N° 1254
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 septembre 2018.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Antoine SAVIGNAT, Daniel FASQUELLE, Julien DIVE, Josiane CORNELOUP, Pierre VATIN, Jean‑Charles TAUGOURDEAU, Annie GENEVARD, Bernard DEFLESSELLES, Jean‑Jacques GAULTIER, Didier QUENTIN, Jean‑Yves BONY, Sébastien LECLERC, Jean‑François PARIGI, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Emmanuelle ANTHOINE, Marie‑Christine DALLOZ, Charles de la VERPILLIÈRE, Jean‑Luc REITZER, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Valérie LACROUTE, Véronique LOUWAGIE, Fabien DI FILIPPO, Geneviève LEVY, Patrice VERCHÈRE, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Valérie BEAUVAIS, Patrick HETZEL, Raphaël SCHELLENBERGER, Pierre‑Henri DUMONT, Laurent FURST, Thibault BAZIN, Jean‑Pierre VIGIER, Valérie BOYER, Jean‑Pierre DOOR,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Suite à la campagne présidentielle de 2017, puis à celle des législatives, de nombreuses voix se sont élevées pour s’interroger sur les dysfonctionnements de la Commission des comptes de campagne et des financements politiques, d’aucun s’interrogeant pour savoir si elle a les moyens et les capacités de remplir pleinement son rôle.
Alors que la défiance à l’égard des femmes et hommes politiques n’a jamais été aussi forte, il est essentiel de faire toute la lumière sur cet organe ayant justement pour mission, à travers le contrôle qu’il réalise, de s’assurer de la sincérité des comptes de campagnes et du financement des partis politique.
Pour rétablir un climat de confiance entre les Françaises et les Français et leurs responsables publics, le Projet de loi pour un État au service d’une société de confiance allait dans le bon sens, c’est la raison pour laquelle les Républicains l’ont soutenu sur plusieurs volets. Mais le vote de ce texte ne saurait en aucun cas nous dispenser de chercher à continuer à améliorer le contrôle de la sincérité des campagnes électorales.
Or, à ce jour, de nombreuses questions sur l’organisation et le fonctionnement de la CNCCFP se posent.
Au regard de la spécificité de la CNCCFP et de son rôle dans le fonctionnement de nos institutions constitutionnelles, il est fondamental pour la Nation de connaître la réalité de ce qui s’y passe et s’y est passé afin de pouvoir en tirer ensuite toutes les conséquences qui s’imposent.
Des faits actuellement connus découlent d’ores et déjà plusieurs questions majeures.
1.1. Rappel des règles en vigueur
La règle, inscrite dans le code électoral est claire.
Art. L. 52‑14 :
• (Ordonnance no 2003‑1165 du 8 décembre 2003, art. 7‑I) :
« Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Cette commission comprend neuf membres nommés, pour cinq ans, par décret :
– trois membres ou membres honoraires du Conseil d’État, désignés sur proposition du vice‑président du Conseil d’État, après avis du bureau ;
– trois membres ou membres honoraires de la Cour de cassation, désignés sur proposition du premier président de la Cour de cassation, après avis du bureau ;
– trois membres ou membres honoraires de la Cour des comptes, désignés sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis des présidents de chambres. »
• Ordonnance no 2015‑948 du 31 juillet 2015, art. 13‑I) :« En cas de vacance (Abrogé par la loi no 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑a) « survenant plus de six mois avant l’expiration du mandat », il est pourvu à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d’un nouveau membre, de même sexe que la personne qu’il remplace (Abrogé par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑a) « Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, son mandat expire à la date à laquelle se serait terminé le mandat de la personne qu’il remplace. » »
• Loi no 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑b à d) :
« Le mandat de membre est renouvelable une fois.
Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres pour la durée de son mandat.
Le président de la commission exerce ses fonctions à temps plein. »
• Ordonnance no 2003‑1165 du 8 décembre 2003, art. 7‑II) « (Abrogé par la loi no 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑e) :
« Les crédits et les emplois nécessaires au fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont inscrits au budget général de l’État.
Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables aux dépenses de la commission.
La commission peut (Abrogé par la loi no 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑f) « recruter des agents contractuels pour les besoins de son fonctionnement et » (Loi no 2016‑508 du 25 avril 2016, art. 3) « recourir à des experts à même d’évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne et de l’assister dans l’exercice de sa mission de contrôle mentionnée à l’article 11‑7 de la loi no 88‑227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
Les personnels des services de la commission (Abrogé par la loi no 2017‑55 du 20 janvier 2017, art. 41‑I‑1o‑g) «, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, » sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.
La commission peut demander à des officiers de police judiciaire de procéder à toute investigation qu’elle juge nécessaire pour l’exercice de sa mission. »
La CNCCFP est une autorité administrative indépendance, présupposé indispensable à la mission de sincérité et de contrôle qui est la sienne.
1.2. Les faits tels que nous les connaissons aujourd’hui
Le 22 novembre 2017 M. Jean‑Guy de CHALVRON rapporteur à la CNCCFP adressait sa demission au Président de la Commission en ces termes :
“Vous ne m’offrez d’autre alternative que celle de me soumettre ou de me démettre”
M. de CHALVRON dénonçait de graves dysfonctionnements et un système opaque et peu démocratique.
D’autres démissions suivirent.
Cette commission d’enquête est donc justifiée pour permettre aux parlementaires de s’assurer que la CNCCFP fonctionne normalement et en toute indépendance, ou, a contrario, de constater des dysfonctionnements en son sein et de proposer toutes mesures de nature à y remédier.
2.1. Rappel des textes
Art. L. 52‑15 :
« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. »
• Ordonnance n° 2003‑1165 du 8 décembre 2003, art. 8 :
« Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52‑11‑1.
Hors le cas prévu à l’article L. 118‑2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés.
Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l’élection.
Dans le cas où la commission a relevé des irrégularités de nature à contrevenir aux dispositions des articles L. 52‑4 à L. 52‑13 et L. 52‑16, elle transmet le dossier au parquet.
Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n’est possible qu’après l’approbation du compte de campagne par la commission.
Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »
• Loi no 2013‑403 du 17 mai 2013, art. 17‑9o) :
« En cas de scrutin binominal, les deux candidats présentés au sein d’un même binôme sont tenus solidairement au règlement de la créance. »
Lorsqu’elle constate des irrégularités et des manquements aux règles de financement de la campagne électorale, la commission doit transmettre le dossier au Parquet.
Cette décision est‑elle prise en toute indépendance et de la même manière pour tous les candidats ?
2.2. Les faits à ce jour
Alors qu’ils avaient été validés dans une décision du 21 décembre 2017 par la CNCCFP, les comptes de campagne de M. Jean‑Luc MELENCHON ont été transmis au Parquet le 16 mars 2018.
Parallèlement, ceux de M. Emmanuel MACRON qui semblent pourtant prêter à discussion n’ont donné lieu à aucune transmission.
La commission d’enquête demandée doit pouvoir faire la lumière sur le mode de prise de décisions et les raisons qui président à la transmission ou non au Parquet des comptes de campagnes des candidats.
proposition de rÉsolution
En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de quinze membres sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques