N° 1557
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 janvier 2019.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Marine BRENIER, Damien ABAD, Louis ALIOT, Bruno BILDE, Guy BRICOUT, Dominique DA SILVA, Typhanie DEGOIS, Julien DIVE, Loïc DOMBREVAL, Pierre‑Henri DUMONT, M’jid EL GUERRAB, Marc LE FUR, David LORION, Véronique LOUWAGIE, Christophe NAEGELEN, Jean‑François PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Patrice VERCHÈRE, Philippe VIGIER, Jean‑Luc REITZER, Frédérique DUMAS, Claude de GANAY, Cécile UNTERMAIER, Vincent ROLLAND, Pierre MOREL‑À‑L’HUISSIER, Paul CHRISTOPHE, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Jean‑Louis BRICOUT, Laurent FURST,
députés
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le gouvernement français a choisi, au début des années 2000, de confier à sept sociétés concessionnaires privées, la gestion d’une grande partie de son réseau autoroutier.
Ce désengagement de l’État avait été particulièrement critiqué et ce pour plusieurs raisons :
D’abord, le prix de vente des parts de l’État aurait été sous‑évalué. En effet, en 2006, l’État a vendu ses parts pour la somme de 14,8 milliards d’euros. Une sous‑évaluation de 10 milliards d’euros selon le rapport de la Cour des comptes de 2009.
Ensuite, la vente serait intervenue au plus mauvais moment. En effet, en 2006, les autoroutes, construites 30 ans auparavant, allaient commencer à rapporter de l’argent. La valorisation de la participation de l’État dans les sociétés d’autoroutes n’a rapporté que 14 milliards d’euros dans le budget de l’État, alors que les sociétés auraient dû dégager 35 à 40 milliards d’euros de dividendes cumulés d’ici la fin des concessions.
Enfin, l’intérêt des sociétés privées, qui cherchent le plus grand profit, serait contraire à l’intérêt général. En effet, pour rentabiliser leur investissement, les sociétés d’autoroutes ont actionné deux leviers : la suppression de 6 000 emplois depuis 2006 et surtout la hausse constante des tarifs des péages.
Au moment de la privatisation, l’engagement avait été pris de n’augmenter les péages qu’à un taux très légèrement supérieur à l’inflation. Or ces 10 dernières années, l’augmentation du prix des péages a été de 20 %, une hausse très largement supérieure à ce qui était prévu. En effet, les concessionnaires peuvent actionner trois leviers ayant une répercussion sur les usagers : 70 % du niveau de l’inflation de l’année passée, l’augmentation de la redevance domaniale et les travaux engagés (nouvelles sorties, nouveaux échangeurs, troisième voie, équipements de sécurité...).
À cet égard, en 2013, la Cour des comptes déplorait la forte hausse des tarifs des péages. « Des hausses de tarif nettement supérieures à l’inflation », un « rapport de force plus favorable aux sociétés concessionnaires » qu’aux pouvoirs publics.
En 2014, un avis de l’Autorité de la concurrence fût remis à la commission des finances de l’Assemblée nationale. Celui‑ci mettait en avant la « rentabilité exceptionnelle » et la situation de rente des concessionnaires autoroutiers. Rente, qui, propre à chaque situation monopolistique, nuit aux usagers qui paient un prix supérieur à ce qu’il aurait été en configuration de concurrence effective, mais également par le fait que le monopoleur n’a pas d’incitation à investir dans l’amélioration des infrastructures.
En 2017, l’État a annoncé un plan d’investissement autoroutier pour un montant de plus de 800 millions d’euros.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) s’était prononcée sur les projets d’avenant destinés à mettre en œuvre ce plan. Les conclusions de l’ARAFER étaient sans appel, estimant « qu’il n’apparaît pas justifié de faire supporter par l’usager de l’autoroute le financement de 23 opérations (représentant environ 34 % du coût total de construction du plan), que « les augmentations de tarif des péages prévues excèdent le juste niveau qu’il serait légitime de faire supporter aux usagers » et que « le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires devrait être plus conforme aux risques supportés ».
En 2018, le gouvernement avait donné son feu vert aux sociétés d’autoroutes pour des augmentations du tarif des péages au 1er février 2019, comprises entre 0,1 % et 0,39 %, hors inflation. Compte tenu de l’inflation, la hausse serait de l’ordre de 2 %.
Par ailleurs, il faut noter que la politique tarifaire des concessionnaires autoroutiers a également un impact très important sur la sécurité routière, la santé publique et l’environnement. Les tarifs prohibitifs dissuadent les automobilistes d’emprunter les autoroutes, qui constituent pourtant le réseau le plus sécuritaire, puisqu’il enregistre un taux de 2 tués par milliard de kilomètres parcourus, contre 7,3 tués sur le reste du réseau routier français.
Ces constats, effectués par la Cour des comptes, l’Autorité de la concurrence et l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, engendrent des inquiétudes légitimes et fondées.
Plus de 10 ans après la privatisation des concessions autoroutières, il est nécessaire d’exercer un contrôle politique et de faire un bilan. C’est pourquoi je vous propose d’adopter le dispositif suivant.
proposition de rÉsolution
En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres relative à la régulation des concessions autoroutières.