N° 2730
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mars 2020.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
relative à la création d’une commission d’enquête sur l’applicabilité, l’efficacité et l’influence de l’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire
et une alimentation saine, durable et accessible à tous,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Julien DIVE, Jean‑Louis THIÉRIOT, Ian BOUCARD, Jean‑Marie SERMIER, Frédérique MEUNIER, Thibault BAZIN, Josiane CORNELOUP, Gérard MENUEL, Véronique LOUWAGIE, Michel HERBILLON, Bérengère POLETTI, Bernard PERRUT, Xavier BRETON, Marianne DUBOIS, Patrick HETZEL, Gérard CHERPION, Fabrice BRUN, Raphaël SCHELLENBERGER, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Emmanuelle ANTHOINE, Annie GENEVARD, Valérie BAZIN‑MALGRAS,
Députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 1er novembre 2018 a été promulguée la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGalim), avec comme objectif d’instaurer une plus juste rémunération des agriculteurs, avec davantage d’éthique dans les négociations commerciales annuelles entre distributeurs et industriels.
Lors de son passage au Sénat, le texte s’était vu introduire un nouvel article 44 par des sénateurs de tous les bords politiques. Cet article avait pour objectif de rétablir une concurrence plus loyale et d’assurer au consommateur une traçabilité plus importante.
L’article 44 de la loi EGalim dispose qu’il est proscrit de « proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit, en vue de la consommation humaine ou animale, des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires, ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne, ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par la réglementation. L’autorité administrative prend toutes mesures de nature à faire respecter l’interdiction prévue au premier alinéa. ».
Dans le dispositif final de la loi EGAlim, l’ensemble des articles nécessitant une ordonnance, un arrêté ou un décret y sont cités, l’article 44 ne figure pas dans cette liste. L’article 44 dispose que : « L’autorité administrative prend toutes mesures de nature à faire respecter l’interdiction prévue au premier alinéa. », cela signifie que l’article 44 ne nécessite pas de décret d’application et que l’administration peut prendre immédiatement toutes les mesures et décisions nécessaires pour faire interdire les importations visées.
Alors que les législateurs européens et nationaux imposent aux agriculteurs français toujours plus de normes de production contraignantes, pour répondre aux exigences environnementales et sanitaires, ils autorisent dans le même temps avec la signature de plusieurs accords de libre‑échange l’entrée significative de produits qui ne respectent pas ces normes environnementales et sanitaires.
Depuis l’année 2000, les importations ont quasi doublé en France (+ 87 %) et selon l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), 10 à 25 % de ces produits agricoles et alimentaires importés en France ne respecteraient pas les normes minimales environnementales et sanitaires imposées aux producteurs français.
Plusieurs syndicats agricoles ont rappelé que plusieurs denrées traitées avec des produits interdits en France continuent depuis la promulgation de la loi EGalim d’affluer et de se retrouver dans l’alimentation des animaux et de nos concitoyens.
Au regard de cette réalité, les dispositions de l’article 44 de la loi EGalim sont très difficiles à appliquer étant donné la croissance exponentielle des importations de produits d’origine animale qui ne répondent pas aux critères européens et français.
L’impact environnemental de ces produits est incontestable, mais il l’est également en matière de santé publique.
En étant vendu librement, à bas coûts, ce type d’aliment impacte principalement la santé des consommateurs les plus modestes, les plus défavorisés, faisant ainsi de l’alimentation un nouveau signe de marqueur social.
À titre d’exemple, celui des cerises turques qui sont produites avec du diméthoate (insecticide utilisé contre un moucheron asiatique), l’importation en France de ces cerises est interdite, mais l’importation de produits transformés qui contiennent ces cerises ne l’est pas.
L’application de cet article 44 de la loi EGalim semble floue, a fortiori son effectivité. Il a été promis de renforcer les contrôles pays par pays et d’améliorer le contrôle dans les grands ports d’entrée.
Depuis la promulgation de la loi, de multiples questions écrites ont été adressées au ministère de l’agriculture et de l’alimentation sur l’application de cet article 44. Le ministre répond toujours en expliquant que ses services sont mobilisés « pour que puissent s’appliquer rapidement, dans un cadre réglementaire sécurisé, les dispositions prévues » par l’article 44.
Le vendredi 31 janvier 2020, le conseil constitutionnel a validé l’interdiction de production en France et d’exportation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances bannies par l’Union européenne. Cette interdiction prévue par la loi EGalim est prévue pour 2022. La cohérence serait à la suite de cette décision, l’interdiction des importations en France des produits destinés à la consommation humaine et animale qui sont interdits d’être produits sur le territoire français, cela nécessite une réelle application de l’article 44 de la loi EGalim.
Comment s’assurer que ces contrôles soient réellement effectués et efficaces ? Comment vérifier que malgré les interdictions, des produits d’origine animale ne répondant pas à nos normes ne se retrouvent pas dans des produits transformés ?
Une commission d’enquête parlementaire permettrait de répondre à ces interrogations, d’avoir une réelle vision et de s’assurer de l’applicabilité, l’efficacité et l’influence de cet article. Il s’agit à la fois d’une question de santé publique, de lutte contre la concurrence déloyale et du respect de l’application de la loi.
Répondre aux inquiétudes des consommateurs français en garantissant la sécurité alimentaire et à la détresse des agriculteurs français en préservant notre agriculture face à la concurrence déloyale.
proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée de vérifier la bonne l’applicabilité, l’efficacité et l’influence de l’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.