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N° 1845
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2019.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
concernant l’avenir du secteur hydroélectrique,
présentée par Mesdames et Messieurs
Hubert WULFRANC, Julien AUBERT, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Jeanine DUBIÉ, Loïc PRUD’HOMME, Sophie AUCONIE, Emmanuelle ANTHOINE, Clémentine AUTAIN, Joël AVIRAGNET, Ericka BAREIGTS, Nathalie BASSIRE, Delphine BATHO, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN‑MALGRAS, Huguette BELLO, Ugo BERNALICIS, Gisèle BIÉMOURET, Émilie BONNIVARD, Christophe BOUILLON, Marine BRENIER, Jean‑Louis BRICOUT, Pascal BRINDEAU, Moetai BROTHERSON, Fabrice BRUN, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, Luc CARVOUNAS, Michel CASTELLANI, Jacques CATTIN, André CHASSAIGNE, Paul CHRISTOPHE, Paul‑André COLOMBANI, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Marie‑Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Alain DAVID, Vincent DESCOEUR, Pierre DHARRÉVILLE, Julien DIVE, Virginie DUBY‑MULLER, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Laurence DUMONT, Elsa FAUCILLON, Olivier FAURE, Caroline FIAT, Laurent FURST, Laurent GARCIA, Guillaume GAROT, Philippe GOSSELIN, David HABIB, Patrick HETZEL, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Sébastien JUMEL, Marietta KARAMANLI, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Bastien LACHAUD, Valérie LACROUTE, François‑Michel LAMBERT, Jérôme LAMBERT, Michel LARIVE, Jean LASSALLE, Jean‑Paul LECOQ, Serge LETCHIMY, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Josette MANIN, Olivier MARLEIX, Stéphane MAZARS, Jean‑Luc MÉLENCHON, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Christophe NAEGELEN, Jean‑Philippe NILOR, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, George PAU‑LANGEVIN, Bernard PERRUT, Stéphane PEU, Sylvia PINEL, Christine PIRES BEAUNE, François PUPPONI, Bérengère POLETTI, Dominique POTIER, Aurélien PRADIÉ, Joaquim PUEYO, Adrien QUATENNENS, Valérie RABAULT, Nadia RAMASSAMY, Jean‑Hugues RATENON, Robin REDA, Frédéric REISS, Jean‑Luc REITZER, Muriel RESSIGUIER, Fabien ROUSSEL, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Hervé SAULIGNAC, Jean‑Marie SERMIER, Raphaël SCHELLENBERGER, Gabriel SERVILLE, Éric STRAUMANN, Bénédicte TAURINE, Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR‑CHRISTOPHE, Isabelle VALENTIN, Boris VALLAUD, Arnaud VIALA, Michèle VICTORY, Cédric VILLANI, André VILLIERS, Stéphane VIRY, Michel ZUMKELLER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis la perte du statut d’établissement public d’EDF intervenue en 2004, la Commission européenne fait pression sur la France pour obtenir, dans le cadre du renouvellement des concessions, l’ouverture à la concurrence de nos installations hydroélectriques.
En octobre 2015, la Commission, qui avait engagé une première procédure en 2006, a adressé́ à la France une mise en demeure, mettant en cause les « mesures étatiques qui, en faisant obstacle à l’entrée et à l’expansion de concurrents, ont pour effet de maintenir ou de renforcer la position dominante d’EDF ».
Une nouvelle mise en demeure a été adressée le 7 mars 2019 au motif que la législation et la pratique des autorités françaises, qui ont autorisé le renouvellement ou la prolongation de certaines concessions hydroélectriques sans recourir à des procédures d’appel d’offres, seraient contraires au droit européen.
Conformément aux orientations du Chef de l’État, le Gouvernement actuel a fait lui‑même de la concurrence l’une de ses priorités et ouvert une discussion pour répondre aux attentes de Bruxelles.
Un large consensus se dessine pourtant, dans la population comme chez les élus locaux et nationaux, pour rejeter comme dangereuse et irrationnelle l’ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique au plan économique, social et environnemental, qui s’adosse à un patrimoine financé de longue date par les Français et conservé en excellent état.
Comme le soulignait Marie‑Noëlle Battistel, en avril 2018, dans les conclusions du groupe de travail relatif aux concessions hydroélectriques, l’hydroélectricité « dépasse de très loin le seul cadre de la production d’énergie et recouvre de multiples enjeux. »
Un enjeu énergétique, puisque les barrages hydroélectriques sont encore la première source d’électricité renouvelable en France et produisent 12 % de notre mix électrique et sont le seul outil de stockage de masse d’électricité.
Un enjeu industriel, puisque la filière emploie 25 000 personnes et génère 1,5 milliard d’euros de recettes publiques.
Un enjeu environnemental et de service public incontournable qui intéresse les différents usages de la ressource en eau et le rôle propre des barrages sur nos territoires, en matière d’irrigation agricole, de fourniture d’eau potable, de soutien d’étiage ou de tourisme.
Un enjeu de sécurité́, enfin, en matière notamment de gestion des crues et de fourniture de source froide des installations nucléaires.
L’injonction de Bruxelles se révèle d’autant plus absurde que chez ceux de nos voisins qui ne disposent pas d’un régime concessif, la mise en concurrence peut être exclue et n’a donc pas été mise en œuvre.
Il appartient donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de défendre à Bruxelles une alternative solide à la mise en concurrence. Les traités autorisent notamment notre pays à organiser la fourniture de services en tant que services d’intérêt économique général, assortis ou non d’un droit exclusif ou spécial de gestion ou d’exploitation, sous réserve du respect des dispositions de l’article 82 du traité CE et de l’article L. 420‑2 du code de commerce sur l’abus de position dominante.
Nous considérons, en tout état de cause, que les opérateurs historiques que sont Électricité de France, la société anonyme d’intérêt général Compagnie nationale du Rhône et à la Société hydroélectrique du midi, sont les seuls à offrir aujourd’hui des garanties suffisantes en matière de gestion des risques sécuritaires, de soutien à l’économie et à l’emploi et de prise en compte effective de la diversité des usages de la ressource en eau.
Face aux risques engendrés par la mise en concurrence en termes de désoptimisation, de préservation de l’emploi et des atouts du système hydroélectrique français, il est aujourd’hui à la portée des autorités françaises de plaider en faveur d’une dérogation au principe de remise en concurrence.
La simplicité́ pratique de la mise en œuvre d’une solution fondée sur l’existant et son intérêt en matière de politique de l’eau et de l’énergie justifie pleinement qu’elle soit défendue devant la Commission européenne. C’est une question de volonté politique.
C’est dans cet esprit que nous invitons le gouvernement à se rapprocher de ses partenaires européens en vue d’exclure explicitement le secteur hydroélectrique du champ de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.
proposition de rÉsolution
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution ;
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;
Vu l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
Vu les articles 16, 82 et 86 du Traité instituant la communauté européenne ;
Vu les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Vu la directive 2006/11/CE du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ;
Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;
Vu la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession ;
Vu le code de l’énergie ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;
Vu l’ordonnance n° 2016‑65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession :
Vu le décret n° 2016‑86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ;
Vu le décret n° 2016‑530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions ;
Vu la mise en demeure de la Commission européenne en date du 22 octobre 2015 relative au dossier intitulé « Concessions hydroélectriques en France » ;
Vu la nouvelle mise en demeure de la Commission européenne adressée à la France en date du 7 mars 2019 ;
Vu la communication en date du 30 mai 2018 de Mme Marie‑Noëlle Battistel sur les conclusions du groupe de travail relatif aux concessions hydroélectriques ;
Considérant que l’hydroélectricité représente pour notre pays un secteur stratégique tant pour la production d’électricité renouvelable que pour la gestion durable de la ressource en eau ;
Considérant que les exploitants historiques opérant actuellement en France offrent toutes les garanties en matière énergétique de gestion des risques, de soutien à l’économie et à l’emploi et de prise en compte effective de la diversité des usages de la ressource en eau ;
Considérant les risques que ferait peser l’ouverture à la concurrence en termes de souveraineté énergétique, de désorganisation du système hydroélectrique, de préservation de l’emploi et des atouts du système hydroélectrique français, y compris tarifaires ;
Considérant que les procédures de mise en demeure engagées par la Commission européenne sur les législations en matière d’énergie hydroélectrique intéressent sept autres États membres, parmi lesquels l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Pologne, le Portugal et la Suède, démontrant ainsi que tous ces États membres ont pris des mesures protectrices quant à l’exploitation de leur ressource hydroélectrique ;
Souhaite que le Gouvernement s’oppose à la mise en concurrence de tout ou partie des concessions hydroélectriques sur le territoire national, et
Invite le Gouvernement à se rapprocher de ses partenaires européens afin d’exclure explicitement le secteur hydroélectrique du champ de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.