant à leur transmission au TSP, afin de répondre aux difficultés d’identification, par le tribunal, des actes en vigueur au moment de l’édiction du FPS.

L’article 5 permet au juge administratif de condamner la partie perdante, dans le cadre des frais exposés et non compris dans les dépens, au versement de frais à l’administration lorsque celle‑ci n’a pas eu recours au ministère d’avocat, mais a mobilisé les moyens de ses propres services, ce que la jurisprudence actuelle du Conseil d’État n’autorise pas.

L’article 6 permet au juge administratif de condamner une administration ou une collectivité au versement de frais à l’État lorsqu’elle ne rend aucune décision explicite en matière de RAPO ou qu’elle méconnaît son obligation légale de motivation de ses décisions en cette matière.

Enfin, l’article 7 prévoit un gage financier destiné à assurer la recevabilité de la proposition de loi au moment de son dépôt, au regard de l’article 40 de la Constitution.

 


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proposition de loi

Article 1er

Lorsque le greffe du tribunal du stationnement payant a notifié à un requérant que sa requête ne pouvait, en l’état, qu’être rejetée comme irrecevable et que ledit requérant n’a pas apporté de réponse à la notification du greffe dans un délai d’un mois, celui‑ci est réputé s’être désisté d’office sans qu’il soit nécessaire que le tribunal statue sur sa requête.

Le premier alinéa est applicable aux requêtes enregistrées par le greffe du tribunal du stationnement payant entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2024 et n’ayant pas été jugées à la date de promulgation de la présente loi.

Article 2

I. – Le III de l’article L. 2333‑87 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de compenser les frais résultant, pour l’État, des recours mentionnés à l’article L. 2333‑87‑2, la commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte qui a institué le forfait post‑stationnement reverse à l’État 0,2 % du produit dudit forfait. »

II. – Le I est applicable du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028.

Article 3

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2333‑87 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du troisième alinéa du IV est ainsi rédigée : « Ce titre, qui se substitue à l’avis de paiement du forfait de post‑stationnement impayé, mentionne le montant dudit forfait et la majoration. » ;

b) Le VI est ainsi modifié :

– le deuxième alinéa est ainsi modifié :

i) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le recours contentieux visant à contester le titre exécutoire émis en cas d’impayé fait l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire auprès de l’autorité concernée lorsque l’avis de paiement du montant du forfait de post‑stationnement n’a pas déjà fait l’objet d’un recours administratif préalable. » ;

ii) À la dernière phrase, le mot : « mentionne » est remplacé par les mots : « ou le titre exécutoire mentionnent » ;

– le dernier alinéa est ainsi modifié :

i) À la première phrase, après le mot : « post‑stationnement », sont insérés les mots : « ou contre le titre exécutoire » ;

ii) La deuxième phrase est complétée par les mots : « lorsqu’une décision a été rendue à l’issue du recours administratif préalable contre l’avis de paiement du forfait de post‑stationnement ».

2° L’article L. 2333‑87‑2 est complété par les mots : « ou aux titres exécutoires ».

Article 4

L’article L. 2333‑87 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le VII, il est inséré un VII bis ainsi rédigé :

« VII bis. – Les arrêtés et les délibérations pris pour l’application du présent article sont exécutoires après qu’il a été procédé à leur transmission au tribunal du stationnement payant.

« La transmission prévue au premier alinéa peut s’effectuer par voie électronique. Pour les communes de plus de 50 000 habitants, cette transmission par voie électronique est obligatoire.

« La preuve de la réception des actes par le tribunal du stationnement payant peut être apportée par tout moyen. L’accusé de réception, qui est immédiatement délivré, peut être utilisé à cet effet mais n’est pas une condition du caractère exécutoire des actes. » ;

2° À la première phrase du VIII, après le mot : « due, » sont insérés les mots : « les modalités de la transmission prévue au VII bis, ».

Article 5

L’article L. 761‑1 du code de justice administrative est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les frais exposés par l’administration peuvent inclure le surcroît de travail pour ses services du fait de l’instance. »

Article 6

Le titre VI du livre VII du code de justice administrative est complété par un article L. 761‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 7612. – Dans le cadre d’un recours contre une décision soumise à recours administratif préalable obligatoire en application d’une disposition législative ou règlementaire, le juge peut condamner l’administration à verser à l’État la somme qu’il détermine, lorsque ladite administration a méconnu l’obligation de motivation prévue au 8° de l’article L. 211‑2 du code des relations entre le public et l’administration. »

Article 7

I.  La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.