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N° 3405

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
sur la doctrine française de libération des otages français,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Virginie DUBYMULLER,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Retenue depuis fin 2016 par des djihadistes au Mali, Sophie Pétronin, humanitaire française de 75 ans, a été libérée le 8 octobre 2020 au côté du chef de file de l’opposition malienne, Soumaïlia Cissé. En échange de cette libération, plus de deux cents djihadistes condamnés ou présumés, membre du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), auquel appartient notamment Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont été relâchés par le gouvernement malien. Transportés en avion, ils ont été relâchés dans deux zones différentes du pays, celle de Niono, dans le centre du Mali, et de Tessalit, dans le nord‑est, près de la frontière avec l’Algérie.

Le leader du GSIM Iyad ag Ghali, terroriste le plus recherché du Sahel, a organisé le 9 septembre une séance de prière collective et un « grand méchoui » pour la libération des djihadistes, dont les images ont été abondamment relayées sur les réseaux sociaux. Cette libération constitue une publicité inestimable pour l’organisation terroriste. D’après le journal malien L’Indépendant, on retrouve parmi les djihadistes libérés Taher Abu Saad (vétéran algérien expert en explosifs), Aliou Mahamane Touré (ancien chef de la police islamique du Mujao, à Gao, en 2012), le Mauritanien Fawaz Ould Ahmed, impliqué dans des attentats en 2016 contre un restaurant de Bamako (6 morts) et un hôtel de Sévaré au Mali (22 morts), le Malien Mimi Ould Baba, soupçonné d’avoir organisé les attaques sanglantes de Grand‑Bassam en Côte d’Ivoire (16 morts) et de Ouagadougou au Burkina Faso (30 morts).

Si l’otage française libérée Sophie Pétronin a qualifié ces terroristes qui l’ont retenue captive pendant quatre ans de « groupes d’opposants armés au régime » ou de simples « militaires » ayant « pris soin d’elle », plusieurs ont planifié et même exécuté de nombreuses attaques terroristes au Mali et à l’étranger, tuant des civils, au nom de l’islamisme.

D’après Didier François, grand reporter d’Europe 1 et spécialiste des questions de terrorisme, les négociations avec les preneurs d’otage et la libération massive de djihadistes s’inscrivent en porte‑à‑faux avec l’opération militaire française menée au Sahel et au Sahara, Barkhane : « la plupart des djihadistes libérés avaient été capturés par des soldats français qui avaient pris des risques considérables. On a perdu des hommes en opération, on a eu des blessés pour arrêter ces gens. Que l’on discute d’échanger un ou deux prisonniers est une chose, mais que le gouvernement malien décide de rentrer dans des négociations à ce niveau change singulièrement la donne. On ne peut pas faire ça d’un côté et de l’autre demander à la force Barkhane de mener les combats dans une opération d’attrition, tuant une centaine de djihadistes par mois pour tenir la situation. »

Pour rappel, plus de 5 000 soldats français restent aujourd’hui déployés au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane. Les pertes militaires françaises au Mali et au Sahel sont aujourd’hui de 50 militaires, dont 8 officiers, 2 officiers mariniers, 17 sous‑officiers et 23 militaires du rang, morts pour la France.

Le 12 octobre, le Premier ministre Jean Castex a expliqué sur France‑info que la France n’était pas partie prenante des discussions avec les ravisseurs. Il apparait difficile de croire que le gouvernement malien n’aurait eu aucun échange avec les autorités françaises sur cette question extrêmement sensible.

Le flou qui entoure les conditions de la libération de Sophie Pétronin mérite aujourd’hui d’être éclairci par la mobilisation de la représentation parlementaire, au moyen d’une commission d’enquête sur la doctrine française de libération des otages français.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’examiner la doctrine française pour les opérations de négociation et de libération des otages français, avec ses possibles évolutions, en s’appuyant sur la récente libération de Sophie Pétronin au Mali.